Indétrônable cèpe corrézien

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Courtier en champignons sauvages à Égletons en Haute-Corrèze, Laurent Deyzac achète quotidiennement la récolte d’une trentaine de ramasseurs, qu’il expédie le jour même sur les marchés de gros. S’il se fait rare cette année, le cèpe corrézien reste l’un des plus recherchés pour ses qualités gustatives et de conservation.

Laurent Deyzac est courtier en champignons sauvages, à Égletons.
Laurent Deyzac est courtier en champignons sauvages, à Égletons. Crédits : Nicolas Mahey / Au Coeur du CHR.

«J’ai connu une époque où les bons ramasseurs pouvaient ramener jusqu’à 40 kilos de cèpes cueillis dans la matinée, raconte Laurent Deyzac, courtier en champignons sauvages à Égletons, en Haute-Corrèze. Cette année, malheureusement, il y en a eu peu. D’autres régions ont été plus favorisées. L’an dernier, c’était le contraire. C’est comme ça, il y a de bonnes années… et de moins bonnes. » Après un été historiquement sec, l’absence d’eau en septembre et octobre a limité la pousse des champignons. Un déficit qui n’a pas empêché le collecteur d’ouvrir les portes de son dépôt car, avec son excellente tenue dans le temps, sa saveur bien marquée liée à la qualité des peuplements forestiers et la nature acide des sols, le cèpe corrézien fait toujours partie des plus renommés.

Champignon sauvage par excellence, Boletus edulis n’est pas cultivé. Comme la vingtaine d’autres collecteurs recensés dans le départe-ment, Laurent Deyzac doit compter sur l’œil affûté d’une trentaine de ramasseurs qui lui livrent quotidiennement leur récolte. Un petit peuple de lève-tôt, actifs, retraités, étudiants, tous allient le plaisir de la cueillette à celui d’améliorer l’ordinaire en vendant les spécimens trouvés dans les bois. « Aujourd’hui, le kilo se négocie 11 €, détaille-t-il. Le tarif moyen varie la plupart du temps entre 8 et 12 € le kilo, mais c’est le marché qui fixe les prix à l’échelle nationale. En début de saison, il y en avait énormément, notamment en Lozère. Le prix était descendu à 3 € le kilo. »

Cueillis le matin, les cèpes sont triés expédiés dans la journée

Au fil des arrivages, Laurent Deyzac examine et trie soigneusement les cèpes que lui présentent les cueilleurs. Il tâte les chapeaux, les pieds, refuse ceux qu’il n’estime pas assez fermes ou véreux. Les « verts » sont écartés au profit des « blancs » et des « jaunes » – ainsi qualifiés selon la couleur de leur mousse et l’âge des champignons. « Il faut aussi être capable de repérer un éventuel non comestible, ajoute-t-il. Tous les courtiers qui achètent des champignons en Corrèze sont des connaisseurs avertis. »

Les cèpes sont ainsi cueillis, achetés et triés le matin même, expédiés dans la journée aux grossistes (en majorité vers Bordeaux, mais aussi à Paris ou à Toulouse) pour une garantie de fraîcheur maximale. De quoi faire la différence avec les cèpes importés d’Europe de l’Est et permettre aux restaurateurs de se fournir dès le lendemain matin en bolets extra-frais. Selon la saison et « ce qui veut bien pousser dans les bois », Laurent Deyzac achète et revend aussi girolles, chanterelles, pieds de mouton, trompettes de la mort et même du sparassis crépu, ou morille blanche. En France, la récolte des champignons sylvestres est évaluée par les professionnels à environ 5 000 tonnes par an. L’Office national des forêts estime cependant que les volumes commercialisés sont probablement deux fois plus élevés en raison des ventes directes.

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