Karine et Cyril Attrazic : le duo de l’Aubrac

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Le chef Cyril Attrazic et son épouse Karine, viennent d’inscrire un second astre sur la devanture de leur restaurant gastronomique.

Karine et Cyril Attrazic. Crédits : Mathieu Cellard
Karine et Cyril Attrazic. Crédits : Mathieu Cellard

Deux jours après la cérémonie du Guide Michelin, qui dévoilait son cru 2023 à Strasbourg, le 6 mars dernier, CyrilAttrazic a toujours la voix tremblotante. L’homme est ailleurs, incrédule, perché sur un nuage qui survole allègrement l’Aubrac. On le comprend. « La pression redescend un petit peu, confie-t-il. Nous sommes ravis pour notre maison car nous sommes des passionnés et la cuisine c’est notre quotidien. La première chose qui me vient à l’idée est de saluer toutes les personnes qui travaillent à nos côtés : notre famille, les équipes, les producteurs. Tout seul, on n’est pas grand-chose. »

La surprise est d’autant plus grande que Karine, 47 ans, et Cyril Attrazic, 49 ans, n’envisageaient pas un seul instant que le Guide rouge les gratifie d’une deuxième étoile. Le parcours du couple et du chef, force le respect. Ce dernier représente la quatrième génération d’une famille qui a créé la maison en 1928 dans un petit bistrot campé au bord de la Nationale 9. «Ma grand-mère Linette était une femme ambitieuse. Elle a vendu le bistrot pour acheter 1 ha de terrain, juste en face, pour créer un hôtel restaurant. Par la suite, ma tante a développé l’hôtel quand mon père s’est concentré sur la restauration », retrace Cyril Attrazic. Aujourd’hui, c’est le cousin de ce dernier qui exploite l’hôtel Chez Camillou quand le couple se focalise quant à lui sur le restaurant gastronomique Cyril Attrazic, la brasserie La Gabale et le bistrot Linette. Autant dire qu’à Aumont-Aubrac, la famille Attrazic est reine de l’hospitalité. Revenu sur ses terres en 1998, Cyril Attrazic a bénéficié des mutations connues par l’environnement d’Aumont-Aubrac. Le village est situé sur l’axe de l’A75 tandis que le Viaduc de Millau n’a jamais cessé d’attirer les curieux.

Un Bib gourmand

Le chef s’est notamment formé à Paris après l’école hôtelière de Saint-Chély-d’Apcher. Il intègre alors Ferrandi et enchaîne les belles maisons, au 59 Poincaré (Paris 16e ) avec Alain Ducasse, au Trianon Palace à Versailles, puis au Dorchester, à Londres, de nouveau aux côtés d’Alain Ducasse. Karine le suit dans toutes ses pérégrinations culinaires et se familiarise avec les métiers de salle. « Nous sommes ensemble depuis toujours », glisse Cyril Attrazic.

Le couple ne tarde pas à rentrer au pays pour prendre les rênes de la maison familiale. À l’époque, le village d’Aumont-Aubrac dispose déjà d’un étoilé piloté par Catherine et Guy Prouhèze. « Nous avons fait profil bas et travaillé. On ne se posait pas la question de l’obtention d’une étoile ou non. Nous avons mis toute notre énergie pour exister », raconte le chef. Le couple reprend alors en main le restaurant traditionnel de 60 couverts complété par une salle de banquet, au rez-de-chaussée, destinée aux groupes. Rapidement, le Bib gourmand tombe et, en 2007, une première étoile est décernée à l’établissement. « Nous étions jeunes, nous n’étions pas prêts », regrette le Lozérien.

Si pour beaucoup de restaurateurs l’arrivée d’une étoile est synonyme de hausse de la fréquentation, l’inverse s’est produit à Aumont Aubrac. Le taux de captage, à mettre en corrélation avec l’hôtel attenant, s’est effondré et le volume de clients par service est devenu tout à fait inégal. Les clients prennent la fuite. Pour se relever, notamment financièrement, le tandem mise alors sur la brasserie La Gabale (au sein de la même bâtisse) qui permet de nouveau de faire le plein et de relancer la trésorerie. Mal préparé, le couple se voit toutefois retirer son étoile deux ans plus tard.

Des lieux hors du temps

En parallèle, Cyril Attrazic peaufine l’offre gastronomique en créant une table éponyme distincte. C’est le retour en grâce avec en 2012, la restitution du macaron perdu. « Le succès de la brasserie nous a permis d’investir dans l’humain. Cela m’a offert l’opportunité de me recentrer sur ma cuisine et de sortir la tête de l’eau », livre-t-il. Le concours de l’architecte Hervé Porte a été décisif pour bâtir un écrin à la mesure de la cuisine du chef. Il intervient une première fois en 2001, puis en 2008 et 2017 pour la brasserie (ticket moyen 44 €). Le restaurant gastronomique (150 €) est quant à lui refait à neuf en 2014. Les lieux sont hors du temps et considèrent le confort visuel comme acoustique.

Le bistrot Linette (ticket moyen 18 €) a lui aussi bénéficié des services d’Hervé Porte. Cyril Attrazic est aujourd’hui marqué du sceau de la maturité. Sa cuisine laisse une large place au plateau de l’Aubrac et à l’animal. « Nous avons un rapport particulier avec la race Aubrac que je mets à l’honneur dans l’assiette. J’ai fait le choix d’assumer la protéine animale et je travaille avec un éleveur qui me fournit une quinzaine de mâles chaque année », détaille le maître queux. C’est sans doute cette cuisine identitaire de haute volée, délivrée par un aubergiste passionné, qui a séduit les clients et les inspecteurs du Guide Michelin.

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