Vers un titre de séjour « métier en tension »

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Le projet de loi immigration remue le monde du CHR. Syndicats, restaurateurs et hôteliers espèrent dès à présent voir apparaître un titre de séjour « métier en tension ». Un moyen de régulariser certains employés, mais aussi de recruter de nouveaux collaborateurs.

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Pour pallier le manque de main-d'œuvre dans les secteurs en tension, le Gouvernement réfléchit à régulariser les travailleurs sans papiers de ces métiers. Crédits : Unsplash

Avec 200.000 à 350.000 postes à pourvoir dans le domaine de la restauration, les professionnels peinent à faire tourner leurs affaires. Pourtant, le secteur n’est toujours pas considéré « en tension » au niveau national. Mais le projet de loi immigration, présenté le 1er février par le Gouvernement, pourrait bien changer la donne. En effet, celui-ci prévoit notamment la création d’un titre de séjour pour les métiers de l’hôtellerie-restauration. Un projet soutenu par les syndicats, qui considèrent cette loi comme une opportunité de recrutement. « Notre profession est aujourd’hui obligée de s’appuyer sur des travailleurs étrangers », déclare Olivier Dardé, porte-parole de la commission pour les négociations sociales de l’Umih et président de l’Umih 44 (Loire-Atlantique).

De son côté, Danièle Chavant, présidente de l’Umih 38 (Isère) et propriétaire de l’hôtel-restaurant éponyme à Bresson, affirme : « Cela nous permettrait de légaliser les travailleurs qui sont déjà dans nos établissements, nous n’avons pas envie d’être hors la loi. » Même son de cloche au Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR), qui a écrit une lettre aux parlementaires pour exprimer son soutien à ce texte. « Notre but n’est pas une régularisation massive, mais celle des personnes déjà salariées », témoigne Vincent Sitz, président de la commission emploi formation du syndicat. Ils seraient d’ailleurs entre 15 et 20% à venir de l’étranger, selon les syndicats. Qu’ils soient employés en situation régulière ou irrégulière, leur résidence sur le territoire français est bien souvent soumise à un titre de séjour.

Une solution pour la profession

Tandis que les débats sur la réforme des retraites ont fait rage au Parlement, ceux sur la loi immigration ont été reportés. Si les discussions. s’annoncent houleuses et risquent de diviser la classe politique, elles semblent tout de même faire consensus chez les restaurateurs. En effet, à l’heure où certains sont contraints de fermer plusieurs jours par semaine faute de personnel, Olivier Dardé ne rêve que d’intégrer rapidement des collaborateurs opérationnels. « Par exemple, lorsque l’on forme des étudiants étrangers et que leur titre de séjour arrive à échéance, on aimerait avoir les moyens de les intégrer à nos équipes », témoigne-t-il. Ainsi, selon les syndicats, les postes de serveurs, cuisiniers ou encore plongeurs doivent avant tout être reconnus « métiers en tension » sur l’ensemble du territoire hexagonal.

Défini par une offre d’emploi supérieure au nombre de candidats, un métier en tension est soumis à des difficultés de recrutement. La reconnaissance des métiers du CHR comme « en tension » permettrait donc d’aider au recrutement et d’embaucher plus facilement et légalement des employés venus de l’étranger. Vincent Sitz, rappelle aussi l’importance de cette régularisation pour la société : « Le travail est le meilleur outil d’intégration. » Pour lui, ce « simple papier » permet de changer une vie et d’offrir à ses salariés « des formations, de les faire évoluer dans le secteur et de monter en compétences ». Il tient toutefois à préciser que cela ne doit pas créer d’« appel d’air ». « Actuellement, des travailleurs étrangers empruntent les titres de séjour d’autres personnes, sans que nous ayons réellement les moyens de contrôler », assure-t-il.

Dans certains cas, un document d’identité pourrait servir à employer plusieurs salariés, sans que ceux-ci ne soient inquiétés. Pour éviter cela, le syndicaliste réclame alors que l’autorisation de travail soit « à la main du salarié » et non plus de l’employeur qui doit vérifier la validité du titre de séjour auprès de la préfecture. De plus, l’Office français de l’immigration et l’intégration (OFII) demande à l’entrepreneur, lorsqu’il emploie un salarié étranger non européen, d’engager une procédure d’autorisation d’embauche et de verser une taxe. « C’est une démarche administrative coûteuse », estime Vincent Sitz. Il souhaite la voir supprimée, car elle pourrait, selon lui, inciter certains restaurateurs à embaucher illégalement des salariés étrangers. Par ailleurs, l’intégration passant non seulement par le travail, mais aussi par la communication, le texte de loi prévoit de conditionner la première délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d’un « niveau minimal de la langue française ».

Autant d’engagements que Vincent Sitz espère voir « figés dans le marbre » avec la promulgation prochaine du texte de loi. En outre, des mesures qui, comme l’espèrent les professionnels, ne participeront pas à la « stigmatisation » du secteur comme l’un des plus gros employeurs de travailleurs étrangers, mais bien à légaliser et à pérenniser certains emplois. Avec la loi immigration, le secteur des CHR espère donc des changements importants pour le quotidien des professionnels, dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre, d’inflation et de sortie de crises. « Nous avons été fermés sept mois consécutifs, on en a assez des aides, on veut qu’on nous fiche la paix », s’insurge Danièle Chavant. Lasse de ce climat délétère, l’hôtelière-restauratrice ne demande en fait « qu’à vivre de son travail ».

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