Filière ikejime, future référence gastronomique

  • Temps de lecture : 3 min

La filière du poisson ikejime se structure en France. Le 6 avril, les professionnels initiateurs de la filière ont annoncé le déploiement d’une marque qui doit amener plus de fiabilité à ses produits haut de gamme.

Les initiateurs de Filière Ikejimé, (de g. à d. Akiko Ranchoux, Marine Barbier, Sandrine Thomas, Laure Lamour et Erwan Ranchoux) ont présenté la démarche, le 6 avril à l'Hôtel de Crillon, à Paris. Crédit : Laura Duret

Après plusieurs années de travail pour développer un guide technique et des formations pour les professionnels, l’ikejime s’organise désormais en filière pour « structurer et amener une traçabilité à chaque étape de la chaîne, du pêcheur au consommateur », explique Laure Lamour, coordinatrice de la filière, qui s’est structurée en association.

Les vertus d’une technique ancestrale

L’ikejime est une technique ancestrale japonaise d’abattage manuelle du poisson. Elle consiste à neutraliser le système nerveux de l’animal dès la sortie de l’eau avant de le saigner. Les muscles ne se gorgent pas d’acide lactique, laissant la chair intacte. Par conséquent, elle se dégrade moins vite et ne développe pas d’odeur d’ammoniaque. « On identifie beaucoup mieux les différences de goût et de texture des différentes espèces et surtout, on peut valoriser l’ensemble du poisson. Ca nous oblige à reconsidérer la manière d’aborder le travail du poisson, en nous intéressant notamment à la texture, aux températures de cuisson », témoignent les chefs Boris Campanella, hôte du jour (L’Ecrin*) et Philippe Hardy (Le Mascaret, Blainville-sur-Mer), ambassadeur de Filière ikejime.

Un pin’s et une appli pour sécuriser l’approvisionnement

La méthode, apparue en France il y a une douzaine d’années, implique en effet de respecter des délais précis entre chaque étape (pêche, abattage, levée des filets…). Un pin’s Filière ikejime, apposé juste après l’abattage des poissons, permet en effet de suivre tout le processus via une application mobile, ce qui doit apporter à l’utilisateur final la garantie d’un ikejime bien exécuté et la possibilité d’échanger avec chaque intermédiaire. L’exigence du procédé impacte en effet nécessairement le prix, en moyenne 30 % plus élevé que pour une pêche conventionnelle. D’où l’impératif de sécuriser le bon déroulement de la pratique sur un marché encore naissant en France. « La manière de pratiquer un ikejime influence par exemple la maturation de la chair ensuite. C’est donc intéressant pour un chef de pouvoir échanger directement avec le pêcheur », explique Erwan Ranchoux, poissonnier précurseur de l’ikejime en France.

Anoblir des espèces mésestimées

Si les acteurs de la filière sont convaincus du potentiel gastronomique du poisson ikejime, ils démontrent également un cercle vertueux pour l’environnement. « L’ikejime va de paire avec une pêche raisonnée. Lorsqu’on consacre 50 % du temps à la capture et 50 % du temps à l’ikejime sur le bateau, on réduit nécessairement les volumes pêchés. L’objectif étant de limiter le stress de l’animal, on reconsidère également les techniques de pêche et les outils de remontée », souligne Sandrine Thomas, marin-pêcheur à Concarneau (Finistère). Les pêcheurs reconsidèrent également la commercialisation de leurs produits. « C’est un moyen d’anoblir des poissons et de faire remonter les efforts de pêche sur des espèces peu ciblées comme le chinchard ou la roussette, complète Erwan Ranchoux. Ces poissons gagnent ainsi énormément de valeur ajoutée et deviennent intéressant économiquement. »

Des formations dans toute la France

En 2020, 120 tonnes de poissons ikejime ont été commercialisées en France. Filière ikejime a démarré des sessions de formation dans toute la France depuis quelques mois. Elles sont assurées par des pêcheurs, des mareyeurs, des chefs qui ont fait la démarche d’aller se former à cette technique au Japon. Seize bateaux disposent déjà de l’agrément, après formation et quatre mois de pratique concluants. Ils devront prouver leur bonne pratique pour le reconduire chaque année. En plus des pêcheurs, l’association espère former plus largement les acteurs de la filière, aquaculteurs, poissonniers et jusqu’aux chefs.

PARTAGER