La planche à partager, muse de la convivialité

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Planches apéritives, plats ou assiettes à partager, ce format a la cote en restauration. Loin du traditionnel repas à la française en trois temps, les compositions froides permettent de plonger à pleines mains dans la gourmandise, en toute simplicité.

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Planche à partager. Crédits : Sandwich & Snack Show Parizza

Moment de partage par excellence, l’apéritif ne cesse de faire des adeptes. Consommé 40 millions de fois par semaine, selon une étude Kantar Food de 2020, « l’apéro » s’inscrit parmi les pratiques culinaires favorites des Français. Une tradition hexagonale qui a vu sa cote de popularité grimper alors que le monde entier était contraint de rester enfermé, à partir de mars 2020. Dès la sortie de la crise sanitaire, certains restaurants ont donc pris le tournant de cette tendance grandissante pour ériger davantage encore l’apéritif comme un monument national. Pour Florian Gueguen, propriétaire de l’établissement Poupée dans le Marais (Paris 3e), planche à partager rime avec tradition. S’il confie être assez chauvin, voire un peu « réac » sur le sujet, une planche est, selon lui, avant tout composée de charcuterie et de fromage.

Des produits simples et issus de notre terroir, mais surtout garants de qualité. « En tant que professionnels de la restauration, nous devons donner l’exemple. Le goût du bien manger, des bons produits », explique-t-il. Loin de chercher la facilité en servant à ses clients des aliments industriels, le restaurateur travaille uniquement avec des fournisseurs et artisans locaux qu’il a soigneusement sélectionnés. Agriculture raisonnée, locavorisme, saisonnalité, produits sourcés, bienêtre animal et respect des hommes à toutes les échelles… Des engagements qu’il met en avant auprès de ses consommateurs. Une méthode de travail partagée par son confrère Vincent Balfego, gérant du Gatsby (Paris 7e). « Pour nous, le plus important est de travailler des produits frais et de proposer une offre qualitative, gourmande, généreuse et avec un bon rapport qualité-prix », témoigne-t-il. Des contraintes qu’il arrive à respecter en proposant 100% de préparations faites maison. De quoi séduire un large public avec une planche au tarif de 20€ depuis maintenant six ans.

Mode de vie

Si pour certains la planche à partager n’est que le simple avant-goût d’un bon repas, Quentin Chapuis en a fait une véritable institution. Cofondateur de la Fédération française de l’apéritif (FFA), il défend bec et ongles les valeurs de cet instant de partage. « La planche reste un incontournable. C’est un support qui permet des déclinaisons infinies », s’exclame-t-il. Charcuterie et fromage bien sûr, mais aussi tartinades, crudités, fruits secs, pickles, crackers, sauces maison : le format permet une évolution permanente
des compositions. Une diversité qui fait le succès de ce mode de restauration où « tout le monde trouve son compte », ajoute Quentin Chapuis. Par ailleurs, le marché de la planche à partager connaît une montée en gamme. Les petites quantités permettent d’allier produits d’exception et aliments moins onéreux pour un résultat simple et varié. « C’est une cuisine d’assemblage », expose Alexandre Hurtaud, directeur général France de l’entreprise de charcuterie italienne Rovagnati, considérant que la personnalisation et le dressage permettent, « sans faire de la grande cuisine, de présenter quelque chose de beau et appétissant ». Entre découpage, mise en place, variété des formes, des couleurs ou encore des volumes, la planche apéritive se professionnalise.

Le 12 avril 2023, Rovagnati organisait au salon Sandwich & Snack Show le premier championnat de France de planche apéritive. Un défi qu’a relevé Véronique Rumé, lauréate de cette édition et gérante du traiteur Les Savouristes à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). Entre qualités techniques et esthétiques, le sujet devient très sérieux. « Nous avons évalué lors de la finale l’apparence des planches mais aussi l’alliance des saveurs », témoigne Alexandre Hurtaud. Pour remporter ce titre de champion de France, Véronique Rumé explique avoir mis en avant sa passion pour créer « une belle planche qui donne envie au client de plonger dedans ». Loin du traditionnel saucisson et sa planche à découper, la planche à partager répond aujourd’hui aux attentes des consommateurs friands de voyages et de cuisine fusion. Un bon moyen selon Alexandre Hurtaud de faire connaître différentes recettes. « Cette offre ne s’oppose pas à la tradition française, elle vient la compléter et permet de faire connaître des produits d’un peu partout », témoigne-t-il.

Par ailleurs, les modes de consommation évoluent. Pour répondre à la demande, notamment lors de la crise sanitaire, Quentin Chapuis et Véronique Rumé expliquent avoir lancé, dans leurs enseignes respectives, de la vente à emporter. Entre box apéritive et traiteur, ces formules prévoient de contenter les gourmands chez eux ou au restaurant. Une expertise du buffet froid au service des consommateurs. Tandis que Véronique Rumé valorise la qualité des aliments qu’elle travaille, Quentin Chapuis porte, lui, un intérêt particulier aux aliments locaux qu’ils utilisent dans ses recettes. Forte d’une ligne complète de produits, la Fédération française de l’apéritif propose par exemple un « Poicamole », un guacamole préparé non pas avec des avocats mais des petits pois produits en France. Selon les régions, les saisons et leurs goûts personnels, les professionnels du domaine innovent pour donner accès à une offre toujours plus qualitative.

Dénomination et valeur ajoutée

Depuis 2014, Antonin Bergoin-Graziani met expose dans son établissement À la main (Paris 2e) des recettes de demi-plats ou d’assortiments à partager. « Je refuse d’appeler cela planche. Car, selon moi, cela rappelle les produits industriels servis dans les grandes brasseries », argumente-t-il. Un nom différent mais un objectif commun, celui de la convivialité. Plus qu’un repas qui se partage, l’apéritif s’arrose. Pour cela, les restaurateurs sont unanimes, une bonne bouteille est de mise. Que ce soit des vins nature, des bières artisanales ou même des cocktails maison, les compositions froides et salées se dégustent avant tout autour d’un breuvage. Un point sur lequel Florian Gueguen apporte une précision. D’après lui, la qualité et la provenance doivent là encore être irréprochables. « Il faut défendre la production française, ce qui est produit près de chez nous », détaille-t-il. Bien pensée, bien présentée et bien agrémentée, la planche devient l’arme idéale pour séduire sa clientèle et l’amener à s’alanguir dans son établissement.

Par ailleurs, une étude conduite par Yougov en 2021 stipule que si 49% des Français affirment prendre l’apéritif au moins une fois par semaine, 84% d’entre eux disent préférer consommer des boissons alcoolisées lors de ce moment de partage. Une aubaine pour créer du chiffre d’affaires, mais avec laquelle il faut toutefois savoir s’adapter. Certains restaurateurs présentent donc des formules apéritives, avec boisson et planche, ou bien encore des happy hours. D’autres privilégient une identité forte avec des planches originales, des spécialités régionales ou encore des recettes plus classiques. Autant de possibilités qui répondent à une attente des consommateurs : celle d’un moment de partager avec leurs proches. Le restaurateur devient alors le meilleur allié de ce moment plaisir en proposant une offre clés en main.

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