Jean-Pierre et Jarlène Vasseur, la banlieue après le rêve américain

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En 2020, Jean-Pierre et Jarlène Vasseur se sont installés à Puteaux (Hauts-de-Seine) pour y créer l’Andouille, un établissement inspiré des bistrots parisiens de Thierry Breton. Cette Brésilienne, habitée par l’esprit d’entreprise, et ce chef talentueux, qui a longtemps travaillé aux États-Unis, ont mis à profit leurs complémentarités avec succès.

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Jean-Pierre et Jarlène Vasseur. Crédits : DR

Jean-Pierre Vasseur a roulé sa bosse avant de venir se poser, un demi-siècle après sa naissance dans sa ville natale de Puteaux, (Hauts-de-Seine). Dans son restaurant, l’Andouille, installé dans une paisible rue ombragée et voisine, l’agitation parisienne paraît lointaine, tout comme le quartier de la Défense qui occupe pourtant la partie est du territoire de la commune. La gentrification a progressivement modifié le visage de cette cité autrefois ouvrière. En février 2020, Jean-Pierre Vasseur et son épouse, Jarlène, ont racheté cet emplacement. Les travaux pour transformer cet ancien restaurant oriental en bistrot n’avaient pas débuté que le tocsin de la crise sanitaire retentissait. Paradoxalement, Jean-Pierre n’estime pas avoir été victime d’un mauvais timing : « La situation m’a poussé à me lancer rapidement dans la vente à emporter. Comme j’étais le seul à proposer des plats chauds, prêts à consommer, mon activité était très dynamique. Dans cet emplacement discret, cela m’a permis de faire connaître l’adresse. Dès la réouverture des restaurants, nous avons fait face à une belle affluence avec des pointes à 150 couverts par jour le week-end. »

L’ancien bras droit d’un des pionniers de la bistronomie, Thierry Breton (Chez Michel, chez Casimir, la Pointe du Grouin, Paris 10e), a ainsi réussi son implantation à Puteaux. Le concept n’est pas très différent de celui développé par son mentor, Chez Michel. Il s’appuie sur un menu carte à 37€ (31€, entrée + plat ou plat + dessert) avec en prime un menu du marché à 23€. Au départ, en hommage à sa mère, Jean-Pierre Vasseur avait souhaité appeler l’endroit Madame Gisèle. « Mon comptable a trouvé l’idée mauvaise. Lorsque je lui ai proposé le nom de l’Andouille, il l’a tout de suite validé. » Naturellement, l’andouille de Guémené est à la carte. Il y a aussi de l’eau bretonne, de la bière bretonne. « J’ai pris des habitudes chez Thierry Breton », explique le chef. Le père de Jean-Pierre était américain, issu d’une famille française émigrée après-guerre à Chicago. Cette filiation explique en partie le tropisme américain du chef. Formé en cuisine à l’école Jean-Drouant, Jean-Pierre Vasseur décide de s’envoler vers la Californie après son service militaire. Il y reste dix ans et enchaîne les emplois de cuisinier. « J’ai envoyé 50 CV, se souvient-il, seul le Méridien de Newport Beach m’a répondu. J’y suis resté 18 mois. »

Aux États-Unis, j'ai appris à travailler
Jean-Pierre Vasseur, Propriétaire de l'Andouille, Puteaux

Le natif de Puteaux va ensuite connaître une honnête carrière américaine en devenant chef d’un bistrot du sud de Los Angeles, avant d’intégrer les brigades de deux chefs français installés outre-Atlantique, dont celle de Laurent Manrique. En 2003, il revient en France au chevet de son père malade. C’est à cette époque qu’il rencontre Thierry Breton qui l’embauche comme chef de partie avant de lui confier de plus importantes responsabilités dans ses différents établissements. C’est d’ailleurs Chez Michel qu’il rencontre son épouse Jarlène. La jeune femme, venue du Brésil, occupait alors un poste en salle. Aux côtés de Thierry Breton, Jean-Pierre Vasseur assure avoir compris son métier de cuisinier. « Aux États-Unis, j’ai appris à travailler. À savoir 7 j/7 sans répit, sans vraiment comprendre ce que je faisais. Il faut savoir qu’en Californie, on n’achète pas des volailles entières et par sécurité leur viande est javellisée. C’est Thierry Breton qui m’a enseigné l’art de sublimer chaque produit et de ne rien gâcher ». Il loue aussi son ancien patron de lui avoir permis de prendre des initiatives : « Il nous donnait carte blanche dans le choix des produits, avec un seul préalable : que cela reste rentable ! »

Pourtant, le rêve américain hante encore Jean-Pierre Vasseur. En 2015, il tente à nouveau sa chance à Chicago, puis en Californie, avec pour projet à terme de faire venir sa femme et ses trois enfants dans le pays et d’y créer un jour un restaurant. Il a fini par jeter l’éponge au bout de deux ans face aux difficultés : « Là-bas, il n’y a aucune aide. Même avec un salaire mensuel de 5.000$, c’est impossible de faire vivre une famille de cinq personnes. La mutuelle représente déjà une charge de 1.500 $/mois. La scolarité coûte 500.$/mois et par enfant… » Pourtant, Jean-Pierre Vasseur admire toujours ce pays de tous les possibles où « les entrepreneurs peuvent conserver le fruit de leur travail sans en donner une bonne partie à l’État comme c’est le cas en France ». Cependant, son expérience lui a également permis de découvrir le revers de la médaille. Il reconnaît qu’il est aujourd’hui très partagé entre les deux modèles. La famille Vasseur continue d’ailleurs à rêver en lorgnant toujours vers l’autre côté de l’Atlantique, mais l’avenir s’écrit désormais à Puteaux. Le succès de l’Andouille permettra, au moins au moment de Noël, à Jean-Pierre, à Jarlène et à leurs enfants de s’envoler vers la Floride pour des vacances bien méritées.

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