Charcuterie : toujours une place à table

  • Temps de lecture : 5 min

Si la tendance est au flexitarisme, la charcuterie demeure bien présente dans les restaurants. Si le moment de l’apéritif et les propositions à partager restent l’essentiel de la consommation, certains produits permettent aux chefs de prendre la tangente et de la valoriser différemment à leur carte.

Charcuteries
Les trois terrines de la nouvelle gamme Côté Bistrot de Rougié (provençale aux poivrons et tomates mi-séchées, méditerranéenne aux olives noires, et rustique plus traditionnelle) misent sur une viande origine France et un coût portion maîtrisé pour séduire les restaurateurs. Crédit : DR.

Lorsque l’on envisage la charcuterie au restaurant, c’est évidemment la planche apéritive qui vient d’emblée à l’esprit. En effet, cette formule se taille la part du lion depuis des années, au point qu’elle a même donné lieu au premier concours du genre, en avril dernier, à l’occasion du salon Sandwich & Snack Show, à Paris (15e arrondissement). Encouragés par l’évolution des modes de consommation, entre buff ets aperitivo et décloisonnement des moments de consommation en snacking, ces instants restent définitivement des locomotives. « La restauration connaît de nombreux challenges, mais cela ouvre également de belles opportunités de consommation, constate les représentants d’Aoste Professionnel. Les produits d’origine française ou fabriqués en France sont des valeurs refuges, les consommateurs sont très ouverts aux cuisines étrangères et la notion d’expérience en restauration hors domicile sont des axes à saisir. L’enjeu majeur pour la restauration est donc d’être capable de répondre au triptyque praticité, expérience et prix, sans rogner sur la qualité des produits proposés aux clients. » Avec sa gamme, la marque balaye ainsi à 360° les diff érents temps de consommation et les types de restauration.

Montée en gamme

« On assiste depuis quelques années, à une déconsommation de la protéine animale. Quand les consommateurs en mangent, ils veulent plus de qualité, confirme Alexandre Hurtaud, directeur général France du fabricant de charcuteries italiennes Rovagnati. Le marché est segmenté en trois : pas cher, milieu de gamme et haut de gamme. Le milieu de gamme tend à disparaître car soit les professionnels cherchent du pas cher à cuire, soit ils souhaitent des produits à valoriser et vont sur le premium. Par ailleurs, une partie de la charcuterie traditionnelle française, comme le pâté ou les rillettes, perd 15 % par an. À l’inverse, certaines charcuteries venues d’ailleurs ont des croissances intéressantes, notamment parce qu’elles se prêtent mieux à la consommation en snacking et en apéritif. » La marque mise ainsi sur le très haut de gamme pour sa nouveauté 2023, le jambon cru Culatta Nostrana, une spécialité italienne élaborée uniquement dans des noix de jambon. « La maturation dans du vin blanc doux amène une texture particulièrement fondante et une douceur dans le goût. Il est affi né comme un jambon classique pendant une douzaine de mois, mais pas au-delà. Les noix de jambon étant de petite taille, un affinage trop long nuirait à la texture recherchée. »

Le produit, « qui s’exprime le mieux en chiffonnade », est donc taillé pour un service sur planche ou en entrée. Même positionnement pour la nouvelle proposition d’Aoste Professionnel, qui étoffe sa marque de charcuteries italiennes Fiorucci, et plus spécifiquement sa gamme de jambon Rostello. Un choix stratégique, qui va dans le sens de l’appétence toujours intacte des Français pour la gastronomie italienne. Un Rostello Porchetta rejoint ainsi le catalogue. Cette spécialité du centre de l’Italie, composée de poitrine de porc farcie, épicée puis cousue et ficelée à la main, et ensuite cuite et rôtie lentement. Cette charcuterie se positionne comme un ingrédient multi-usages. Il trouve en effet sa place en dégustation autant que pour agrémenter un plat. Un atout pour étayer sa carte.

Par ailleurs, les charcuteries fondent désormais leur attractivité sur leur renommée, les appellations, origines et les labels. Les spécialités italiennes et espagnoles, à l’instar du jambon de Parme, du Pata Negra ou de Cebo, sont devenues des arguments de vente. Les productions de niche sont également prisées, comme c’est le cas du jambon d’agneau de la marque Salt’n’Lamb, élaboré selon des méthodes traditionnelles dans la région de Teruel en Espagne, et lauréat du Prix de l’innovation au Sirha en janvier dernier. De son côté, Rougié souhaite accentuer sa présence sur le segment de la charcuterie. « Les restaurateurs ont besoin de marqueurs pour montrer qu’ils soignent leur offre, soulignent Benjamin Ranchou, chef de produits RHD viandes et terrines chez Rougié, et Delphine Lardeux, cheffe de produits du groupe. Mettre du canard, origine France, à la carte, c’est aller dans ce sens. »

La maison spécialisée dans les produits à base de canard sort une nouvelle gamme de terrines, baptisée Côté bistrot, bien sous tous rapports : sans conservateurs, sans nitrites, sans alcool. La marque a d’ailleurs entamé une refonte globale de sa gamme de terrines existantes. « Nous supprimons les ingrédients qui ne font plus sens, notamment pour abaisser les taux de sel, de sucre, tendre vers la suppression des allergènes et diminuer les additifs. Nos produits sont déjà mieux-disants par rapport à la réglementation, mais nous voulons faire mieux. » La gamme rénovée sera présentée au premier semestre 2024. D’ailleurs, de plus en plus de marques s’engagent à cette remise en question des recettes. Rovagnati a ainsi relancé sa gamme de pièces entières sans nitrites, dédiée aux professionnels, après avoir constaté une hausse significative des demandes en France.

Des produits solutions

Quel que soit l’usage qu’ils en font, les restaurateurs apprécient la charcuterie pour son côté prêt à l’emploi. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre et d’augmentation des coûts, la notion de produits « solution » est désormais un Graal sur lequel les marques s’investissent beaucoup. « Pour 2024 et les années à venir, nous sommes en train de travailler sur des produits encore plus axés “service”, exposent les équipes de Aoste Professionnel. L’idée n’est pas de rogner sur la qualité, qui reste une attente forte de nos clients professionnels et une des valeurs clés de la marque, mais de les accompagner au mieux dans la maîtrise de leur coût portion, en insistant sur la notion de “solutions”. Des innovations devraient être lancées en ce sens en avril 2024. »

Pour sa gamme de terrines de canard, Rougié a également considéré ce point. « Nous voulions proposer un produit prêt à l’emploi avec un angle prix très travaillé, à 1 € la tranche en coût de revient, précise Benjamin Ranchou. C’est un produit facile à valoriser en modulant la marge selon le coefficient des autres plats. On peut le servir sur des planches apéritives, mais aussi en entrée, autour de six ou huit euros. » De son côté, le jambon Culatta Nostrana de Rovagnati répond également à cette prérogative.

« Le fait de le travailler en noix occasionne peu de perte sur les 5 kg du jambon. On peut facilement réaliser des tranches ovales pour des dressages, en rosace par exemple », souligne Alexandre Hurtaud. En outre, l’évolution des habitudes de consommation pousse les fabricants à envisager des usages nouveaux pour leurs produits. La charcuterie est, par exemple, peu utilisée par la haute gastronomie. « On la trouve de plus en plus en bistronomie, en touche finale sur un plat ou pour amener un peu de sel ou de gras, qui sont des exhausteurs de goût. Cela ouvre un profil de débouchés différent », souligne le représentant de Rovagnati. La conquête de nouveaux publics est aussi un fil à tirer, notamment à travers des produits sans porc ou moins gras, comme la bresaola pour laquelle la marque enregistre de forte progression depuis deux ans. De même que pour les produits à base de truffe, dont la tendance semble s’ancrer dans les habitudes de consommation, avec une dimension inattendue qui rejoint l’envie d’expérience chez les consommateurs. En faisant ainsi évoluer son approche, le monde de la charcuterie préserve son avenir en restauration hors domicile.

PARTAGER