Élections à l’Umih : qui atteindra le sommet ?

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Cinq binômes sont en lice pour succéder à Roland Héguy et Hervé Bécam à la tête de l’Umih. Cette profusion de candidats, inédite dans l’organisation, rend très incertaine l’issue du scrutin. Entre les luttes d’influence interne des hommes d’appareil et les stratégies disruptives prônées par de nouveaux venus, le choix des 109 grands électeurs se révèle difficile à prévoir.

Cinq candidats à la présidence de l'Umih.
Cinq candidats à la présidence de l’Umih. Crédits : Au Coeur du CHR.

Le 27 octobre en début d’après-midi, Roland Héguy, président de l’Umih, connaîtra le nom de son succes-seur. « Nous quitterons immédiatement nos fonctions et nos bureaux dans la foulée », confie son vice-président, Hervé Bécam. Les deux hommes se disent soulagés de quitter la rue d’Anjou. Leur règne de 12 années constitue un record.

Au terme d’une réélection et d’une prolongation, Roland Héguy est resté plus longtemps en place qu’André Daguin. Il reconnaît que les trois dernières années de crise sanitaire ont été éprouvantes « avec des périodes de doute et de remise en question ». Mais le Basque et le Breton se disent fi ers de laisser une organisation pacifiée, fédérée, qui occupe la place qui lui revient dans l’industrie touristique. Roland Héguy comme Hervé Bécam sont particulièrement satisfaits de voir leur succession aussi convoitée alors que cinq binômes sont en lice : « Cela veut dire que l’Umih a trouvé sa place et suscite de l’intérêt. »

Tous deux espèrent que leur successeur bâtira une maison syndicale commune avec le GNI. Pour autant, ils se gardent d’adouber un candidat. Roland Héguy se souvient du sort funeste advenu par le passé aux candidatures de Georges Antoun et Geneviève Roy, respectivement soutenus par les sortants de l’époque, Jacques Thé et André Daguin. Il est d’ailleurs difficile de se risquer à un pronostic. La crise sanitaire et le fl ou économique actuel ont rebattu les cartes. Les observateurs s’accordent à dire qu’un second tour sera certaine-ment nécessaire pour départager les candidats qui sillonnent actuellement la France pour essayer de convaincre les 109 grands électeurs qui prendront part au vote (voir encadré). Les profils des candidats présentent une grande diversité.

Trois hommes d’appareil, Laurent Duc, Alain Grégoire et Bernard Marty font face à deux outsiders médiatiques, le restaurateur parisien Stéphane Manigold et le chef Thierry Marx. La question est de savoir si ces deux derniers parviendront à renverser la table dans une organisation qui cultive toujours un certain traditionalisme. Côté hommes de l’appareil, Alain Grégoire, l’Auvergnat, fait figure de favori. L’appui que lui apporte son binôme Hubert Jan, patron des restaura-teurs, est un atout sérieux. Mais à ce jeu, où il faut convaincre un faible nombre d’électeurs, tous les espoirs sont permis à Laurent Duc et Bernard Marty, deux fortes personnalités.

Laurent Duc et Nathalie Baudoin

C’est un binôme très hôtelier que forment Nathalie Baudoin et Laurent Duc. Respectivement présidente et vice-président de la branche hôtellerie française de l’Umih, ils se verraient bien occuper les mêmes postes à la tête de la centrale syndicale de la rue d’Anjou. Laurent Duc rappelle que s’il est aujourd’hui propriétaire de l’hôtel Gratte-Ciel, à Villeurbanne (Rhône), il a longtemps travaillé dans la restauration et connaît toutes les facettes du métier. Nathalie Baudoin, exploitante d’un hôtel Logis, le Glacier, à Orange, (Vaucluse) exerce à la fois comme hôtelière et restauratrice.

À 58 ans, Laurent Duc cumule une vaste expérience à l’Umih. Il siège au directoire de la fédération depuis 18 ans et a travaillé avec les trois derniers présidents. Depuis 12 ans, il veille aux destinées de la branche hôtellerie. Il estime que sa candidature et celle de Nathalie Baudoin « s’inscrivent dans la continuité de notre parcours. Après 20 ans d’engage-ment fidèle et après avoir gagné de nombreux combats notamment face aux OTA’S et aux plateformes, type Airbnb, nous devons agir rapidement et efficacement face aux effets persistants de la crise de la Covid, aux conséquences de la crise énergétique, aux difficultés de recrutement ».

Fin connaisseur de l’appareil syndical, Laurent Duc estime qu’on ne peut pas s’improviser président d’une des plus grandes organisations professionnelles et que « ceux qui imaginent que les combats se gagnent sur les plateaux télé, méprisent le travail quotidien des bénévoles de notre syndicat ». Il mise avant tout, pour sa part, sur « la force du collectif qui nous constitue ».

Les cinq axes de leur programme

Moderniser l’Umih dans sa gouvernance et dans sa communication pour en faire un outil plus puissant et toujours plus influent.

Faciliter le quotidien des chefs d’entreprise en leur redonnant de la liberté et de la visibilité.

Développer et défendre l’attractivité de nos entreprises et de nos métiers.

Être les défenseurs d’une restauration de qualité au service de la santé et du respect de l’environnement.

Accompagner efficacement nos entreprises à s’engager dans les défis de demain : la sobriété énergétique, la transformation et le numérique.

Alain Grégoire et Hubert Jan

Durant 25 ans passés dans le secteur bancaire à des postes de direction au niveau finances, commercial et ressources humaines, Alain Grégoire a travaillé dans diverses régions, Paca, Massif central et Nord-Pas-de-Calais. En 2011, ce Corrézien décide de se rapprocher de sa région d’origine en rachetant avec son épouse l’hôtel-restaurant des Bains romains à Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme). Âgé de 58 ans, il se lance à l’assaut de la présidence de l’Umih après avoir revendu son établissement l’année précédente. Il considère que la présidence de l’Umih est un travail à plein temps.

Il est d’ailleurs bien décidé s’il est élu à être présent du lundi au vendredi rue d’Anjou. Son colistier, Hubert Jan, 64 ans, candidat à la vice-présidence est dans les mêmes dispositions puisqu’il a aussi revendu en 2021 son restaurant de Fouesnant (Finistère) Bistrot chez Hubert, une affaire où il est né et qui est présente dans sa famille depuis plusieurs générations. Les deux hommes qui insistent sur leur complémentarité, préparent leur programme depuis six mois.

Alain Grégoire est entré à l’Umih 63 en 2013 où il est devenu trésorier, puis président délégué. En 2019, il s’empare de la nouvelle Umih Aura. Il est également président de Thermhôtel, association d’hôtels thermaux. Hubert Jan fait également figure de poids lourd avec 35 ans de syndicalisme au compteur, il est issu des rangs de la CPIH et a rejoint l’Umih, à sa création, lorsque André Daguin a élargi la FNIH. C’est à cette époque qu’il est devenu président de l’Umih 29 avant de prendre en main à partir de 2010 la branche restauration au niveau national. Deux motivations sont à l’origine de la candidature de ce binôme : la constitution à terme d’une organisation professionnelle unique et la consolidation des syndicats associés et des structures départementales.

Les cinq axes de leur programme

Les cinq axes de leur programme

Laisser souffler les entrepreneurs en s’emparant des dossiers de la concurrence, des PGE, et de la fiscalité.

Accompagner la transition numérique et le développement durable.

Prendre en compte l’axe de la ruralité.

En ce qui concerne l’organisation syndicale : augmenter le nombre d’adhérents et développer une proximité d’échanges forte entre les départements et les présidents régionaux.

Bernard Marty et Sabine Ferrand

Bernard Marty, 64 ans, a connu une carrière de marin, dans la marine nationale et dans la marine marchande, chez Paquet, puis à la Société nationale maritime Corse-Méditerranée, avant de devenir restaurateur en 1999 en épousant la propriétaire du Terroir corse, à Marseille. Il a par la suite créé de nombreux établissements dans la cité phocéenne comme le Petit Matelot, le Capo Rosso, Marinella, Casa Pietra. Il est désormais propriétaire de la Gratinée sur le Min de Marseille. Ancien secrétaire du comité d’entre-prise de la SNCM, Bernard Marty était rompu à l’activité syndicale. En devenant restaurateur, il est passé sans problème du banc salarié au banc patronal de l’Umih.

Présent à l’Umih 13 depuis 1999, il en est devenu le secrétaire général avant de prendre la présidence en 2017, succédant à Alain Paulin. Par la suite, Bernard Marty a été porté à la tête de L’Umih Paca Corse coiffant ainsi une fédération de poids. Sabine Ferrand, sa binôme, est fille de restaurateur et a dirigé plusieurs restaurants. Elle exploite depuis une dizaine d’années, à Saint-Laurent-Nouan (Loir-et-Cher), un restaurant, le Rhinocéros, et une discothèque, le Tambour. Adhérente depuis dix ans à la centrale syndicale, elle occupe depuis six ans la présidence de l’Umih 41 et depuis trois ans celle de la région Centre-Val-de-Loire. « J’ai une âme de syndicaliste et comme Bernard Marty, je suis sur le pont en permanence », confie-t-elle. Les deux candidats assurent qu’ils avaient l’intention de soutenir la candidature de Thierry Grégoire lors de cette élection. Mais ce dernier ayant finalement renoncé, ils ont décidé de se présenter pour faire entendre la voix de la base et des territoires. « L’élection ne se fera pas à Paris, mais en province » assure Bernard Marty.

Les cinq axes de leur programme

Créer les conditions pour réorganiser et moderniser l’Umih.

Créer des services de communication qui informent régulièrement les départements.

Mettre en place une communication forte de la présidence sur les sujets spéciaux.

Entamer des négociations sur les PGE, les baux commerciaux, le problème énergétique et une hausse des matières premières en demandant notamment une baisse de TVA.

Instaurer une plus grande proximité avec les salariés de l’Umih qui sont des gens formidables.

Thierry Marx et Éric Abihssira

Thierry Marx, 63 ans, chef doublement étoilé au Mandarin à Paris et présent dans de nombreux lieux, comme la tour Eiffel, a décidé de faire acte de candidature à la présidence de l’Umih avec pour colistier et vice-président Éric Abihssira, 59 ans, président de la Fédération de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme de Nice-Côte d’Azur. Le binôme entend participer activement à la modernisation de la profession. Les deux hommes veulent essayer de peser et de travailler sur les grands dossiers de demain : la mutuelle, le social et la qualité environnementale de ce métier.

« Peut-on encore ouvrir un hôtel sans se préoccuper de son bilan environnemental ou un restaurant de son empreinte carbone? » interroge Thierry Marx pour résumer l’urgence de prendre à bras-le-corps les mutations actuelles. L’ancien disciple de Joël Robuchon rappelle qu’à l’époque d’André Daguin, « l’Umih revendiquait 60 000 à 70 000 adhérents. Elle en rassemble aujourd’hui 35 000. Je suis là pour rassembler et moderniser cette structure. Je ne viens pas chercher une notoriété. J’attends simplement que l’Umih devienne ce que j’ai toujours désiré qu’elle soit, un outil pratique et efficace ».

Thierry Marx et son colistier assurent qu’ils seront suffisamment disponibles pour diriger un syndicat. À 63 ans, Thierry Marx estime qu’il a davantage de temps libre qu’il en avait à 40. Même s’il ne dispose d’aucun mandat à l’Umih et se présente comme simple adhérent, le chef est accompagné d’un candidat à la vice-présidence qui totalise 30 années de syndicalisme. Éric Abihssira fait partie des Niçois en vue. Il possède dans cette ville un hôtel Best Western 4* de 41 chambres et exploite avec l’un de ses fils le restaurant Côté Lounge. Vice-président, puis président depuis juin dernier de la FHRTNCA, il fait partie des 110 délégués qui prendront part au vote final.

L’atout majeur de Thierry Marx réside dans son implication sociale dans la création de la formation Cuisine mode d’emploi, qui a reçu l’appui de l’Umih. Les résultats sont là selon lui : « On a ramené 6 500 personnes vers nos métiers. Nous les avons formées en 11 semaines avec à la clé 92 % de retour à l’emploi. C’est une manière de donner une forme d’épanouissement à de nombreuses personnes éloignées de l’emploi. Aujourd’hui, un jeune qui sort d’une école hôtelière n’accepte plus de devenir commis de cuisine. Il nous faut trouver des alternatives pour pourvoir ces emplois. »

Les 3 axes principaux de leur programme

L’impact social et la formation professionnelle en accomplissant un travail sur la question des mutuelles et du social.

Les questions environnementales. Il faut entrer dans un cercle vertueux avec un tourisme plus vert, plus attractif qui donne envie aux touristes étrangers de passer davantage de temps en France.

Développer le tourisme rural, c’est le tourisme de demain, plus lent, plus doux et moins carboné. Il y a un grand combat à mener.

Stéphane Manigold et Grégory Pourrin

Lorsque la crise sanitaire a éclaté en mars 2020, Stéphane Manigold était encore cadre dans le secteur automobile. Ce n’est que quelques jours plus tard qu’il a pris la tête d’Eclore, un groupe de restauration qu’il construisait patiemment depuis plusieurs années. Aujourd’hui, Stéphane Manigold détient huit établissements évoluant entre la gastronomie et la bistronomie. Mais surtout, cet homme pressé est devenu un restaurateur célèbre, en traînant son assureur Axa devant la justice et en le faisant condamner à l’indemniser. Il a représenté ainsi un héraut de la grogne des restaurateurs durant la crise sanitaire et demeure un familier des plateaux de télévision du groupe BFM. Président depuis six mois de la branche restauration de l’Umih Paris-Île-de-France, il se présente dans cette élection comme un rempart : « Si je veux présider l’Umih, c’est pour anticiper les chocs. »

Les PGE sont dans sa ligne de mire. « Mes PGE me coûtent chaque année 6,25 % de mon CA. Une entreprise qui fonctionne bien dégage un résultat de l’ordre de 10%. Il va donc me rester 3,75 % de mon CA pour absorber le triple choc de la flambée des coûts de l’énergie, la hausse des coûts des salaires et des matières premières. Cela ne passera pas ! Il faut renégocier. » II explique aussi que la hausse du prix de l’énergie impactera les sociétés qui réalisent plus de 2 M€ de CA. « Un restaurant qui emploie 15 à 20 salariés va être concerné par des hausses de tarifs exponentielles. Il faut aussi renégocier le seuil », prévient-il. Celui qui sent une « dynamique forte » en sa faveur souhaite revenir à l’origine de ce qu’est un syndicat national : faire remonter les demandes des syndicats départementaux et les appuyer. Il considère bénéficier d’une équipe solide avec notamment son colistier Grégory Pourrin, directeur général de Centaurus hospitality (Groupe Albar), l’avocate Maître Anaïs Sauvagnac qui s’est illustrée face à Axa et enfi n Jennifer Pizzicara, ancienne directrice adjointe de cabinet de Bruno Le Maire.

Les cinq axes de leur programme

Face à la crise énergétique, renégocier le plafond de protection.

Créer une académie diplômante qui nous permettra de trouver des salariés formés et compétitifs et de leur donner des perspectives de carrière.

Renégocier à 10 ans le mur des PGE.

Mobiliser les adhérents afin de négocier en position de force sur des sujets comme le titre-restaurant ou les mutuelles. C’est un moyen de reconstituer nos marges.

Pour une organisation plus démocratique du syndicat, redonnons la voix aux territoires.