Mathieu Viannay : le chantre de la gastronomie lyonnaise

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Mathieu Viannay perpétue avec brio l’héritage culinaire lyonnais. Il fait briller deux étoiles sur La Mère Brazier depuis 2008, après avoir repris avec succès le restaurant L’Olivier en 1998 et lancé sa table éponyme deux ans plus tard. Le chef a décidé l’an passé de vendre la majorité de ses parts afin de développer la marque La Mère Brazier.

Mathieu Viannay
Mathieu Viannay. Crédits : DR

Qui aurait cru, à la fin des années 1990, qu’un Versaillais se hisserait parmi les plus fervents représentants de l’héritage culinaire de la capitale des Gaules ? Le nom du chef Mathieu Viannay, 55 ans, est aujourd’hui assimilé à l’excellence et au bon goût d’une gastronomie identitaire qui compte d’illustres représentants, de Paul Bocuse à Joseph Viola, en passant par Christophe Marguin. Parti de rien, Mathieu Viannay n’appartient pas au sérail lyonnais. Alors qu’il n’a aucune expérience en cuisine, il décide d’embrasser les métiers de bouche à la fin des années 1980. « Je ne connaissais pas ce milieu et je n’en étais pas issu. Mon expérience se résumait à un passage chez le chef étoilé Alain Morel quand j’étais au lycée », se souvient-il. Le chef de la Mère Brazier a redoublé d’effort, encouragé par un oncle vigneron, féru de gastronomie et sensibilisé à l’art de vivre à la française.

Pour se mettre à niveau, Mathieu Viannay intègre l’école Ferrandi et complète sa formation à l’École supérieure de cuisine française. À l’époque, Ferrandi disposait déjà d’une solide réputation et sa formation le conduit notamment dans les cuisines de Jean-Pierre Vigato. Après son service militaire, ce n’est cependant pas vers la haute gastronomie qu’il s’oriente. Il intègre Accor Wagons-Lits afin de travailler sur l’offre de restauration de la gare Montparnasse. Débauché par le groupe Frantour (alors filiale de la SNCF), il assure par la suite les mêmes fonctions au sein des gares de Lyon-Part-Dieu et Lyon-Perrache. La restauration de gares est alors en pleine remise en question et connaît un grand sursaut : « J’ai appris tout ce qu’on n’apprend pas l’école en termes de management et de gestion. »

Sur place, personne n’a vu venir ce chef discrètement arrivé par le rail. Après quelques années consacrées à la restauration de gares, il rachète L’Olivier, son premier établissement. « J’ai toujours eu pour ambition d’ouvrir mon propre restaurant et d’être patron. Dans toutes les cuisines où je suis passé, je ne souhaitais pas forcément gravir les échelons, alors je me débrouillais pour trouver des places à responsabilité ; c’est une démarche très différente de la plupart de mes confrères », confie-t-il. Deux ans après la reprise de L’Olivier, le chef achète un local en 2000 et lance ainsi le restaurant Mathieu Viannay.

Lyon est une ville où tout le monde peut réussir, à condition de travailler
Mathieu Viannay, Chef associé de La Mère Brazier, Lyon

Dès son ouverture à la rentrée 2001, cette table fait parler d’elle. Çà et là, on salue la fraîcheur culinaire que le Versaillais distille en cuisine. « Lyon est une ville où tout le monde peut réussir, à condition de travailler », glisse-t-il modestement. Et d’ajouter : « Ce n’est pas une ville qui apprécie le show. » Finaliste malheureux du concours Un des Meilleurs ouvriers de France (MOF) Cuisine en 2000, Mathieu Viannay ne baisse pas pour autant les bras. Il décide de remettre le couvert. Auréolé du titre de MOF en 2004, il décroche l’année suivante une première étoile.

Dorénavant, le chef joue dans la cour des grands. En 2008, il jette son dévolu sur La Mère Brazier, une institution, voire un monument, de la Capitale des Gaules. L’affaire était en liquidation judiciaire et Mathieu Viannay en fait l’acquisition à la barre du tribunal de commerce. « Jacob Brazier avait vendu en 2004 et les nouveaux propriétaires n’ont pas su reprendre le flambeau. Tout le monde m’a pris pour un fou, mais je trouvais cet endroit merveilleux », retrace le chef. Après six mois de travaux, Mathieu Viannay rouvre les portes de La Mère Brazier en octobre 2008. Cinq mois plus tard, le Guide Michelin décerne deux étoiles à l’établissement.

Pour parvenir à un tel succès, l’homme a su faire de sa cuisine une sorte de trait d’union entre l’héritage d’Eugénie Brazier, fondatrice du restaurant, et une certaine forme de modernité. « Je pense qu’on ne peut pas faire de cuisine contemporaine sans base classique. Ce qui m’anime, c’est l’amour du produit », explique le Lyonnais, qui met toujours à l’honneur l’artichaut au foie gras ou encore la poularde demi-deuil.

L’été dernier, Mathieu Viannay a créé la surprise en vendant la majorité des parts de La Mère Brazier (dont l’activité est complétée par deux épiceries du même nom à Lyon) au millionnaire Matthieu Gufflet, un homme d’affaires particulièrement actif dans l’univers du vin et de l’hospitalité. « Nous travaillons au développement d’un groupe qui permettra notamment de créer d’autres épiceries La Mère Brazier », détaille le chef. Mathieu Viannay demeure à la barre des cuisines de la Mère Brazier. « Je voulais donner de la perspective à cette institution pour qu’elle perdure. Moi, je ne suis que de passage », livre-t-il. Deux boutiques devraient voir le jour à Paris. Il sera possible d’y déguster les pâtés en croûte du chef, ainsi qu’une gamme de charcuterie, grâce à une offre de petite restauration.

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