Teo Apostolski, l’esprit des Halles

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À la tête du Cochon à l’Oreille depuis août 2022, Teo Apostolski déploie toute son énergie dans la proposition d’une cuisine bourgeoise. Au sein d’un bistrot respirant le quartier des halles d’autrefois, cet autodidacte aux nombreuses expériences – hors et dans la restauration – se plaît à perpétuer l’art du partage.

Teo Apostolski
Teo Apostolski dirige le Cochon à l’Oreille, Paris 1er. Crédit : Aurélien Peyramaure - Au Cœur du CHR.

Cette devanture de la rue Montmartre (Paris, 1er), à deux pas de Châtelet, se remarque de loin. Son store rouge, son entrée vitrée aux formes arrondies et aux décorations typiques du début du XXe siècle… Le Cochon à l’Oreille sent bon le bistrot du temps de l’activité des halles de Paris, détruites à partir de la fin de l’année 1971 après que les grossistes ont déménagé à Rungis. Fort logiquement, le nom même de l’établissement se révèle tiré de la présence passée du marché alimentaire. « Le pavillon Baltard était situé au bout de la rue et accueillait les grossistes en porcs. C’est pour cela qu’à côté, se trouve la brasserie Au Pied de Cochon », raconte Teodore Apostolski, aussi appelé Teo.

Ce dernier poursuit, depuis août 2022, la riche histoire de l’adresse. Le Cochon à l’Oreille, bistrot datant de 1904, se trouve être inscrit aux Monuments historiques depuis 1984. Cette distinction vient reconnaître le caractère précieux et historique des faïences ornant les murs de l’établissement.

La vie du Ventre de Paris

Celles-ci représentent la vie du Ventre de Paris (surnom donné aux Halles par Émile Zola) et son quartier, à différents moments de la journée. Parmi les scènes, une vue de l’église Saint-Eustache devant laquelle des commerçants vendent des paniers de légumes. « Les faïences ont été posées par la maison Boulenger, qui s’est occupée des carreaux blancs dans le métro », explique le chef, âgé de 55 ans. Ces œuvres d’art aux coloris jaune et vert s’inscrivent dans une ambiance résolument ancrée dans la Belle Époque, le tout complété de banquettes rouges, devant un sublime bar en zinc. Les hasards de la vie faisant bien les choses, Teo Apostolski connaissait les lieux bien avant d’en devenir le patron.

« Je suis amoureux de ces endroits. Je m’étais dit que j’adorerais avoir un jour une telle affaire », se souvient-il. C’est par l’entremise d’un ami travaillant dans l’immobilier que l’occasion de gérer Le Cochon à l’Oreille s’est présentée. « Ce sont toujours les rencontres qui m’ont construit, j’ai toujours fonctionné par coup de cœur, l’aspect financier n’a jamais été un moteur », confirme le chef, né à Paris, mais qui se dit avec fierté Yougoslave. Son prénom l’illustrant est un dérivé de Todor : « vieux prénom macédonien qui était celui de mon grand-père », précise-t-il. Issu de parents Macédoniens et descendant d’une grand-mère Croate, Teo Apostolski a vécu en Macédoine de ses six mois à ses sept ans. Il y a été élevé par ses grands-parents avant de revenir en France.

« Je suis le précepte de Paul Bocuse : “Il n’y a qu’une seule cuisine, la bonne”. »
Teo Apostolski, Patron du Cochon à l'Oreille

Bien qu’il baigne dans la cuisine dès son plus jeune âge – sa grand-mère « nourrissait toute la famille » et l’emmenait sur les marchés – il entre dans la vie active dans un tout autre registre. « Je suis un autodidacte », lâche-t-il. Après un passage dans l’armée, le jeune homme se tourne vers le commerce de textile : « Des achats de lots et de la revente. Je travaillais avec le quartier du Sentier. » À la faveur d’un ami travaillant dans la publication assistée par ordinateur, il s’inscrit dans la même voie et apprend les bases du métier sur le tas.

C’est à l’âge de 24 ans qu’il découvre l’univers de la restauration. Là encore par le biais d’un ami, qui occupait un poste de cuisinier dans un bistrot du 12e arrondissement. « La cuisine est un partage. J’en tirais un bonheur au travers du plaisir pris par les autres. J’étais curieux. Il faut savoir que j’adore faire éponge : quand je suis attiré par un sujet, j’essaie toujours de le maîtriser », développe-t-il. Ainsi, le pied à l’étrier, il enchaîne les maisons : Petrus (Paris, 17e), La Table d’Anvers (Paris, 9e) des frères Christian et Philippe Conticini, ou le Lucas Carton (Paris, 8e ) d’Alain Senderens.

Cuisine bourgeoise

Il occupe également pendant un temps le poste de coach culinaire pour les animateurs de la chaîne de télévision Cuisine.TV, tout juste lancée, avant d’embrasser la bistronomie, au Chavignol (Paris, 17e) de Régis Le Bars. S’ajoutent à ce CV bien fourni des expériences de chef à domicile et de consulting pour des petites et moyennes structures. Sans oublier un passage par l’univers de la collectivité, qui lui aura appris la gestion. « J’ai tout fait hormis traiteur », conclut-il ainsi. L’expression veut que tout soit bon dans le cochon.

Avec Le Cochon à l’Oreille, Teo Apostolski paraît aux anges, naviguant dans la cuisine bourgeoise, avec l’immanquable Gratinée des Halles. Il porte une attention toute particulière à son approvisionnement de saison, avec « beaucoup de fournisseurs différents ». Le tout, dans une certaine philosophie : « Je suis le précepte de Paul Bocuse : “Il n’y a qu’une seule cuisine, la bonne”. » Avec sa bonne humeur communicative et son franc-parler, l’univers du bistrot lui sied à merveille. « Le restaurant pur ne
m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est l’échange, le partage, que l’on retrouve uniquement dans le bistrot.
» À l’aise sous son tablier, Teo Apostolski s’inscrit désormais dans la transmission, avec des idées plein la tête : « Ouvrir un bistrot parisien en Macédoine dès que j’en ai l’opportunité, et publier un livre sur la cuisine yougoslave. »

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