Les écoles d’excellence font le plein

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Alors que le secteur CHR manque de main-d’œuvre, les écoles d’excellence en gastronomie française, de leur côté, ne désemplissent pas. Et plusieurs vont se créer dans les prochaines années. Tour d’horizon.

Les écoles d'excellence accueillent un public varié, allant des personnes en reconversion professionnelle à de nombreux étudiants étrangers. Ici le Campus Paris de l'école Ducasse, situé à Meudon-la-Forêt (92). Image d'illustration.
Les écoles d'excellence accueillent un public varié, allant des personnes en reconversion professionnelle à de nombreux étudiants étrangers. Ici le Campus Paris de l'école Ducasse, situé à Meudon-la-Forêt (92). Image d'illustration.

L’excellence gastronomique française, un étendard de la culture française qui n’arrête pas de faire des émules. Écoles Têtedoie, Ducasse, Lenôtre, Ferrandi… elles sont déjà pléthore et pourtant, personne n’en semble rassasié. Quand certaines s’agrandissent, d’autres se créent de toutes pièces. Bon nombre de nouveaux établissements devraient encore voir le jour ces prochaines années.

À l’occasion de ses 50 ans d’existence, l’institut Lenôtre a ouvert son École des arts culinaires en avril 2021. Celle-ci se trouve proche d’un endroit des plus stratégiques de la gastronomie française : le Marché de Rungis (94). L’établissement se targue d’accueillir jusqu’à 3 500 étudiants et bon nombre de ses formations font cuisine comble. Autre grand groupe culinaire à avoir entamé sa mue, celui de Ducasse. Ce dernier a inauguré sa nouvelle école Campus Paris en novembre 2020 à Meudon-la-Forêt (94). Ce projet a permis de tripler sa surface d’accueil par rapport à ses anciens locaux, situés à Argenteuil (95). De nouveaux établissements dictés par« la nécessité de répondre à la demande exponentielle »,d’après les directions de chacun des groupes.

Gérald Gand, directeur de l’école Le-nôtre et Élise Masurel, directrice de l’école Ducasse, observent tous deux un phénomène en pleine ampleur : la reconversion.« Il y a une tendance qui s’est énormément accentuée depuis la crise sanitaire. Les gens sont en recherche de métiers passion, avec plus de sens et surtout des métiers plus manuels », exprime cette dernière, mettant en avant une croissance« à deux chiffres »de la fréquentation de ses formations de reconversion.

Reconnaissance du secteur

Pour Gérald Gand, ce regain d’intérêt est notamment dû à la médiatisation de la restauration et de la gastronomie. Principalement par le biais de différentes émissions, qui a permis au secteur de retrouver ses lettres de noblesse.« Il y a une revalorisation des métiers de la gastronomie, dusavoir-faire à la française. Ces émissions ont beaucoup apporté, notamment en termes d’opinion publique »,analyse-t-il.

Mais alors, pourquoi quand beaucoup se pressent pour apprendre, de nombreux restaurants peinent à recruter ? Un paradoxe que Gérald Gand explique par un changement de perception du métier. « Nous avons fait face à un départ des personnes ayant fait ce métier par contrainte. Aujourd’hui dans nos écoles ce sont des gens passionnés »,ajoute-t-il.

De son côté, Élise Masurel se dit optimiste :« Ceux qui vont répondre à la pénurie de main-d’œuvre sont en train d’être formés et ne vont pas tarder à arriver sur le marché. Plus que jamais les arts culinaires et les pâtissiers ont le vent en poupe. »

Nouvelles écoles

Alors que des établissements poussent leurs murs, d’autres se créent de toutes pièces. Prochain sur la liste, le CFA Gastronomie du chef étoilé Christian Têtedoie devrait voir le jour en septembre 2022 à l’ouest de Lyon (69). Alors que la plupart des CFA forment aussi bien à la restauration collective qu’à la restauration traditionnelle ou commerciale, lui a fait le choix d’axer sa structure sur la seule restauration gastronomique. Un positionnement qu’il explique par la nécessité de former du personnel qualifié afin de répondre à la demande des professionnels.

Autre nouveauté, l’institut international Joël Robuchon. Un projet porté par la fille du chef aux 33 étoiles auGuide Michelin, Sophie Robuchon. Ce projet se concrétise sur trois sites distincts, situés dans le département de la Vienne (86). En lisière du Futuroscope de Poitiers, un centre dédié à la formation aux arts culinaires va prochainement voir le jour. À Grand-Pont, un ancien lycée agricole sera reconverti en lieu de formation en restauration collective.« Je poursuis le rêve de mon père qui était de créer une école entreprise fondée sur l’expérience et la pratique »,explique Sophie Robuchon.

Ce projet commencera dès septembre 2023 et les travaux devraient durer jusqu’en 2025. Ainsi, 3 000 étudiants chaque année pourraient être formés. Toutefois, si le nombre d’établissements proposant de se former à l’excellence gastronomique semble s’accroître considérablement, tous réfutent le risque d’embouteillage.

« Je suis assez convaincu qu’il y a de la place pour tout le monde. Le marché est exponentiel,analyse Élise Masurel.Le savoir-faire français a un fort potentiel. Nous faisons rayonner notre patrimoine gastronomique. »Un rayonnement du patrimoine gastronomique qui devrait aller encore plus loin les prochaines années et sous un nouveau paradigme : la compétition.

« Pas une énième école de cuisine »

Le « Marcoussis » ou le « Clairefontaine de la gastronomie française », c’est par cette métaphore, conciliant football et rugby, que le président de la République a annoncé en septembre 2021, lors du Sirha, la création d’un pôle d’excellence de la gastronomie française.« Cela ne sera pas une énième école de cuisine », tempère d’entrée Guillaume Gomez, ancien chef de l’Élysée, aujourd’hui représentant personnel du Président au service de la gastronomie.« Le centre a vocation à être au service de la profession. Il ne va pas remplir un manque, mais amener autre chose qui n’existait pas. Nous allons envisager la gastronomie française comme un sportde haut niveau », estime-t-il. Ainsi cette école d’excellence sera un lieu consacré à l’entraînement des talents, lieu d’échanges, de transmission et d’ouverture.

Meilleur ouvrier de France, chef multi-étoilé, champion du monde… Afin d’assurer un enseignement le plus qualitatif possible, chaque école s’entoure de chefs de renom.« C’est important de s’entourer des meilleurs afin de profiter de leur expertise. Ce sont des gens passionnés qui ont une immense envie de transmettre et ce sont souvent d’excellents pédagogues »,estime Élise Masurel, directrice du groupe Ducasse. L’école vient d’ailleurs de dévoiler de nouveaux noms prestigieux qui viendront encadrer ses formations : le détenteur d’un Bocuse d’Or, Michel Roth, et le chevalier des Arts et des Lettres, Christophe Felder, seront les parrains de deux nouvelles promotions. De son côté, l’école Lenôtre s’est entourée de sept MOF. Le chef Régis Marcon sera quant à lui de l’aventure auprès de l’institut Robuchon. Une transmission avec les grands d’aujourd’hui pour préparer la gastronomie de demain.

La pôle de la gastronomie se matérialise

Le lancement du centre d’excellence Auvergne-Rhône-Alpes de la gastronomie et des métiers de bouche a été annoncé le 10 février 2021 à l’Institut Paul-Bocuse à Écully (69), près de Lyon.« Cette implantation naturelle créatrice d’énergie, d’émulation et de synergie doit permettre de créer un véritable incubateur, une pépinière de professionnels et de jeunes »,a déclaré Dominique Giraudier, directeur de l’Institut Paul-Bocuse.

Ce campus d’excellence ouvrira ses portes« d’ici deux ans », a précisé Laurent Wauquiez, le président de la Région. Cette dernière a réservé un budget de« 25 millions d’euros »pour le projet, afin de moderniser les structures existantes et d’en construire de nouvelles. La Région compte également sur la participation de l’État et sur le soutien de fonds européens.

Le projet est une capitalisation de ce qui existe déjà au sein de l’Institut Paul-Bocuse et du centre de formation d’apprentis de Groisy, en Haute-Savoie. Le premier pôle sur le site d’Écully sera consacré aux métiers associés à la cuisine et à la pâtisserie. On y trouvera d’ailleurs les cuisines, l’événementiel et les bureaux. Le second pôle à Groisy formera, quant à lui, aux métiers de salle et de bouche. Il hébergera une nouvelle résidence, un restaurant, un bar ainsi qu’une salle de sport. Les travaux, qui ont débuté à la fin de février 2022, devraient durer« entre 18 et 24 mois », selon Dominique Giraudier.

Une entité pour se préparer aux compétitions culinaires

L’idée d’un centre de formation, reprise au Sirha 2021 par le président de la République Emmanuel Macron, est un projet qui tient à cœur à Davy Tissot, vainqueur 2021 du Bocuse d’Or. Lors de sa préparation au concours, il a lui-même créé son camp d’entraînement. Nommée le Refuge, la structure était nichée dans un bâtiment à côté de l’Institut Paul-Bocuse. Avec le reste de son équipe, il a pu se concentrer pleinement à la préparation de la compétition.

Il a ensuite décidé, en collaboration avec le directeur de l’Institut, de mettre en place une entité à part entière pour permettre aux autres équipes de se préparer au mieux aux compétitions culinaires.« Beaucoup m’ont demandé ce que j’allais faire après ma victoire. Je tiens à préciser que jamais je n’ouvrirai mon restaurant, mais si je peux aider à porter ce projet, c’est un honneur », estime Davy Tissot. Le chef a toutefois imposé une condition : que le centre puisse être ouvert à tout le monde.

iLa région Auvergne-Rhône-Alpes soutient l'Institut Paul-Bocuse pour la création de ce futur pôle d'excellence.
La région Auvergne-Rhône-Alpes soutient l'Institut Paul-Bocuse pour la création de ce futur pôle d'excellence.

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