Entretien avec Georges Lorentz, président du domaine Gustave Lorentz

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Au Coeur du CHR s’est entretenu avec Georges Lorentz, à la tête de la maison et représentant de la septième génération.

Georges Lorentz.
Georges Lorentz. Crédits : KURT INGE EKLUND.

Le domaine Gustave Lorentz, situé à Bergheim (68), produit des vins d’Alsace depuis 1836. Il fête cette année ses 10 ans en bio. Pour l’occasion, Au Coeur du CHR s’est entretenu avec Georges Lorentz, à la tête de la maison et représentant de la septième génération.

La maison Gustave Lorentz a été fondée en 1836. Pouvez-vous nous présenter votre domaine ?

Georges Lorentz (GL) : En 1680, il y a le démarrage de la famille Lorentz dans le village de Bergheim (68) en tant que courtier en vin et paysan vigneron. En 1836, c’est Gustave Lorentz qui a véritablement développé la partie viticole et qui a donné son nom à la maison. Nous possédons 33 ha de vignes en propriété et nous en exploitons au total 35. Ils sont en bio depuis 2012. L’année prochaine, nous exploiterons au total 45 ha. Ces hectares supplémentaires que nous allons prendre en location vont être en conversion dès l’année prochaine pour être en bio dans trois ans. Nous produisons 1,5 million de bouteilles par an. En 2021, nous avons réalisé un peu moins de 8 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Cela fait 10 ans que vous êtes en bio. Pourquoi avoir à l’époque choisi d’opérer cette conversion ?

Ma première pensée a été pour nos générations futures. Je représente la septième génération au domaine. Mais également pour mes salariés, afin de faire en sorte qu’ils travaillent dans de bonnes conditions et dans des conditions saines. Aussi, j’avais le loisir de goûter des vins bios chez nos confrères en Alsace, et ce type de cuvée me plaisait beaucoup. Je pense que le fait que la vigne soit dans un contexte plus favorable, plus sain, favorise la production de raisins de meilleure qualité. Si l’environnement est plus sain, la vigne aussi, et donc elle se défend également mieux contre les agressions comme le mildiou, l’oïdium ou les insectes éventuellement. Je pense que nous produisons des raisins de meilleure qualité et cela se ressent dans la bouteille.

Quel bilan tirez-vous de ce dixième anniversaire de conversion en bio ?

Le bilan n’est que positif. Même dans les millésimes les plus compliqués, nos qualités de raisin et de vin n’avaient pas à pâlir par rapport à celles des vignerons qui sont restés en conventionnel. 2021 est un très bon exemple. Millésime pluvieux, mais nos raisons étaient tout aussi sains que ceux des vignerons aux techniques conventionnelles. Nous ne subissons pas de perte de rendement énorme. Nous sommes contents parce que nous avons des vins de meilleure qualité, qui sont plus équilibrés dans l’esprit des vins gastronomiques que nous voulons. Les structures acides sont meilleures, et les vins possèdent plus de profondeur, de complexité et d’énergie. Sur le plan commercial, nous sommes satisfaits parce que nos clients ont suivi.

Quelle est la répartition entre vos différents canaux de vente ?

En France, nous sommes à plus de 60 % en restauration. Suivent les grossistes et les cavistes. Puis nous réalisons environ 7-8 % de notre chiffre d’affaires en clientèle particulière en vente par correspondance et sur place. Nous réalisons environ 65 % de nos ventes à l’export. Nous sommes présents dans 75 pays. Une grosse part dans le nord de l’Europe, en Scandinavie, qui est très friande de vins bio et de vins blancs. Également en Belgique et aux Pays-Bas, qui sont des marchés importants de vins d’Alsace. Nous sommes moins présents en Allemagne que la plupart de nos confrères. Mais nous sommes bien implantés aux États-Unis. En Asie, nous sommes présents pratiquement partout, mais en quantités plus faibles. Nous sommes leader des vins d’Alsace aux Philippines et au Vietnam.

Quelle est votre stratégie commerciale ?

Notre philosophie est de proposer des vins gastronomiques. Nous aimons voir nos vins présents dans la restauration parce que cela a des retombées indirectes. C’est notre cible première. En France, nous travaillons avec un réseau multicartes qui représente nos vins dans chaque département et quelques grands comptes en direct comme Accor. Nous travaillons par ailleurs en duty free avec le groupe Lagardère, présent en Europe et en Afrique. À l’étranger, nous choisissons plutôt des importateurs-distributeurs qui travaillent avec la restauration, mais il faut tenir compte des spécificités de chaque pays.

Quels sont vos projets, notamment sur le plan de l’écologie ?

Au niveau de l’écologie, nous ne nous contentons pas d’être bio. Nous continuons à travailler pour essayer de réduire au maximum notre impact. Nous allons investir dans un robot pour la mise en bouteille, ce qui permettra de libérer du monde pour le travail à la vigne, la ressource en main d’œuvre étant compliquée. À la vigne, nous réfléchissons à notre façon de travailler. En bio, nous avons tendance à faire beaucoup de passages en tracteur, mais par rapport aux émissions de CO2, ce n’est pas terrible. C’est la même chose pour les traitements. Même si ce ne sont que du soufre et du cuivre, nous travaillons activement pour réduire au maximum les doses. Nous n’avons pas de certification en biodynamie mais nous utilisons quelques techniques. Par exemple, les huiles essentielles d’orange nous permettent de réduire de 50 % les traitements de bouillie bordelaise.

La recherche va dans le sens de l’expérimentation de nouveaux cépages mais il existe d’autres techniques : garder les raisins plus à l’ombre, moins palisser, moins effeuiller. Notre cépage principal est le riesling, c’est le plus intéressant, le plus gastronomique. Donc nous aimerions vraiment le conserver. Par rapport à l’évolution du climat, nous avons planté beaucoup de pinot noir ces deux dernières années et nous allons continuer d’en planter. C’est aussi lié au fait que la demande en vins rouges relativement frais est importante, et que l’on est capable de produire aujourd’hui en Alsace cette couleur avec une grande qualité. Nous avançons très vite dans cette direction : produire plus de vins rouges et rosés. Aujourd’hui, le rouge représente environ 13 % de notre domaine, le rosé 3 % et le blanc 84 %. Par ailleurs, nous voulons continuer à tirer la gamme vers le haut, et vendre davantage de grands crus et de vins bio.

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