Restauration durable : il est temps de s’y mettre

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Le Leader’s Club a remis le couvert, le 13 septembre dernier au restaurant Hoba, à l’occasion d’un « Leader’s Lab » consacré à la restauration durable. Outre les enjeux environnementaux majeurs, la transition alimentaire devient un axe de différenciation pour fidéliser les talents comme les clients, estiment les restaurateurs appartenant au Leader’s Club.

L'alimentation durable.
L'alimentation durable. Crédits : farhad-ibrahimzade Unsplash

Le débat sur les démarches environnementales vertueuses dans la restauration ne date pas d’hier. Alors que certains professionnels sont engagés depuis de nombreuses années sur le sujet, d’autres prennent la mesure des enjeux à venir. Face à la destruction du vivant, à la hausse des températures terrestres, au gaspillage alimentaire ou encore à l’explosion des coûts de l’énergie, la sobriété s’impose de la fourche à la fourchette.

C’est en tout cas l’un des messages qui est ressorti de ce Leader’s Lab auquel étaient conviés différents invités : Julien Chiche de Collectiv Food, pour un approvisionnement et une distribution plus responsable ; Nicolas Dron de Bonduelle Food Service France, au sujet des tendances alimentaires végétales ; Fanny Giansetto d’Écotable sur la transition écologique des établissements ; Chloé de Saint Laurent du groupe Nouvelle Garde sur les thématiques du fait-maison et de la saisonnalité ; Eva Guiot, de PNY, concernant les limites d’une démarche RSE (responsabilité sociétale et environnementale) en tant qu’indépendant et Stéphane Guglielminetti d’Hobart France sur la vaisselle réutilisable. La RSE, acronyme à la mode, est sur toutes les lèvres.

Dès la conception

Johan Afriat, cofondateur du restaurant Hoba (Paris 17e), qui trône à l’entrée du parc Martin Luther King, s’est exprimé sur la nécessité de penser la RSE au moment de la conception de l’établissement. Après avoir répondu à un appel à projets en 2019, le restaurateur et ses deux associés ont raflé la mise. « Nous avons pris l’engagement environnemental dès la conception du projet. Les restaurateurs ont davantage tendance à monter une affaire puis à la verdir ; ici la RSE était l’élément central. Cela demande beaucoup de temps, d’énergie et d’argent, mais quel que soit le prix nous ne dérogeons pas à nos principes : moins de déchets, moins d’impact environnemental, moins de viande, le tout avec un approvisionnement local et un système de consigne », détaille Johan Afriat.

Ce dernier reconnaît que « la démarche n’est pas simple », d’autant plus que le trio à la tête de Hoba ne souhaite pas culpabiliser ou moraliser ses clients et fournisseurs. Cet engagement a été récompensé par deux Ecotables, un label décerné par une association soucieuse de l’impact environnemental de la restauration.

« Ces mesures ne sont pas un frein puisque nous parvenons à servir plusieurs centaines de couverts par jour »
Johan Afriat,

Preuve que la durabilité est un thème omniprésent, le Guide Michelin a lancé ses étoiles vertes en 2020. Derrière les engagements médiatiques du Guide rouge, d’autres acteurs entendent promouvoir et valider, dans l’ombre, les bonnes pratiques des restaurateurs. C’est le cas notamment d’Ecotable, cofondé par la chercheuse Fanny Giansetto en 2019. « Notre ambition est d’accompagner la restauration dans sa transition écologique. Cela passe par un label d’un, deux ou trois “ Ecotables ”, mais aussi par l’accompagnement des professionnels via la mesure de leur impact environnemental ou la mise en place d’un cahier des charges », explique-t-elle.

Cette dernière bat en brèche certaines idées fort répandues quant à l’impact de la restauration commerciale sur nos écosystèmes. Les circuits courts et le « manger local », par exemple, masquent la réalité des pratiques agricoles. « Il ne s’agit pas de fustiger le local, mais si l’on regarde les chiffres, le plus important est de privilégier une agriculture vertueuse, écologique et régénératrice. En effet, 70 % de l’impact environnemental provient de nos modes de production et seulement 19 % du transport des produits. C’est une information qui permet aux restaurateurs de prioriser leurs actes », illustre-t-elle.

Fanny Giansetto plaide en faveur d’une écologie non punitive et invite à ne plus regarder uniquement les coûts, mais les bénéfices de tels engagements : « Le restaurateur doit songer aux économies réalisées en termes d’eau, d’énergie, de réduction des protéines animales ou de gaspillage alimentaire. Ces démarches permettent d’attirer davantage de clients et de fidéliser des collaborateurs en quête de sens. »

Saisonnalité et produits frais

Chloé de Saint Laurent, responsable RSE au sein du groupe Nouvelle Garde, a rappelé quelques évidences permettant d’éviter le gaspillage alimentaire et de maîtriser les coûts : travailler des produits frais, de saison et français. Nouvelle Garde dispose de trois établissements à Paris, les brasseries Bellanger, Dubillot et Martin.

« Nous servons en moyenne 400 couverts par jour dans nos restaurants, la durabilité est donc un enjeu. Nous avons fait le choix du 100 % maison, ce qui demande plus de salariés en cuisine, mais nous permet de réaliser des économies dans la mesure où nous achetons 95 % de produits bruts », dévoile Chloé de Saint Laurent. Celle-ci préconise de miser sur « des cartes courtes avec cinq plats par exemple », ce qui permet d’acheter moins de produits et de mutualiser leur utilisateur pour la réalisation de différents plats. Pour faire face à l’inflation, un travail d’optimisation des coûts a été réalisé : tout se recycle et rien ne se perd. « Nous réutilisons les verts de poireaux pour les fonds de sauce et les os de poulet pour nos bouillons et fumets. Le plus important est d’acheter de saison, mais aussi en grand format », ajoute-t-elle.

La saisonnalité, qui semble s’imposer dans la restauration hors domicile, est devenue un véritable cheval de bataille pour l’enseigne de burgers gourmets PNY et ses huit unités. Ainsi, PNY a banni la sacro-sainte tomate en hiver. « Nous avons supprimé un burger qui figurait à la carte des restaurants depuis dix ans. La tomate, hors saison, a été retirée de tous les plats sauf pour la confection du ketchup », se félicite Eva Guiot, directrice marketing chez PNY. La chaîne, qui voit son volume d’activité s’accroître en livraison et VAE, souhaite aujourd’hui miser sur des emballages écoresponsables. « Nous sommes à la fois trop gros et trop petits. Il est difficile de trouver des emballages sur mesure ou de se diriger vers la consigne, alors dans l’immédiat nous utilisons toujours des contenants à usage unique », regrette Eva Guiot.

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