Claude Perraudin, inoxydable !

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Moins de deux ans après avoir revendu son célèbre restaurant, le Père Claude, Claude Perraudin refait surface dans une nouvelle adresse parisienne. À 71 ans, toujours animé par le feu sacré, il demeure un des derniers chefs à manier avec bonheur les grands classiques de la cuisine bourgeoise.

Claude Perraudin
Claude Perrandin est le chef de La Retraite du Père Claude (Paris,15e). Crédit : DR

Il a fait ses adieux à la Charles Aznavour, en 2021, en cédant le Père Claude (Paris, 15e), l’adresse où il a connu la gloire, avenue de la Motte-Picquet. Mais dès le mois de septembre dernier, Claude Perraudin a fait son grand retour dans la capitale en créant la Retraite du Père Claude, à 1,6 km de son ancien repaire. À 71 ans, il paraît bien décidé à écrire une nouvelle page d’une aventure culinaire. Il avoue qu’il s’ennuyait ferme dans sa belle maison de banlieue, lui « qui ne sait rien faire d’autre que cuisiner ». Il n’a pas résisté très longtemps aux appels téléphoniques de ses nombreux clients qui le suppliaient de remettre le couvert.

Avant de repasser derrière le piano, Claude Perraudin devait régler de légers soucis de santé : une petite intervention cardiaque et une opération du genou. Tout cela est désormais derrière lui. « Je suis tout neuf, assure-t-il, c’est Robocop qui est de retour. » Dans ce petit restaurant, il pensait effectuer des services tranquilles et n’avait embauché que deux employés. Il a dû vite en rappeler deux autres car, très rapidement, le carnet de réservation affichait régulièrement complet. Ceux qui ont connu le Père Claude ne s’en étonneront pas. Sans prétendre à des étoiles, ce restaurant proposant de très grands produits a vu défiler pendant 30 ans tout le gotha parisien, à commencer par les présidents de la République.

Jacques Chirac et son épouse étaient des inconditionnels. Aujourd’hui encore, leur fille, Claude Chirac, demande à Claude Perraudin de lui cuisiner de la tête de veau qu’elle porte à son amie Line Renaud. On pourrait craindre que ce succès retrouvé bouscule un peu le chef, mais il est pleinement heureux. Les sourires de sa clientèle constituent pour lui la meilleure des cures de jouvence. D’ailleurs, il considère que ce rythme actuel, avec deux jours de fermeture hebdomadaire, s’apparente au fond à des vacances. « Les six dernières années au Père Claude, j’ai travaillé en continu, raconte-t-il. Je n’ai pris que deux demi-journées de repos, l’une pour assister à l’enterrement de Paul Bocuse, l’autre pour celui de Pierre Troisgros. »

Claude Perraudin a en effet été formé par ces deux géants de la cuisine. Fils d’un boucher charcutier et d’une mère restauratrice dans la Nièvre, il vit sa prime enfance dans une ferme où ses parents l’ont placé, n’ayant pas le temps de l’élever. Il réintègre le foyer à l’âge de 8 ans et doit dès lors assumer la corvée de plonge dans le restaurant maternel.

« C’est Robocop qui est de retour. »

Ce sont deux clients du lieu, Jacques et Lucienne-Anne Dépée, créateurs de la célèbre Auberge des Templiers aux Bézards, à Boismorand (Loiret), qui ont donné un coup de pouce décisif à la carrière du jeune garçon en le recommandant en apprentissage chez les Frères Troisgros, à Roanne (Loire). Il y croise un autre apprenti du nom de Bernard Loiseau. « Il avait déjà en lui cette volonté d’obtenir un jour 3 étoiles, on sentait que rien ne l’arrêterait », confie Claude Perraudin. Lorsqu’il quitte Roanne, le cuisinier croise un autre apprenti qui vient d’arriver, Guy Savoy.

Chez Bocuse, Claude Perraudin est très apprécié par le maître de Collonges-au-Mont-d’Or qui lui confie le soin de préparer les repas de sa propre famille. Ses dons pour la cuisine bourgeoise sont déjà évidents. Quelques années plus tard, il débarque chez Claude Verger qui lance les fameuses « Barrière » à Paris. Il va se poser à la tête des fourneaux de la Barrière Vaugirard alors que ses anciens compagnons de brigade, Guy Savoy et Bernard Loiseau campent respectivement à la Barrière Clichy (Hauts-de-Seine) et à La Barrière Poquelin (Paris 1er). Trois grands destins de la cuisine sont lancés. Le flamboyant Guy Savoy s’est depuis lors durablement installé au firmament de la cuisine en monopolisant six années de suite le titre de meilleur restaurant du monde.

Bernard Loiseau a marqué la gastronomie à la manière d’une comète. Claude Perraudin a choisi une autre voie, peut-être plus singulière, celle d’une restauration plus simple, où le chef s’efface derrière le produit. Des terrines incomparables, un poulet aux écrevisses dans la grande tradition – dont on pensait la recette oubliée – sortent de ses cuisines. Dans ses mains, une simple andouillette 5A nous convie à un festin. Avec cette cuisine hédoniste, le Père Claude a conquis une génération de politiques, de célébrités. Il se souvient avec nostalgie des fêtes homériques avec Carlos ou Belmondo.

Bien vivant, il regarde en avant et souhaite communiquer à la nouvelle génération ce goût des plaisirs de la table. Il reconnaît n’avoir aucune motivation financière dans cette nouvelle aventure : « Je n’ai pas besoin de cela, je travaille pour mes enfants et mes petits-enfants. » L’avenir de la dynastie Perraudin est d’ailleurs bien assuré. Son fils, Ludovic, a repris Le Petit Bedon, à Carnac (Morbihan), alors que sa fille est mariée à Frédéric Joulin, chef et maître cuisinier, exploitant le Semilla à Miami (États-Unis).

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