Le casse-tête des économies d’énergie

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Avec un coût de l’électricité qui croît pour les professionnels depuis le 1er février, l’addition est devenue salée. Bien que des solutions existent pour faire des économies d’énergie, tout n’est pas gagné pour les CHR.

économies d'énergie
L’électricité est la principale dépense énergétique d’un restaurant ou d’un hôtel. Crédit : 51581

Les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie sont touchés de plein fouet par des augmentations de prix à répétition concernant l’énergie. Selon Engie, en moyenne, un restaurant consomme annuellement 34 400 kWh en électricité. Cela correspond à une facture de 7 082 € TTC. Chaque repas représenterait 1 kWh consommé. En ce qui concerne le gaz, un restaurant en utiliserait 54 000 kWh, soit 5 424 € TTC par an. Selon la chambre des métiers et de l’artisanat d’Occitanie, les factures d’énergie représentent environ 2,5 % du chiffre d’affaires d’un établissement.

Récemment, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a déclaré que le coût de l’électricité allait croître de 9,8 % sur les tarifs heures pleines et heures creuses, et de 8,6 % sur les tarifs de base à partir du 1er février. Chez Omnegy, cabinet de conseil en énergie, cette annonce n’a pas inquiété tant que cela. « Les marchés de l’énergie augmentent
autant qu’ils diminuent
», explique Édouard Lotz, analyste du marché européen. La guerre en Ukraine et les problèmes des réacteurs EDF sont à l’origine de cette crise : « 2022 a été la pire année. La France est le pays européen où les prix de l’électricité sont les plus élevés », ajoute l’expert.

Par ailleurs, les sociétés de la restauration et de l’hôtellerie avaient déjà été très impactées par la pandémie de la Covid-19 et s’en remettent aujourd’hui depuis peu. Malgré tout, Édouard Lotz se montre confiant pour l’avenir. « Actuellement, on a des perspectives positives. Certes, les marchés de l’énergie sont haussiers, mais on sait s’y préparer et réagir. D’autant plus qu’en France, on a de la chance,
car l’État a beaucoup aidé les professionnels »
, souligne-t-il. Afin de réduire au minimum sa consommation d’énergie, l’analyste suggère quelques conseils : « Il est important de se tenir informé de ce qu’il se passe sur les marchés. Il ne faut pas attendre la dernière minute pour renégocier son contrat et ne pas toujours attendre que les prix diminuent. Optez pour un contrat longue durée si possible. »

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De nombreux restaurants ont été mis à mal par ces augmentations des prix. Crédit : Stocksnap

Comme le rappelle Édouard Lotz, pour contrer toutes ces augmentations, le Gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures visant à venir en aide aux professionnels. La première est le bouclier tarifaire dès 2022. Cette initiative a bloqué la hausse des prix de l’électricité de 15 % pour les TPE, et ce, jusqu’à la fin de 2023. Ensuite, comprenant que ce n’était pas suffisant, l’exécutif a instauré un plafond de prix. Après de longues négociations entre EDF et le Gouvernement, le coût de l’électricité ne peut excéder 280 € le mégawatt/heure pour les TPE.

Par la suite, il y a eu l’amortisseur d’électricité qui s’adresse à toutes les entreprises et collectivités territoriales non éligibles au bouclier tarifaire. Avec cette aide, l’État prend en charge une partie de la facture d’énergie. Enfin, la dernière mesure en date est le « guichet d’aide » au paiement des factures d’énergie. Ce dispositif permet d’obtenir des aides financières plus spécifiques en cas de grosse consommation énergétique. Dans les faits, ce guichet d’aide s’adresse principalement aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou aux grandes entreprises. Toutes actées en 2023, ces aides se poursuivront au cours de l’année 2024.

Comment agir en pratique ?

Malgré toutes ces variations de prix, certains parviennent à réaliser un exploit : faire des économies d’énergie. C’est la mission de Baisse les Watts. Ce programme accompagne les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) dans une meilleure gestion de leur consommation d’énergie. À travers des formations et un accompagnement sur mesure, ces entreprises observent une vraie différence de dépense, avant et après l’utilisation de ce dispositif.

C’est le cas de Mathieu Limon, gérant et fondateur de Comme chai toi, restaurant situé dans le Ve
arrondissement de Paris. Cet établissement a réussi à baisser ses factures d’énergie de 30 %… grâce à Baisse les Watts. « Notre réflexion autour des économies d’énergie avait commencé avant la hausse des coûts. Mais dès que les prix se sont envolés, cela nous a encore plus poussés à se pencher sur la question », précise le gérant.

« Au départ, l’équipe était un peu intriguée. Mais maintenant, c’est totalement ancré dans leurs habitudes »
Mathieu Limon, Gérant et fondateur de Comme chai toi

Tout a débuté avec des gestes simples : « Dans un premier temps, on a changé toutes nos ampoules en LED basse consommation, témoigne-t-il. Ensuite, on a modifié le mode de fonctionnement en cuisine. » Puis, Comme chai toi est allé encore plus loin dans sa démarche : « On allume nos appareils de cuisson beaucoup plus tard dans la journée, quitte à tout faire chauffer à la suite, et on les éteint dès qu’on ne s’en sert plus. De plus, on éteint la friteuse dès que les commandes sont prises et que toutes les fritures sont sorties. La lumière est plus tamisée et notre carte à l’entrée est moins éclairée qu’avant. » Des petits changements qui font une grande différence sur la facture d’électricité.

Toutefois, cette nouvelle manière de travailler plus écologique n’a pas été un automatisme pour tout le monde : « Au départ, l’équipe était un peu intriguée. Mais maintenant, c’est totalement ancré dans leurs habitudes », indique Mathieu Limon. En plus de former leur personnel à ses nouvelles pratiques, ils sensibilisent également leur clientèle : « On a eu plusieurs retours de clients, surpris ou étonnés. On tente d’attirer leur attention sur la question des énergies. Mais on comprend que c’est une sensibilisation subie pour eux. » À l’avenir, Mathieu Limon désire continuer sur cette lancée, mais se demande ce qu’il pourrait faire « de plus ou de mieux ».

Des restaurateurs en difficulté

De nombreux CHR aimeraient réussir à baisser leurs factures d’énergie. Il y a un an, 86 % des professionnels du secteur disaient « subir les prix de l’énergie ». Qu’en est-il aujourd’hui ? « L’énergie est toujours une source de stress pour les restaurateurs et les hôteliers. Au moment du renouvellement des contrats, c’est toujours très dur », répond le chef Christophe Marguin du restaurant Le Président, dans le 6e arrondissement de Lyon (Rhône).

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Christophe Marguin, président des Toques blanches lyonnaises.

Pour le président des Toques Blanches lyonnaises – association de cuisiniers et pâtissiers –, l’énergie est un sujet qui est au cœur de ses préoccupations. Si bien qu’en mars 2023, son association a organisé le « Dîner aux chandelles ». Cette opération, à laquelle des dizaines de restaurants lyonnais ont participé, consistait à passer un dîner dans le noir pour dénoncer la hausse des prix de l’énergie. « On souhaitait alerter sur la situation. C’était pour envoyer une image forte. On a eu des conflits avec les distributeurs d’énergie qui étaient contrariés par cet événement. Mais nous voulions surtout faire savoir qu’on était dans le pétrin », justifie le chef.

Concernant les conseils de l’expert Édouard Lotz, il les contre de suite : « La plupart des structures dans le secteur sont des TPE, voire des PME. Les cuisiniers ont la tête dans le guidon. Ils n’ont pas le temps de s’informer sur les contrats et le prix de l’électricité. Ils ne peuvent pas passer des heures à s’y intéresser par manque de temps et de moyens, s’exaspère-t-il. Ce sont des conseils de quelqu’un qui n’a jamais travaillé dans le milieu. »

« Les cuisiniers ont la tête dans le guidon. Ils n’ont pas le temps de s’informer sur les contrats et le prix de l’électricité. »
Christophe Marguin, Président de l'association des Toques Blanches Lyonnaises

Quant aux perspectives positives de l’analyste, il n’y croit pas vraiment : « Comment peut-on parler d’un avenir plus serein alors que les coûts augmentent ? Chaque hausse affaiblit les restaurateurs. » Qui plus est, le président des Toques Blanches lyonnaises soulève un autre poids qui pèse sur les professionnels : « Pendant les confinements, le Gouvernement a mis en place des PGE. Maintenant, il faut rajouter le remboursement de ses prêts à l’augmentation des autres dépenses. »

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