Remboursement des PGE : ce problème dont les restaurateurs se passeraient bien

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Alors que les entreprises sont concrètement confrontées au remboursement des PGE, le Gouvernement ne veut pas entendre parler de moratoire. Certains restaurateurs s’inquiètent pour leur trésorerie à moyenne échéance. Un sentiment exacerbé par les conséquences de l’inflation qui pourraient rejaillir sur la fréquentation.

L'appel à la Banque de France est la seule manière de rallonger le délai de remboursement du PGE.
L'appel à la Banque de France est la seule manière de rallonger le délai de remboursement du PGE. Crédits : DR.

Il est à peine 9 h du matin place Gustave-Toudouze (Paris 9e) quand Damien Houssais installe son mobilier de terrasse sur l’espace prévu devant son enseigne du même prénom. Son visage trahit une fatigue qui, selon lui, est devenue « chronique » ces derniers mois.

Conjoncture économique défavorable, augmentation des factures et marge brute qui diminue… Aujourd’hui, ce que le père de famille en gérance libre depuis quatre ans regrette le plus, c’est bien que toute une profession soit mise en péril. Conscient des charges qui sont les siennes, il accueille avec passivité l’augmentation des prix de l’énergie et le remboursement du prêt garanti par l’État (PGE), auquel il a souscrit. Il l’a en effet utilisé à hauteur de 50 000 € dans un de ses deux établissements et nous confie ne pas avoir l’intention de renégocier son échelonnement.

iPour Damien Houssais, le remboursement de son PGE n’est pas, pour l’heure, une préoccupation majeure.
Pour Damien Houssais, le remboursement de son PGE n’est pas, pour l’heure, une préoccupation majeure. Crédits : Andréa Deconche

D’ailleurs, l’annonce du non-prolongement du délai de remboursement des PGE ne l’accable pas davantage. Finalement, « payer 1 000 € de plus à la fi n de l’année, ce n’est pas très grave, relativise-t-il. J’ai dépassé le cap de l’inquiétude et je ne pense pas être le seul. Depuis le début de la pandémie, tout nous est imposé. Il faut garder à l’esprit que si demain il y a une coupure d’électricité, je paierais le même loyer, j’aurais les mêmes charges salariales, les mêmes échéances de prêt et pourtant, je n’aurais peut-être plus de clients ». Damien Houssais tente de grappiller quelques euros auprès de ses fournisseurs, sa « seule marge de manœuvre possible pour espérer faire des économies ».

L’impact de l’emprunt

Si les chefs d’entreprise de la branche CHR sont si peu inquiétés en cette rentrée 2022 par le non-prolongement de la durée de remboursement des PGE, « c’est parce qu’ils sont habitués à devoir honorer leurs créances », estime Damien Houssais.

Un avis partagé par Alain Fontaine, président de l’AFMR et restaurateur dans le 2e arrondissement de Paris. « J’ai emprunté 250 000 € durant la crise sanitaire, raconte-t-il. Le PGE a sauvé mon entreprise. Je rembourse actuellement des mensualités que je suis en mesure d’assumer, à hauteur de 5 479 €. » Il relativise l’impact de l’emprunt sur la santé financière d’un établissement : « Il y a de ça 15 ans, j’honorais le même montant d’échéance de prêt. À tout moment de la vie d’un restaurant, on en vient à emprunter de l’argent. Tous les restaurateurs ne vont donc pas mettre la clé sous la porte, comme nous pouvons l’entendre à tout va », affirme-t-il.

« Entre 8 et 10 % des entreprises du secteur CHR pourraient mettre la clé sous la porte prochainement »
Alain Fontaine, Restaurateur et président de l'AFMR

Attention néanmoins à ne pas tomber dans l’excès d’optimisme, prévient Damien Houssais. Pour lui qui dépend des revenus de l’activité de son restaurant, le panel d’options qui s’offre à lui est limité. Rembourser, tout simplement. Ou alors déposer le bilan. « Certains en arriveront là, c’est une réalité », confirme Alain Fontaine. Oui, la charge est lourde. Mais si pour certains elle paraît surmontable c’est aussi parce qu’il faut distinguer les entreprises que le PGE a permis de sauver de celles dont la trésorerie a été renflouée. Les premières sont effectivement économiquement faibles, et leur capacité d’autofinancement est limitée puisque celle d’investir est nulle ou presque au même titre que leur possibilité d’emprunter.

« Entre 8 et 10 % des entreprises du secteur CHR pourraient mettre la clé sous la porte prochainement, mais c’est bien parce que la chronique de leur mort était déjà annoncée avant la Covid », explique Alain Fontaine. Toutefois, des inquiétudes pourraient se faire ressentir si la fréquentation s’effondrait ou si les chefs d’entreprise se voyaient soumis devant une nouvelle crise.

Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme a annoncé que le délai de remboursement des PGE ne serait pas prolongé à l’occasion de sa première conférence le 29 août dernier. Pas moins de 66 % de chefs d’entreprise du secteur CHR feraient face au remboursement d’un PGE, selon une étude menée conjointement par l’UMIH et la CPME auprès de 1 414 entreprises.

Un quart des CHR estiment ne pas être en capacité de rembourser

Les premiers remboursements ont d’ailleurs été effectués en avril. Cependant, toujours d’après cette enquête, un quart des entreprises CHR estiment ne pas être en capacité d’honorer ce remboursement au premier semestre. Les professionnels de la branche CHR dont la trésorerie serait inquiétée restent lucides devant le quotidien de leur activité. Pour les dirigeants d’entreprise, qui font preuve de beaucoup de fatalisme – engendré aussi par les nombreux désagréments causés par la crise de la Covid –, l’heure n’est pas aux actions correctrices mais plus au maintien de l’activité, tributaire des coûts du gaz, de l’électricité et des matières premières.

Si toutefois Damien Houssais et tous les dirigeants de la branche décidaient de renégocier l’échelonnement de leur PGE, cela serait possible. Mais les restaurateurs sont-ils suffisamment avertis de cette possibilité et en connaissent-ils vraiment tous les enjeux ? En effet, l’étude UMIH-CPME réalisée entre le 20 et le 30 juin 2022 révèle que 54 % des chefs d’entreprise CHR interrogés ne connaissent pas la possibilité d’avoir recours au médiateur du crédit pour allonger la durée du PGE. Ils « peuvent faire l’objet de discussions et de rééchelonnements dans des cas spécifiques », comme l’avait annoncé Olivia Grégoire.

Le PGE a été mis en place par l’État au moment de la fermeture des restaurants et selon Jean Terlon, vice-président de la restauration de l’UMIH, « la majorité des restaurateurs a obtenu le PGE sans avoir l’intention de l’utiliser ». Cette « baguette magique », ainsi qu’il désigne ce dispositif octroyé depuis le 6 mai 2020 à une entreprise ou à un professionnel par sa banque habituelle grâce à la garantie que l’État. Le montant du prêt peut atteindre jusqu’à trois mois de chiffre d’affaires de l’année 2019.

« La rentabilité actuelle d’un restaurant n’est plus du tout la même qu’en 2019. Le remboursement du PGE s’effectue donc sur une base qui n’existe plus », poursuit-il. Afin d’allonger la durée du remboursement au-delà de l’année 2026, comme fixée initialement, les restaurateurs ont donc la possibilité de constituer un dossier à destination du médiateur de crédit. Les conditions diffèrent selon les valeurs du prêt garanti par l’État. Mais attention aux conséquences.

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