Petit-déjeuner, l’émergence de nouvelles habitudes

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Les Français accordent moins de temps et d’importance que les Anglo-saxons au petit déjeuner. Mais ce premier repas journalier commence à s’inscrire dans les habitudes de nouveaux consommateurs, que les acteurs du CHR voient apparaître.

Petit-déjeuner
Petit-déjeuner. Crédits : DR.

Si se restaurer est une passion française, le petit déjeuner reste le parent pauvre de nos repas quotidiens. La grande majorité de nos concitoyens consomme un petit déjeuner, sans qu’il soit considéré comme le sempiternel « repas le plus important de la journée ». Selon l’étude réalisée en avril 2021 par l’institut Arcane Research, 95 % des Français de 18 à 75 ans prennent un petit déjeuner. Bien que 58 % des personnes interrogées affirment lui accorder autant d’importance qu’aux autres repas, le petit déjeuner n’est pas ancré dans nos habitudes culturelles. Il reste encore souvent pris sur le pouce. En France, ce petit déjeuner dure en moyenne 15’30 minutes. Il serait impensable de passer si peu de temps à table, lors du déjeuner ou du dîner.

Pour autant, notre rapport au premier repas de la journée tend à évoluer. « Jusqu’à maintenant le petit déjeuner c’était prendre une boisson chaude. Désormais, les petits déjeuners démarrent bien en restauration. À tel point que la plupart des cafés et des brasseries font des offres petit déjeuner. Il y a de plus en plus de monde attablés entre 6 h 30 et 9 h 30 », remarque Bernard Boutboul, président du cabinet d’études Gira. Les viennoiseries, les pâtisseries et les parts de gâteau restent les accompagnements favoris du café, du thé ou d’un jus de fruit le matin. « Le petit déjeuner en France reste sucré, mais ce n’est pas pour ça qu’il ne doit pas être sain, les consommateurs sont en attente de meilleur produit pour la santé”, estime Ingrid Salmson, responsable marketing France chez Dawn Foods, entreprise américaine spécialisée dans la pâtisserie.

Vers une offre plus salée

Malgré tout – à l’instar des breakfast des anglo-saxons – les produits salés s’intègrent davantage à nos petits déjeuners. « Les Italiens, les Français et les Espagnols sont très attirés par le sucré le matin. Mais les pays latins se mettent doucement au salé. La part du salé au petit déjeuner – notamment dans les hôtels – devient de plus en plus importante en France. C’est assez naissant, mais les acteurs de la restauration nous disent que cette tendance monte très vite. On peut voir maintenant des gens s’installer le matin pour manger une omelette et une salade verte. C’est un vrai mouvement », poursuit Bernard Boutboul.

Le café-librairie Tram (Paris 5e), ouvert depuis deux ans, propose une large offre au petit déjeuner : des viennoiseries, de la brioche babka (livrée par la boulangerie Union) et des produits maison comme des tartes, des clafoutis, des cookies, un fondant à la châtaigne et également un croque monsieur, garni de jambon Prince de Paris, de comté AOC et de sel de truffe. Ce produit toasté s’avère très apprécié… dès le petit déjeuner. « Le croque monsieur fonctionne très bien. Ce matin, j’en ai vendu cinq ou six. Je suis assez étonné qu’il marche si bien le matin. C’est une offre simple et classique, mais lorsque c’est bien fait et avec des produits de qualité, ça fonctionne », estime Marion Trama, gérante de l’établissement. La clientèle amatrice de ce produit salé fait parfois faire l’impasse (par manque de temps) sur un véritable déjeuner en milieu de journée.

Si le café Tram a su fidéliser ses clients parisiens, les touristes sont heureux de pouvoir déguster différentes spécialités françaises en matinée. « Cette année, nous avons beaucoup de monde le matin. Les Parisiens aiment les nouvelles adresses et même si nous sommes un peu cachés, cela nous force à avoir des produits de qualité. Nous avons aussi beaucoup de touristes : ils sont friands des petits déjeuners à la parisienne. On nous a déjà demandé des planches de fromages, mais nous préférons travailler avec une carte réduite afin de gérer la provenance journalière de nos produits », confie Marion Trama.

Concurrence des boulangeries

Les nouvelles offres des pâtisseries et des boulangeries, ainsi que l’accélération de la vente à emporter, entrent en concurrence avec les propositions des cafés et brasseries. « Au cours de ces deux dernières années, la boulangerie-pâtisserie a accéléré la mutation de son offre en proposant des gammes plus profondes », explique Food service vision, dans une revue publiée en décembre 2022. L’expert en analyse de données remarque que les produits achetés en boulangerie ne se limitent plus au pain. Si ce dernier représente 37 % des achats des Français, la vente des viennoiseries (16 %), du snacking (15 %), des boissons (15 %) et des pâtisseries (13 %) est loin d’être négligeable. « La boulangerie à l’ancienne cède la place à des entreprises qui empruntent de plus en plus aux codes de la restauration, élargissent et enrichissent leur offre, cherchent de nouveaux moments de consommation et surfent sur les nouvelles attentes des consommateurs urbains », note François Blouin, président de Food service vision. De nombreux cafés se fournissent d’ailleurs le matin dans des boulangeries réputées pour offrir des produits de qualité. Mais les CHR sont souvent exclus de l’équation quand les viennoiseries sont achetées pour être consommées dans les open spaces des entreprises. Une pratique qui se développe dans différents milieux professionnels, afin de recréer un moment de convivialité à l’heure du petit déjeuner.

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