Beatriz Gonzalez : de Mexico à Paris

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La cheffe mexicaine Beatriz Gonzalez est devenue en dix ans une incontournable de la scène culinaire parisienne. Avec ses deux restaurants Neva Cuisine (Paris 8e) et Coretta (Paris 17e), celle qui a débarqué en France à l’âge de 18 ans livre une bistronomie à l’accent français. Tandis que son dernier-né, la taquería Taco Mesa (Paris 10e), met à l’honneur son pays d’origine.

Beatriz Gonzalez
Beatriz Gonzalez gère trois restaurants: Neva Cuisine (Paris, 8e), Coretta (Paris, 17e) et Taco Mesa (Paris, 10e). Crédit: Aurélien Peyramaure / DR

C’est à sa dernière adresse, Taco Mesa, que le rendez-vous avait été convenu. Dans ce petit local de la rue du Faubourg-Poissonnière (Paris 10e), à la cuisine ouverte et au long comptoir orange, le service du déjeuner se termine peu à peu. Beatriz Gonzalez s’affaire au nettoyage et salue les derniers clients. Ce jour-là, un couple de Belges en voyage. « Ils m’ont dit qu’ils étaient venus à Paris spécialement pour moi », s’amuse-t-elle. Un trait d’humour qui n’est pas si éloigné que cela de la réalité. En effet, la cheffe originaire du Mexique est devenue en un peu plus d’une décennie une valeur sûre de la gastronomie parisienne.

Pour autant, Beatriz Gonzalez ne souhaite pas être considérée comme une cheffe mexicaine. Bien au contraire, son parcours l’a façonnée de telle manière à devenir la plus française des cheffes mexicaines. Celle qui est née à Mexico et a grandi sur l’île de Cozumel est issue de parents restaurateurs. Sa mère enfilait son tablier aussi bien au restaurant que dans leur appartement, situé au-dessus de l’établissement. « Elle cuisinait très bien. À la maison, il y avait tout le temps une table pour dix personnes, alors que nous n’étions que quatre. C’est là où ma passion pour la cuisine a trouvé sa source », se souvient-elle.

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Beatriz Gonzalez est une cheffe franco-mexicaine Crédit: Beatriz Gonzalez

Bien que ses parents l’aient toujours tenue éloignée de la cuisine, elle ne s’est pas avouée vaincue. « Lors de ma dernière année d’études aux États-Unis, j’ai pris des cours de cuisine qui ont confirmé ma passion », précise-t-elle. Son père lui parle alors de l’Institut Paul-Bocuse (désormais Institut Lyfe), situé à Écully (Rhône), près de Lyon. Beatriz Gonzalez y débarque en 1999, à seulement 18 ans. Plongée dans une nouvelle culture, elle en profite pour découvrir l’univers de la haute gastronomie et des étoilés Michelin : Pierre Orsi à Lyon, le Lucas Carton d’Alain Senderens (Paris 8e) et La Grande Cascade de Frédéric Robert (Paris 16e).

Au sein du Lucas Carton, elle travaillera cinq années, qui se révéleront particulièrement marquantes. « Il s’agit d’une expérience de vie, avec un chef innovant. Nous ne voyions pas les heures passées. Je me rappelle le chou farci au foie gras ou encore le homard à la vanille et au champagne », savoure-t-elle. Mais alors qu’elle se destine aux cuisines d’un palace, son époux Matthieu Marcant lui conseille d’ouvrir sa propre adresse. « Cette idée ne m’était pas venue à l’esprit », avoue-t-elle toutefois.

« J’adore tout, notamment les produits et les saisons bien marquées. »

C’était sans compter le pouvoir de persuasion de son mari. « Il avait tout préparé », confirme-t-elle dans un éclat de rire. Son mari organise alors la visite d’un local du 8e arrondissement de Paris. « Il s’agissait d’une horrible pizzéria dans laquelle je ne me projetais pas », lâche la cheffe. Malgré tout, Matthieu Marcant réalise des miracles et voilà Beatriz Gonzalez embarquée dans l’aventure du Neva Cuisine, inauguré en 2011.

À peine ce projet mis sur les rails qu’une proposition arrive entre ses mains concernant un local destiné à accueillir un restaurant dans un quartier du 17e arrondissement en cours de réhabilitation. La cheffe remplit le dossier de demande, l’envoie, puis l’oublie… Mais deux ans plus tard, son dossier est accepté. En 2014, au bout d’un an de travaux, son deuxième restaurant Coretta ouvre ses portes, et les clients s’y pressent, tout comme chez Neva Cuisine.

Pour ces deux tables, l’accent est mis sur une cuisine bistronomique autour de « bons produits de saison ». Mais surtout, « une cuisine française complétée d’influences du monde, pour ajouter plus de goût », et non pas une cuisine mexicaine. Pour preuve, le plat signature de Beatriz Gonzalez n’est autre que le ris de veau, dont la garniture évolue en fonction des saisons. Une recette héritée d’Alain Senderens, dont la mise en application a été approuvée par ce dernier, venu en client. En outre, la France tient naturellement une place particulière chez Beatriz Gonzalez : « J’adore tout, notamment les produits et les saisons bien marquées. »

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Les tacos faits-maison de Taco Mesa. Crédit: Taco Mesa

Sa cuisine a néanmoins connu une évolution. Ainsi, du « stress des débuts parce qu’il fallait que [son aventure entrepreneuriale] fonctionne », a succédé une forme de plénitude, liée à l’expérience emmagasinée et au succès rencontré. Aujourd’hui, « je peux m’éclater », témoigne-t-elle en effet, faisant la part belle à l’acidité, via les agrumes ou le vinaigre. Une totale liberté illustrée notamment par Taco Mesa. Son troisième restaurant, ouvert en novembre 2023, met cette fois en avant la cuisine de son pays, à travers un concept de taquería.

La nouvelle adresse tire son origine de la pandémie de Covid-19, durant laquelle la vente à emporter de tacos a été décidée chez Neva Cuisine et Coretta. « Nous avons obtenu des retours fantastiques », se remémore-t-elle. Les premiers mois d’activité de l’établissement se révèlent positifs. À tel point que Beatriz Gonzalez ambitionne déjà d’ouvrir deux à trois taquerías dans Paris. Mais l’essentiel pour elle est bien de « continuer à prendre du plaisir ».

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