Entretien avec Olivia Grégoire [1/3] : « Il n’est pas prévu d’aides spécifiques liées aux grèves »
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Entretien avec Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme.

À l’issue d’un premier trimestre 2023 très perturbé pour les CHR, tant du point de vue économique que social, Olivia Grégoire amène quelques perspectives au secteur et incite les professionnels à tenir. Retour sur la situation économique des commerçants, mise à mal par la crise inflationniste.
Dans le contexte de grèves, les restaurateurs font face à de nouvelles baisses de chiffres d’affaires, notamment dans les centres urbains. Des aides sont-elles prévues ?
Olivia Grégoire : Je suis attentive et je me dois de garder le sang-froid. C’est un fait, certaines mobilisations ont connu des actions violentes du fait d’une minorité de personnes en marge des cortèges. Et c’est de la perte sèche pour nos commerçants. Ce qui commence à être inquiétant, c’est que cela dure. Nos commerçants sont résistants, ils l’ont démontré ces dernières années. Quand il y a une ou deux semaines de grèves, ils sont capables de tenir. Mais quand cela se transforme en mois, ça devient plus compliqué. Néanmoins, à l’heure actuelle, il n’est pas prévu d’aides spécifiques. Je rappelle que les dispositifs d’aide exceptionnelle qui ont été mis en place pendant le Covid – et auxquels on pourrait penser -, l’ont été dans un contexte tout aussi exceptionnel. Les syndicats et les associations de commerçants comprennent très bien que nous ne sommes pas dans la même situation que pendant la pandémie.
Les aides pour absorber la hausse du coût de l’énergie et l’inflation vont-elles évoluer ? Pouvez-vous revenir sur les critères d’éligibilité et d’obtention ?
Olivia Grégoire : Les aides sont celles que nous déployons depuis plusieurs mois et dont nous avons récemment simplifié l’accès, avec Bruno Le Maire, pour les TPE/PME. Le premier niveau d’aide concerne les TPE, à savoir un tarif à 280€/MwH en moyenne sur 2023, garanti jusqu’à la fin de l’année comme l’a annoncé le Président de la République en janvier. Je sais que les prix se sont tassés, mais on était l’été dernier à des prix à 800 ou 900€ le mégawattheure. L’engagement est clair sur ce tarif bloqué, sur toute l’année 2023. C’est important aussi de considérer que cela amène de la visibilité aux entreprises sur leurs dépenses d’énergie. Le second, c’est l’amortisseur électrique. Pour bénéficier de ces deux dispositifs, c’est essentiel que les TPE remplissent l’attestation disponible sur la page d’accueil du site des impôts et qu’elles la renvoient à leur fournisseur.
D’après nos observations, 80% des TPE/PME l’ont déjà renvoyé. C’est bien, et je salue l’engagement des organisations professionnelles et des syndicats pour faire passer l’information. En revanche, on s’inquiète des 20% restants. J’ai donc obtenu de la Première Ministre qu’on décale de trois mois la date limite d’envoi de l’attestation, qui était fixée au 31 mars. Cela permettra aux entreprises qui ne l’auraient pas encore fait, de faire la demande jusqu’en juin, avec une prise en charge rétroactive. Enfin, une aide spécifique est ouverte à partir du moment où la facture d’énergie représente plus de 3% du chiffre d’affaires et que la facture a augmenté de plus de 50%. C’est la seule condition qui reste pour pouvoir être aidé.
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Qu’en est-il pour les entreprises qui ne peuvent pas bénéficier du tarif plancher à 280€/MwH ?
Olivia Grégoire : Pour les TPME qui ont subi une hausse de prix, l’amortisseur permet d’abaisser de 15 à 20% la facture d’énergie de ceux qui en bénéficient. Pour celles dont la dépense resterait tout de même très élevée malgré l’amortisseur, le guichet d’aide au paiement peut intervenir en deuxième ligne. Il fonctionne par paquet de deux mois. Il a ouvert fin mars pour les mois de janvier et février. En combinant ces aides, on arrive à une prise en charge d’environ 40% de la hausse de la facture.
Nous avons aussi la possibilité de décaler des paiements si l’amortisseur et le guichet ne suffisent pas. Il faut dans ce cas contacter les conseillers départementaux à la sortie de crise. Ils sont présents dans toutes les préfectures et sont adossés à la direction départementale des finances publiques. Cela permet de trouver des solutions au cas par cas, et notamment de décaler des échéances fiscales ou sociales pour faire passer les paiements d’énergie.
J’ai aussi rappelé aux fournisseurs d’énergie les engagements qu’ils ont pris auprès du Gouvernement en matière d’étalement des paiements. Toute entreprise qui n’arriverait pas à payer sa facture est en droit de demander un étalement de ses paiements de facture d’électricité. J’encourage les CHR qui auraient des difficultés à solliciter un étalement auprès de leur fournisseur.
Les établissements de nuit, gros consommateurs d’énergie, peuvent-ils disposer d’aides spécifiques ?
Olivia Grégoire : Au sujet des établissements de nuit, le droit veille à l’égalité des dispositifs. On ne met pas en place des aides pour un secteur en particulier, on met en place des aides pour des entreprises caractérisées par des seuils de chiffre d’affaires et de masse salariale. Mais elles sont disponibles pour tous les secteurs économiques. Si des établissements de nuit voient leur facture dépasser 3% de leur chiffre d’affaires, ils sont éligibles aux aides.
La situation actuelle impacte-t-elle la capacité des entreprises à rembourser les PGE ? Des rééchelonnements sont-ils possibles ?
Olivia Grégoire : À date, le taux de défaut global au niveau des Prêts garantis par l’Etat est estimé autour de 4,4% par la Banque de France pour la durée totale du dispositif. A début mars, la garantie n’a été mobilisée que pour 1,1% des montants accordés. Ce qui veut dire que la majorité des acteurs parviennent à rembourser leurs échéances. Ceci dit, nous restons vigilants et je ne nie pas que pour beaucoup, ce remboursement avec des délais contraints est un problème. C’est pourquoi, ceux qui rencontrent des difficultés peuvent recourir à deux dispositifs : pour les PGE inférieurs à 50.000€, la médiation du crédit les accompagne.
Pour les PGE supérieurs, les conseillers départementaux à la sortie de crise sont les bons interlocuteurs pour aider l’entreprise à trouver les solutions adaptées. Cela peut conduire à une procédure amiable devant le Tribunal de Commerce pour obtenir un rééchelonnement. Dans certains cas, celui-ci peut atteindre dix ans à compter de l’octroi du prêt. On ne peut pas, à l’aune du droit européen, transformer ce qu’est le PGE. On ne peut pas imaginer un dispositif automatique qui consisterait à considérer le PGE comme une aide directe de l’Etat aux entreprises, alors que les PGE sont accordés par les banques et non par l’Etat. Il n’y a pas de règle d’automatisme, mais des accompagnements individuels des entreprises qui en auraient besoin. Je sais que le paiement des PGE pèse aussi sur la trésorerie.