Le tri à la source des biodéchets s’organise péniblement

  • Temps de lecture : 4 min

La question du tri à la source des biodéchets était au centre d’une table ronde qui réunissait élus locaux, représentants des restaurateurs et entrepreneurs de cette filière en devenir. L’entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation, le 1er janvier 2024, pose toujours de nombreuses questions.

La moitié des déchets alimentaires produits par les métiers de bouche émanent de la restauration. Crédit : Unsplash.

A six mois de l’entrée en vigueur de la réglementation sur le tri à la source des biodéchets, dans le cadre de la loi Agec, il reste beaucoup à faire pour que cette ambition soit un succès. Une table ronde, initiée par GRDF, a réuni, le 20 juin, des représentants de collectivités locales, des syndicats de CHR et des opérateurs de collectes et de traitements des biodéchets, afin de réaliser un état des lieux et envisager des solutions. Notamment pour les métiers de bouche et plus particulièrement les restaurateurs. « Un couvert génère en moyenne 200 g de déchets. Cela fait quelques milliers de tonnes par jour », fait remarquer Ludovic Poyau, président de la commission développement durable de l’Umih.

Un énorme potentiel de valorisation

Le potentiel de valorisation est énorme. GRDF estime qu’un million de tonnes1 de déchets alimentaires sont produites chaque année en Ile-de-France. Et seules 65.000 tonnes étaient collectées en 2020, à 98% issues d’activités professionnelles. A l’horizon 2026, avec la collecte des déchets des particuliers, le gisement pourrait bondir à 530.000 tonnes collectées par an. La filière méthanisation devrait être en mesure d’absorber 50 % des déchets produits.
Dans le cadre de son plan d’action, l’entreprise publique prévoit d’ailleurs d’augmenter sa capacité de valorisation, en passant de huit à 16 unités de méthanisation dans la région francilienne, pour produire du gaz vert. L’objectif est en effet ambitieux, à savoir atteindre 100 % de biogaz d’ici 2050. Pour y parvenir, une synergie doit avoir lieu entre l’ensemble des acteurs des territoires. A savoir les collectivités, les acteurs de la filière de valorisation des biodéchets et les filières des métiers de bouche.

Structurer les initiatives

En effet, par manque de visibilité sur la méthode à suivre, les restaurateurs sont pour le moment un peu perdus. « Nous sommes convaincus que le tri des biodéchets sera efficace lorsqu’il y aura une massification de la collecte, de manière globale, estime Ludovic Poyau, de l’Umih. Il y a un enjeu pour nous à travailler avec les services publics et les communautés de communes, pour faire émerger des solutions qui conviennent aux petits producteurs, mais sans forcément démultiplier les opérateurs qui ramasseraient chacun dans leur coin. Ça ne fonctionnerait pas. Nous accompagnons également les restaurateurs sur l’importance des gestes de tri, mais aussi sur l’anti-gaspillage. Car le traitement des biodéchets, c’est déjà lutter contre leur production à tort. »
Plusieurs entreprises s’attèlent à structurer la filière de collecte et de valorisation, indirectement, comme Tryon, ou directement auprès des restaurateurs, comme Moulinot qui s’est spécialisée dans l’accompagnement au tri et la collecte. Des partenariats avec des agriculteurs méthaniseurs permettent de boucler la boucle. « Nous voulons mettre les bons outils au bon endroit. Et montrer aux restaurateurs que trier les déchets n’amène pas du travail en plus », souligne Stephan Martinez, président-fondateur de l’entreprise. Après Paris et Réau (77), le service sera disponible dans les régions de Bordeaux (33) et d’Angers (49). Des composteurs de grande capacité, le plus souvent 1.000 litres, sont également une solution pour les restaurants établis en ruralité. Pour autant, une phase de collecte est tout de même nécessaire à la fin du processus de transformation.

Un besoin de clarté

« A mon sens, les restaurateurs seront parmi les derniers à s’y mettre, estime Sébastien Gacougnolle, cofondateur de Tryon Environnement. L’entreprise implante des micros unités de méthanisation, au plus près des sources de production des déchets. Les petits commerces se trouvent dans un entre-deux et la question se pose toujours de savoir qui doit payer : la collectivité ou le commerce lui-même ? » Les restaurants indépendants, considérés comme des petits producteurs de déchets, sont le plus souvent assujettis à la taxe des ordures ménagères. L’enlèvement de leurs déchets dépend des collectivités. Pour autant, les dispositifs qui seront mis en place par les collectivités pour assurer la collecte des déchets alimentaires ne sont pas forcément compatibles avec le quotidien d’un restaurateur. « Dans le cas d’un apport volontaire à des bornes, comme cela est prévu dans certaines communes, cela crée des contraintes supplémentaires de déplacement et engendre des risques potentiellement plus importants, en terme de pénibilité ou d’accidentologie », note Ludovic Poyau, de l’Umih.
Pourtant, l’intérêt pour le sujet semble de mise chez les professionnels des CHR. Le GHR avait initié une expérimentation, en 2014, auprès de 80 restaurateurs parisiens volontaires pour trier et faire collecter leurs biodéchets. « Les résultats ont été au-delà de nos espérances, témoigne Rachel Bouvard, directrice RSE du GHR. C’est encourageant lorsqu’on sait que sur 2,5 tonnes de déchets produits par les métiers de bouche, 50 % sont issus de la restauration. » Actuellement, seuls 10 % du gisement sont triés.

1 Chiffres 2021

PARTAGER