Entretien exclusif avec Catherine Quérard, future présidente du GHR

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Le congrès annuel du GHR, qui se tiendra les 13 et 14 novembre, portera à la présidence Catherine Quérard, l’actuelle vice-présidente, pour un mandat de trois ans. Didier Chenet tirera sa révérence après trente ans d’une vie syndicale riche. La nouvelle présidente nous a accordé un entretien exclusif dans lequel elle livre sa vision du secteur ainsi que ses chantiers prioritaires.

Catherine Querard au GHR
Catherine Querard, future présidente du GHR

Vous êtes la seule candidate à l’élection du GHR et donc en toute logique sa future présidente. Que souhaitez-vous insuffler au groupement dans les années à venir ?

D’abord, le GHR est une organisation toute neuve, ce qui est à la fois une chance et une contrainte. Médiatiquement il est moins connu mais très reconnu par les institutionnels. Je souhaite poursuivre le travail accompli par Didier Chenet tout en ayant une réflexion sur l’avenir : comment nos métiers vont-ils évoluer et surtout de quelle façon rester attractifs ? Nous sommes des entrepreneurs avant tout, il nous faut créer de la valeur pour assumer les nombreuses charges, taxes et réglementations. Il est essentiel que le GHR soit le porte voix de chacune de nos entreprises. Le message est clair, nous voulons vivre de notre travail et assurer nos contributions tout en continuant à investir dans les moyens humains en priorité.

Les syndicats, de par leurs actions et leurs négociations, ont montré toute leur importance pendant la période de la covid. Quelles sont les clés pour pouvoir continuer à garder de la visibilité et de l’intérêt auprès des restaurateurs ?

Didier Chenet a permis de faire comprendre au gouvernement les problématiques qui touchaient un secteur à l’arrêt. Ne l’oublions pas les aides ont été obtenues grâce à nos actions et la compréhension des pouvoirs publics. L’expérience de la crise de la covid a permis de faire comprendre les enjeux très spécifiques de notre métier. La pédagogie dont nous avons fait preuve doit donc se poursuivre, ainsi que les discussions avec les institutionnels. On ne peut pas se passer de recruter et de former les hommes et les femmes qui travaillent dans nos entreprises. Ce sont eux qui accueillent nos clients qui viennent se détendre, célébrer, fêter. Il s’agit de l’identité même de la France et c’est à défendre coûte que coûte.

Le GHR est né de la fusion du GNI, du SNRTC et du SNRPO il y a moins d’un an. Quel bilan tirez-vous de cette première année ?

L’année a été très dense. On a appris à différencier les problématiques des indépendants de celles des gros groupes de restauration. Ces derniers sont bien souvent plus avancés en termes de process, de stratégie et de gestion. C’est la raison pour laquelle nous avons amorcé une synergie de travail entre les deux pour apporter des outils efficaces de pilotage. Par ailleurs, Didier Chenet s’en allant, moi prenant la suite, l’année a été riche en découverte et en cadrage. Il m’a fallu apprendre à travailler de concert avec le bureau exécutif. Je suis opérationnelle dans mes affaires avec une gestion intégrée, ce qui me rend très pragmatique. Dans les discussions, cet aspect de ma vie professionnelle est un atout.

Reprendrez-vous les discussions engagées par votre prédécesseur Didier Chenet avec le président actuel de l’Umih, Thierry Marx, visant à la création d’une organisation commune ?

Le GHR a déjà prévu statutairement de se rapprocher d’autres organisations et de grandir. Il a d’ailleurs déjà montré sa capacité de rassemblement puisqu’il est lui-même issu de plusieurs organisations. Le GHR et l’Umih font tous deux un gros travail à destination de nos professionnels. La discussion n’est évidemment pas fermée, il faut laisser le temps à la maturation. Travailler en lien régulier avec eux ne fera que renforcer l’image de notre secteur auprès de tout un chacun.

Sur quels chantiers prioritaires allez-vous vous mobiliser au cours de votre mandat ?

Dans les chantiers urgents, il y a bien sûr les thèmes clefs que sont l’emploi et l’attractivité du secteur. Mais on ne peut pas avancer tout seul. Nous avons besoin des organisations salariales ainsi que de l’État en renfort. En connexion avec l’emploi, il y a également la question de la formation professionnelle. La masse salariale pèse 40 % du chiffre d’affaires en moyenne. Or 390 000 postes sont vacants selon Pôle Emploi, le secteur est en tension. On a besoin plus que jamais de compétences. L’énergie est également un sujet majeur, quand on sait que pour certains le prix a été multiplié par 5. Le GHR Grand Ouest et la CCI Nantes Saint Nazaire ont mis en place la SCIC Estuaire Énergies pour permettre aux entreprises de reprendre la main sur leurs consommations, leurs factures et d’accélérer leur transition énergétique. Il faut poursuivre nos efforts. Il est primordial pour nous d’apporter un panel de solutions afin d’aider les entreprises à leur mutation environnementale.

Comment lutter contre les problèmes majeurs de recrutement rencontrés par la profession ?

Tout d’abord, nous avons mené des négociations en matière salariale qui ont conduit à une augmentation de + 16 % en 2022 et + 5 % en 2023. C’est déjà une avancée majeure. Ensuite, sur les conditions de travail, beaucoup d’employeurs réfléchissent à des modalités différentes de travail pour avoir moins de coupure, des jours de repos consécutifs. Certains ont même décidé de fermer une à deux fois par semaine leur établissement. S’ils sont d’accord pour opérer ainsi, c’est leur choix, mais cela devient un problème quand c’est contraint. Et puis, nous avons d’autres pistes à explorer pour lever les verrous. Aujourd’hui, peut-être pourrions-nous envisager des prix de vente variables le soir et le week-end. Nos clients peuvent comprendre que ces contraintes horaires exercées sur nos salariés doivent être davantage rémunérées.

Quelle est votre vision de la situation des CHR en France et comment entrevoyez-vous son avenir ?

Le secteur éprouve certes des difficultés mais je garde une vision positive. Nous sommes avant tout apporteurs de solutions au quotidien. Et comme on ne fait jamais rien tout seul, on doit s’appuyer sur d’autres secteurs d’activité, comme l’agroalimentaire et l’agriculture. Nous sommes plus forts ensemble. En ma qualité de vice-présidente du GHR en charge des régions, j’ai pu également observer que certaines d’entre elles tirent leur épingle du jeu de par l’afflux touristique et leur transformation environnementale. On doit accompagner les professionnels en ce sens. Par ailleurs, j’ai une vraie démarche de projection. L’envie qui m’anime est que l’on devienne influenceur de la société de demain. A ce titre, j’ai initié une étude en partenariat avec l’école de design à Nantes sur la question “Quel sera notre métier dans 10 ans ?” pour obtenir une tendance, une orientation. Le rendu sera dévoilé lors du prochain congrès du GHR en 2024. L’avenir passe de toute façon par la digitalisation, la transformation environnementale et un dialogue social fort. Il ne dépend pas que de nous mais aussi des décisions prises au plus haut de l’Etat.

Nous sommes à la veille des jeux olympiques. Comment allez-vous aider vos adhérents à s’y préparer et quels sont les besoins concrets de l’hôtellerie-restauration pour répondre à l’afflux de visiteurs ?

On s’y prépare depuis longtemps, en lien étroit avec les organisateurs. Le gros enjeu reste le recrutement. Nous avons déposé à ce titre une demande de clarification par rapport au régime des auto-entrepreneurs. Aujourd’hui beaucoup de gens qui optent pour ce statut tiennent à rester indépendants. On sollicite le gouvernement pour pouvoir y avoir recours dans un cadre réglementé et sécurisé. Parallèlement, nous sommes en contact avec les associations étudiantes pour obtenir une main d’œuvre supplémentaire lors des JO. Enfin, on organise des webinaires pour tenir informés nos adhérents des contraintes inhérentes à l’événement en termes de circulation, de sécurité et de livraison. Le tout dans le but de s’y préparer.

Le GHR a annoncé vouloir revoir le bonus-malus de l’assurance chômage. Qu’attendez-vous des négociations ?

Les modalités de travail changent en profondeur. On a plus de difficultés à faire signer un CDI aujourd’hui qu’un CDD. Les gens veulent se sentir libres, surtout la jeune génération. Ils sont de plus en plus itinérants et veulent pouvoir s’octroyer le droit de choisir à la carte. Or, le bonus-malus vient sanctionner un employeur qui a recours aux CDD et aux extras en alourdissant les charges sur les contrats courts. Pourquoi pénaliser nos entreprises alors que nous sommes un secteur à forte intensité de main d’œuvre ? Prenons l’exemple des traiteurs, dont le recours à ce type de contrat est au cœur même de leur activité. On les pénalise, nous sommes face à un dysfonctionnement. On ne doit pas être punitif car ce qui compte avant tout est l’emploi. N’oublions pas que nos établissements n’ont aucun intérêt à avoir recours à des emplois précaires.

Alors que la loi immigration est encore en discussion, que pensez-vous de l’intégration actuelle de la main-d’œuvre étrangère dans le secteur ?

Déjà il faut arrêter de penser que nos professionnels emploient des personnes sans papier. Il y a des procédés de vérification via la préfecture qui sont très efficaces. Nos demandes portent sur la régularisation des alias sous conditions, c’est-à-dire de salariés déclarés qui lors de l’embauche ont utilisé des papiers qui ne sont pas les leurs. Il s’agit de personnes qui travaillent, paient leurs charges et leurs impôts et contribuent grandement au territoire. Ensuite nous demandons que la procédure soit à la main des travailleurs étrangers et que l’entreprise cesse de payer une taxe de régularisation alors qu’elle n’est pas responsable. Enfin nous demandons que nos métiers soient inscrits sur la liste des métiers en tension.

Sur le volet des mutuelles, Klésia et Malakoff Humanis ont décidé de résilier la gestion des frais de santé et prévoyance de la branche HCR par Colonna Facility, à compter du 31 décembre 2023. En quoi la convention de gestion a-t-elle été jugée non satisfaisante ?

On a en effet un secteur d’activité très proactif en matière sociale. Les assureurs historiques auxquels les partenaires sociaux avaient confié la mutuelle de branche devaient faire appel à un délégataire de gestion. Colonna Facility a été ce gestionnaire pendant de nombreuses années. Les assureurs ont dénoncé cette délégation pour des raisons qui relèvent de leur relations contractuelles. Ainsi, à partir du 1er janvier 2024, un nouveau délégataire interviendra sous la marque « HCR Bien être ».

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