Énergie, des solutions simples

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L’énergie est devenue un enjeu de rentabilité pour les CHR. Longtemps ignoré, le sujet justifie désormais d’envisager des mesures concrètes pour réduire sa consommation, mais aussi pour faire évoluer les habitudes de travail. Avec en filigrane, les objectifs de la loi Elan, qui impose aux acteurs du secteur tertiaire de réduire leur consommation énergétique d’au moins 40% d’ici 2030.

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Illustration énergie. Crédits : DR.

Aide au financement

Par où commencer ? Voilà la question à laquelle le programme Baisse les watts, développé par la filiale économies d’énergie de La Poste, entend accompagner les TPE-PME. Si 63% d’entre elles souhaitent engager des mesures dans les cinq prochaines années, la plupart manquent toujours cruellement d’informations. En effet, 80% ne connaissent pas les modalités de leur contrat d’énergie et 24% ne savent pas comment faire des économies d’énergie. Le programme Baisse les watts vise 14 filières, dont les CHR, et propose un accompagnement spécifique à leurs contraintes spécifiques, et gratuit. « Après une inscription rapide où nous leur demandons une série d’informations pour établir le profil de leur entreprise, les professionnels peuvent abonder un carnet de bord énergie. C’est un outil avant tout pédagogique, dont ils peuvent se saisir comme bon leur semble. Des fiches actions spécifiques à leur métier leur donnent ensuite des pistes. Nous avons également collecté des données statistiques qui nous permettent de proposer des estimations de gain, en pourcentages ou en euros, pour telle ou telle action engagée. Sous peu, la plateforme pourra accéder aux données Linky [compteur électrique, NDLR] et Gaspard [compteur de gaz, NDLR] des entreprises, pour affiner les estimations », explique Alazaïs Caillol, responsable marketing du programme.

Ces recommandations concernent avant tout des écogestes, faciles à mettre en oeuvre, mais orientent aussi vers des réflexions plus approfondies. Les carnets de bord énergie les plus exigeants présentent une économie jusqu’à 30%. « Des conseillers énergies sont là pour aider les chefs d’entreprises sur des chantiers plus importants, comme le changement de matériel. Au-delà du rapport investissement / gain énergétique, ils ont une bonne connaissance des aides disponibles. C’est assez complexe, les professionnels maîtrisent mal le sujet, d’autant que cela évolue en permanence », ajoute Alazaïs Caillol. Des modules de formation en e-learning sont également disponibles pour approfondir ses connaissances sur des sujets comme la compréhension de sa facture d’énergie, les clés pour renégocier son contrat ou encore les écogestes de base. Les réseaux des Chambres de commerce et d’industrie et des Chambres des métiers et de l’artisanat s’allient également au dispositif pour proposer des formations en présentielles et favoriser l’échange de pratiques. Le programme, financé par les certificats d’économie d’énergie dans le cadre du plan de sobriété, est accessible jusqu’à fin 2025 et doit permettre d’accompagner 245 000 entreprises.

Économie de chauffage

Le chauffage, la climatisation et la ventilation représentent 40 à 50% de la consommation d’énergie dans les hôtels. Ce constat a conduit l’entreprise Agrid à imaginer une intelligence artificielle capable de piloter en temps réel, et par espaces, le réseau de chauffage et de climatisation. « Nous avons développé la solution spécifiquement pour baisser l’impact carbone des bâtiments tertiaires. Le chaud et le froid sont clairement les maillons faibles dans leur consommation, expose Charles Moreau, cofondateur et directeur financier de l’entreprise. La question est particulièrement complexe pour l’hôtellerie, qui vend avant tout du confort à ses clients. Et généralement, lorsqu’on touche aux questions thermiques, ces derniers se plaignent. Il fallait donc réduire la consommation sans impacter le confort. » Le logiciel s’installe en quelques minutes sur le réseau de chauffage, via un boîtier peu encombrant. Après un mois de calibrage, à partir de la collecte de différentes données d’usage de l’établissement, l’algorithme est capable d’estimer la fréquentation des espaces concernés et de réguler la température en fonction. « L’objectif est d’obtenir une cohérence entre les consignes de température passées par le logiciel et les attentes des clients. On enregistre des températures maximales et minimales par zones. L’hôtelier garde la main et le client peut également intervenir sur la télécommande en chambre, dans la limite de l’éventail de températures. Dans un hôtel, les usagers ne sont jamais les mêmes. Leurs ressentis sont différents, de même que leurs habitudes. »

La subtilité de la technologie réside donc dans le fait de passer la consigne de température judicieusement et au bon moment. « Nous avons élaboré des statistiques sur les questions de confort pour que le système fasse évoluer la température de manière très progressive. Si le client n’intervient pas au bout d’un certain laps de temps, on en déduit qu’il n’est plus dans sa chambre et que la température peut baisser. En revanche, s’il intervient, le système se paramètre à nouveau et reporte la baisse à plus tard. » Les résultats observés montrent des économies d’énergie de 20 à 35% selon les établissements, ce qui vaut à Agrid d’entrer, notamment, dans le référentiel du label Clef Verte. L’interface de suivi se présente également comme une aide à la décision pour les hôteliers qui peuvent analyser la consommation de l’établissement et identifier des anomalies qui peuvent coûter cher à long terme (filtres bouchés, baisse de pression), et qui sont responsables de 30% des surconsommations.

Raisonner la consommation d’eau

Constat amer pour l’hôtellerie : un client consomme deux fois plus d’eau à l’hôtel qu’à son domicile. Sans pour autant tomber dans la moralisation, Luniwave a choisi la pédagogie : dans les douches des chambres d’hôtel, la start-up a imaginé un dispositif, LuniOne, entre jeu et responsabilisation des utilisateurs pour réduire la facture d’eau et d’énergie nécessaire à son chauffage. Avant la douche, un écran propose au client de définir un objectif de consommation d’eau en expliquant la démarche pour que la douche soit la plus courte possible. La moyenne se situe à 150 litres. Lorsque l’eau coule, quatre LED, placées sous le mitigeur, indiquent la progression par tranche de 25%. L’écran affiche ensuite des items de récompense selon la « performance ».

La technologie a été développée sur la base des sciences comportementales et vise une économie finale de l’ordre de 30%. « Nous ne croyons pas au côté punitif vis-à-vis de l’écologie et l’hôtelier ne peut de toute façon rien imposer, souligne Arthur Dumoulin, cofondateur de Luniwave. Les sciences comportementales permettent d’amener les gens vers ce à quoi on aspire. La gamification permet d’y parvenir, par le biais du challenge qui active le circuit de récompense du cerveau, sous le prisme de la valorisation-félicitation. L’utilisateur est satisfait d’avoir atteint l’objectif, d’autant plus s’il se l’était fixé lui-même. » L’écran permet enfin au client de se positionner, par rapport à la consommation moyenne de l’hôtel, et présente les économies réalisées. Une plateforme de suivi permet à l’hôtelier de valoriser les gains obtenus, notamment pour accéder à certains labels écoresponsables. Si la technologie est pour le moment développée uniquement pour l’économie d’eau dans les douches, les fondateurs planchent sur une gamme de produits plus larges utilisant les mêmes leviers comportementaux. « La gamification peut s’appliquer à un très grand éventail de situations dans l’hôtellerie. Le chauffage et la climatisation sont nos prochains chantiers », assure Arthur Dumoulin.

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