Energie : Il est urgent de renégocier les contrats

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Les tarifs de l’électricité demeurent toujours élevés pour un grand nombre d’acteurs du CHR malgré la baisse des tarifs à l’international. En cause ? Notamment les contrats pluriannuels avec les électriciens, très difficiles à renégocier en cours d’application. Rencontre avec Catherine Quérard, présidente du GHR.

Catherine Quérard, présidente du GHR.

Quel bilan tirez-vous de la crise de l’énergie ? 

Catherine Quérard : Durant des décennies, l’énergie pesait entre 1 à 3 % du chiffre d’affaires des restaurateurs, des hôteliers comme des traiteurs organisateurs de réceptions. Certes, ce n’était pas négligeable, mais ce coût était intégré. Survient en 2022 la guerre en Ukraine. En même temps, une grande partie de notre parc nucléaire est à l’arrêt pour maintenance, sans oublier la rupture du gazoduc Nord Stream 2. Le marché de l’énergie s’est retrouvé fortement perturbé et les prix se sont envolés. Ils restent élevés même si une baisse est à noter. Les entreprises dont les contrats arrivaient à échéance ont été prises au piège. La hausse a été stratosphérique. Le mégawattheure (MWh) est ainsi passé, dans certains cas, de 70 € à 1 000 €, avec une aide de l’Etat, «l’amortisseur» égal à 20 % au maximum. C’est, ce que j’appelle, l’opération ball trap.

D’autant plus que nous sortions du Covid avec l’effet remboursement du PGE (Prêt garanti par l’Etat – Ndlr). Les restaurateurs et les hôteliers se sont retrouvés dans une impasse. Ce qui est toujours le cas aujourd’hui car le remboursement du PGE est toujours d’actualité, comme les hausses des matières premières et les problèmes de recrutement et d’augmentation des salaires. Mais c’est le coût de l’énergie qui a été fatal à bon nombre d’entreprises. 7 600 bars ont fait faillite en 2023, principalement à partir du second semestre.

Nous sommes entre le marteau et l’enclume
Catherine Quérard, présidente du GHR

Possibilité de renégocier ?

Si les particuliers peuvent changer du jour au lendemain de fournisseur d’énergie, comme en téléphonie, ce n’est pas le cas pour les établissements où les contrats sont pluriannuels.

Et en cas de rupture, les pénalités sont très fortes. Il est très difficile de renégocier. Certains ont été signés en 2002 et sont toujours en vigueur en 2024.

Le médiateur des entreprises peut certes intervenir mais pas sur l’aspect contractuel. L’entrepreneur est coincé. Et début 2024, nous avons eu la désagréable surprise, de constater les gains spectaculaires des électriciens. Les entreprises ont été et sont, si j’ose dire, les dindons de la farce. L’Etat et Bercy tentent aussi de renégocier. Nous aussi ; c’est notre rôle. En février dernier nous avons adressé une lettre à Bruno Lemaire dans laquelle nous insistions notamment sur le point suivant :

« Si des aides ont été annoncées, et nous vous en remercions, la demande urgente et légitime de ces professionnels consiste à les libérer de ces contrats pour en signer d’autres dans de meilleures conditions.» Je tiens également à préciser que ne sont concernés, principalement, que les entreprises de plus de 10 personnes avec un compteur de plus de 36 kWh. Pour celles de moins de 10 salariés, l’augmentation est “limitée” à 15 % au maximum.

Bon à savoir

+44,6 %

de défaillances de l’hôtellerie restauration dans le secteur en 2023 par rapport à 2022, selon la Banque de France

88 %

des chefs d’entreprise déclarent avoir des difficultés de trésorerie liées à l’énergie (enquête conjointe GHR et UMIH février 2024)

15 %

des professionnels seraient liés par des contrats avec des tarifs dépassant les 350 € le MWh (enquête conjointe GHR et UMIH février 2024)

Diriez-vous que le CHR est tout particulièrement impacté par la crise de l’énergie ? 

Sans aucun doute, mais pas seulement lui. Le CHR est très touché au même titre que certaines industries comme la métallurgie et, plus proches de nous, les boulangeries. Cette crise énergétique s’ajoute à l’inflation des matières premières, blé, viande, poulet…

Reste à augmenter les prix pour le client final… 

Ce n’est pas si simple. Nos adhérents ne peuvent pas augmenter leur tarif de manière significative car la clientèle est elle-même assujettie à l’inflation, donc à une baisse de son pouvoir d’achat. Nous sommes entre le marteau et l’enclume. Je me répète : il est urgent de rediscuter avec les électriciens.

Nous avons la chance en France de disposer d’une restauration populaire abordable et de qualité, mais…
Catherine Quérard, présidente du GHR

Mais ces derniers le veulent-ils vraiment ?

Nous arrivons à négocier. Un exemple : avec l’aide de Bercy, nous avons pu nous entendre avec Engie pour renégocier le contrat d’une chaîne d’hôtels. Mais c’est du cas par cas. Les dossiers les plus critiques se traitent en partenariat avec le ministère de l’Économie et des finances. Cela dit, la CCI Nantes-Saint-Nazaire a créé en 2022 la Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) Estuaire énergie, dont le GHR est membre fondateur. Celle-ci a pour mission d’effectuer des achats groupés d’électricité tout en permettant de travailler sur la question de la transition environnementale. Nous avons obtenu un prix de 73 € du MWh, hors taxes et frais d’acheminement.

C’est le rôle du GHR de proposer des solutions de rechange à ses adhérents, même si nous n’avons pas vocation à devenir une centrale d’achat.

Dans un marché perturbé, le GHR doit être agile et réactif. Notre secteur, ses chefs, ses hôteliers sont les fers de lance du savoir-vivre à la française. Les défis sont nombreux : former, recruter et fidéliser nos collaborateurs. Comment mieux accueillir la clientèle demain ? Quelle stratégie appliquée afin que la France ne devienne pas une destination inabordable pour un grand nombre ?

Revenons sur les prix. Aucune hausse significative n’aura lieu… 

Nous avons la chance en France de disposer d’une restauration populaire abordable et de qualité. Mais face à l’inflation, la hausse des matières premières avec en même temps la défense de notre savoir-faire, la traçabilité des produits, la formation des équipes, la transition énergétique, la qualité des produits… tout cela a un coût. Nous n’aurons pas d’autre choix que d’augmenter les tarifs.

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