Olivier Chaput, le chef des enfants

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Le chef cuisinier Olivier Chaput éduque les enfants à bien manger à travers son association Les Enfants Cuisinent et son Festival #bon.

Olivier Chaput
Le chef Olivier Chaput s’engage pour que les enfants apprennent à bien manger. Crédit : Olivier Chaput

Olivier Chaput est un chef cuisinier de 46 ans. Tout au long de sa carrière, il s’est engagé dans l’alimentation des plus petits. Entre 2012 et 2013, il a participé au programme TV Un chef à ma porte sur Gulli avant de rejoindre plusieurs programmes sur France 5. Son cheval de bataille : éduquer les enfants à bien s’alimenter dès le plus jeune âge. En 2011, il fonde son association Les Enfants Cuisinent pour sensibiliser sur ce questionnement. Ils y donnent des ateliers pour un public âgé de 2 à 20 ans. Son objectif est de les rendre autonomes à l’âge adulte. Surnommé Le chef préféré des enfants, en 2016, il lance le Festival #bon, ramène tes parents.

Les plus petits, insensibles au goût

Douze ans après la création de son association, Olivier Chaput en tire un constat en deux temps: un ralentissement de la transmission des savoirs et un regain d’intérêt pour la cuisine. « Au début, on a observé d’une part, une diminution dans les foyers au niveau de la transmission et du cuisiner ensemble. Par conséquent, les enfants se sont plus orientés, comme les parents d’ailleurs, vers des plats préparés ». Selon l’association, un enfant sur trois ne sait pas reconnaître ce qu’il mange. « Je suis dans la génération des quarantenaires. Il y a eu des changements avec l’arrivée d’Internet. Au lieu de demander aux grands-parents les bonnes recettes, on allait chercher en ligne ». Les parents ont perdu le goût de la cuisine. Le chef déplore cette perte du « lien autour de la table » et un accroissement de la malbouffe.

Pendant l’épidémie du Covid-19, le cuisinier a constaté un phénomène massif chez les étudiants. « Je me suis rendu compte que beaucoup ne savaient pas cuisiner ou très mal. Donc ils s’alimentaient mal. » Selon la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes), plus d’un tiers des 18-25 ans vivant seuls ont une alimentation caractérisée par une forte consommation de produits transformés et prêts à consommer. Près d’un tiers (18 %) d’entre eux ne prennent que deux repas par jour. Mais le chef n’est pas étonné : « À vrai dire, ce n’est pas surprenant. Ce sont des enfants, devenus adultes, à qui on n’a jamais appris à se faire à manger ». Une des principales raisons d’une telle alimentation est son bas coût. Mais pour lui, ce n’est pas tout à fait juste: « Il y a cette fausse conception que bien manger coûte plus cher que mal manger. L’ennemi, c’est l’excès ».

Un changement dans les comportements

Néanmoins, ces dernières années, le chef a observé une inversion de la tendance, une plus grande prise de conscience. « Aujourd’hui, les enfants sont beaucoup plus sensibilisés aux questions écologiques. Ils commencent petit à petit à comprendre qu’il vaut mieux se nourrir et faire attention à la planète », explique-t-il. Les enfants se rendent compte par eux-mêmes du changement climatique et veulent apprendre à mieux respecter la planète. « Ce sont principalement les 8-12 ans qui ont vraiment cette envie d’apprendre à cuisiner. Ils sont dans l’ère du temps. »

Un autre point qui tient également à cœur aux enfants : le gaspillage alimentaire. Avant son association, il officiait dans l’émission télévisée Un chef à ma porte sur Gulli. « Je voyais des familles qui achetaient des dizaines d’ingrédients pour une recette. Ne la refaisant pas, ces produits restaient à l’abandon dans les placards ». Sur cette problématique-ci, aujourd’hui, les jeunes ont la volonté d’y faire plus attention.

iOlivier Chaput
Avec son association « Les Enfants Cuisinent », le chef Olivier Chaput instruit les enfants sur la cuisine. Crédit : Olivier Chaput

Bien manger, ce n’est pas juste que bien cuisiner. C’est un enjeu sociétal et sanitaire. Un adolescent sur deux est en surpoids et un sur cinq le restera toute sa vie. Le taux d’obésité infantile augmente chaque année. En 2023, selon la Ligue contre l’obésité, ce chiffre a quadruplé en 25 ans et s’élève à 9,2% chez les 18-24 ans. « En apprenant aux enfants à consommer responsable, ils auront une meilleure alimentation : plus saine et équilibrée. L’enjeu santé est dans l’assiette et je ne suis pas le premier à le dire ».

Au revoir aux plats tout-faits, bonjour au fait-maison. La sensibilisation est alors cruciale chez les jeunes : « Ils peuvent être acteurs de leur alimentation et changer leurs habitudes ». D’autant plus que cette dynamique est suivie dans la profession. Les enfants cuisinent comptent 150 adhérents chefs, métiers de bouche et producteurs. Olivier Chaput n’a pas de mal à trouver des bénévoles pour l’association : « Les chefs s’engagent de plus en plus. Ils se prennent au jeu et en ressortent ravis ».

Les enfants au restaurant

Un autre point titille le cuisinier : le menu enfant. On le retrouve dans presque tous les restaurants. Traditionnellement, il est souvent constitué au choix de steak ou saucisse frites, un plat régressif mais loin d’être nutritif. Bien que Olivier Chaput ne le bannisse pas, il appelle ses homologues à être plus créatifs : « On peut garder un steak ou deux au cas où pour un enfant qui ne voudrait pas autre chose. Mais il ne faut pas que ça soit systématique ». En habituant les enfants à manger des plats variés au restaurant, cela attisera leur curiosité et leur ouverture d’esprit. « Les enfants sont de nature curieuse et il ne faut pas oublier que ce seront les clients de demain. Donc autant les éduquer au plus tôt ».

En effet, le chef appelle à trouver des alternatives. « Quand j’avais mon restaurant à Villejuif (94), je proposais moitié prix/moitié portion. Comme ça, les enfants pouvaient manger comme les adultes ». Olivier Chaput suggère également d’autres solutions telles que présenter un autre accompagnement aux enfants au lieu des frites habituelles ou en fin de service, venir leur expliquer d’autres plats pour une prochaine fois. « C’est une erreur que de penser que les enfants ne sont pas un public rentable. L’enfant est décideur. Quand on voit la force de frappe des fast-foods, il est difficile de dire que les enfants ne sont pas rentables et ne choisissent pas les restaurants ».

En tout cas, avec le chef Olivier Chaput, l’avenir de la cuisine pour enfants est rempli d’espoir.