Aurélien Royer, une cuisine axée sur le vivant

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Chez Liquide, sa taverne moderne située rue de l’Arbre-Sec (Paris 1er), Aurélien Royer signe une carte à la fois audacieuse et terrienne. Aux commandes du restaurant depuis seulement quatre mois, le jeune chef insuffle une vision très personnelle et vivante de la cuisine, tout en perpétuant l’héritage aux racines jurassiennes de Matthias Marc.

Aurélien Royer
Chef du restaurant Liquide, à Paris 1er. Crédit : Ilya Food Stories

Aurélien Royer semble avoir plusieurs cordes à son arc. Aujourd’hui chef du restaurant Liquide (Paris 1er) – l’une des tables de l’étoilé Matthias Marc –, le trentenaire a été chimiste dans une première vie. « La cuisine, j’ai toujours aimé ça, mais j’ai été poussé à faire de longues études, ce que je ne regrette pas du tout aujourd’hui », explique-t-il. C’est ainsi qu’il exerce durant quelques années dans l’univers de la cosmétique, avant de prendre un virage à 360 ° : « J’étais arrivé à un moment de ma carrière où j’avais de très belles opportunités. Et puis j’ai tout remis en question. Je me suis rendu compte que je me mentais à moi-même, je ne voulais pas faire ça toute ma vie. » En parallèle, il passe les concours pour entrer à l’école Ferrandi (Paris 6e).

« J’ai toujours pris un plaisir fou à cuisiner. Quand je préparais à manger chez moi, je ne comptais jamais les heures », affirme le trentenaire. Après plusieurs stages au sein de grandes maisons, comme Comice* (Paris 16e) ou Le Balzac (Paris 8e), Aurélien Royer signe son premier contrat chez Substance* (Paris 16e), la table gastronomique de Matthias Marc. « Il est le premier à m’avoir laissé réellement ma chance », déclare- t-il.

Puis la pandémie de la Covid marque un retour aux sources. En effet, confiné à la campagne, près de Royan (Charente-Maritime), Aurélien Royer s’ennuie. Il entreprend de trouver une activité. Sur les marchés, il fait alors la rencontre de maraîchers et décide de les rejoindre. « Cela me semblait être un bon moyen de me rapprocher de la terre. Je voulais comprendre comment chaque produit poussait, à quelle période et à côté de quoi. Je souhaitais aller au-delà du goût avant de retrouver les cuisines », raconte le chef, avide d’une expérience portée sur le « sensoriel ».

Puis, il retourne chez Substance, qu’il quitte peu de temps après pour passer deux années chez Septime (Paris 11e), aux côtés du chef Bertrand Grébaut. Là, dans l’antre le plus couru de la rue de Charonne, Aurélien Royer occupe tous les postes tour à tour : « C’était une belle expérience complémentaire. La cuisine de Septime a beaucoup de sens et de fond. Ce que j’ai le plus aimé, c’était les produits que l’on faisait entrer, mais aussi le soin qu’on leur apportait. C’était un bonheur de travailler avec des fruits et légumes d’exception tous les jours ».

« Il existe un tronc commun entre la chimie et la cuisine. »

De l’univers de la science, il garde un certain sens de l’analyse. « Ça m’a aidé à comprendre tout ce qu’il se passait. Finalement, les réseaux de gluten, les réactions de Maillard ou celles d’une pâte, ce ne sont que des cas d’école, indique Aurélien Royer, enjoué. Cela m’a fait gagner pas mal de temps à mes débuts ». Cependant, le chef chimiste met vite de côté la cuisine moléculaire, très en vogue il y a une dizaine d’années. « Pour être entièrement transparent, je m’y suis penchée au début. Mais je suis passé par des maisons où l’on m’a très vite appris ce qu’était le réel goût des choses. C’est bien beau d’avoir des écumes, de la fumée… mais je suis tellement attaché au produit et à sa forme originelle, que je me dis qu’il n’y avait pas besoin de déshydrater une fraise ou de la mettre en gel par exemple. »

À sa table, un seul mot d’ordre : ne jamais trop s’éloigner du produit. En revanche, pour Aurélien Royer, « il existe un tronc commun entre la chimie et la cuisine. Ce tronc commun, c’est la transformation de la matière. » En effet, chez Liquide – comme chez Lavoisier – rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme : « Lorsque nous faisons entrer un agneau au restaurant, il est entier. Puis, chaque morceau est utilisé et mis en valeur. Nous nous adaptons aux produits. » En ce moment, Aurélien Royer propose dans sa « taverne moderne » des churros de pommes de terre sauce béarnaise, mais également une pizza soufflée et agneau confit (17 €) : « Je fais des recettes régressives. Liquide, c’est avant tout des plats que Matthias et moi aimons manger. »

Mais également des plats à partager, comme une tourte aux pommes de terre accompagnée d’oignons caramélisées, de comté vieux et d’une sauce au vin jaune (65 €). Ou encore l’omble chevalier, bisque, mélisse et verveine (85 € pour deux personnes). En dessert, on retrouve une pomme tatin accompagnée d’une crème crue et d’un feuilletage inversé (14 €). Au déjeuner, les menus restent accessibles (29 €, entrée et plat, ou 32 € avec le dessert). À l’avenir, le chef espère que « tout le monde prendra conscience de l’importance du sourcing et de la saisonnalité mais également du respect de l’autre. ».

Issu d’un secteur d’origine « très carré » sur le code du travail, il découvre un monde différent en restauration. « Lorsque je suis arrivé dans de grandes baraques, j’ai observé des choses impensables en termes d’horaires. J’ai très vite compris à quel point la cuisine pouvait être intense, constate-t-il. Je l’ai fait car j’avais très faim et surtout parce qu’il fallait rattraper le temps perdu. Mais pour moi, les réels enjeux de la restauration de demain sont là : respecter le vivant dans son entièreté. »

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