Substitut végétal : plus vrai que nature

  • Temps de lecture : 6 min

Steak, bacon, aiguillettes de poulet, thon en boîte… Ces produits habituellement d’origine animale existent désormais en version végétale. Proches en goût et en aspect, ils permettent de proposer facilement des plats 100 % végétaux et répondre à une demande grandissante des clients, celle de réduire les protéines animales.

substituts-vegetaux
La marque La Vie a mis au point du bacon et des lardons végétaux, reproduisant le gras animal. Crédits : La Vie.

À première vue, cela ressemble à du bacon de porc classique. Même couleur, même aspect. Mais lorsque l’on regarde la composition, le constat est sans appel : le produit ne contient aucune protéine animale. « C’est véritablement bluffant et c’est bon, même les viandards aiment ce bacon végétal », lance Isabelle Yung, dirigeante de l’enseigne de burgers Hank. Elle précise même qu’il s’agit d’une des meilleures ventes de sa chaîne de restaurants, présente à Paris, Lyon et Lille. « Nous ne voulons pas offrir des produits moins bons que la viande, il faut qu’ils soient tout aussi gourmands », affirme de son côté Thomas Hug de Larauze, responsable du food service à La vie, la marque qui a mis au point ce bacon végétal.

Pour présenter une expérience organoleptique similaire à celle du bacon de porc, l’entreprise a même réussi à reproduire le gras animal, grâce à une recette brevetée à base d’huile de tournesol. Résultat : la tranche crépite bien et devient croustillante. Ce bacon végétal n’est pas seul sur le marché des similis carnés (qui imitent la viande). À base de protéines de pois, de soja ou encore de lentilles, les produits recréant fidèlement l’aspect de la viande ou du poisson fleurissent. D’ailleurs, le marché du traiteur végétal se porte bien en France, avec un chiffre d’affaires de 92,2M€. Au sein de ce marché, celui des similis carnés est passé de 40,80M€ à 44,80M€ entre 2020 et 2021. Même succès ailleurs, puisque dans le monde, la viande végétale pèse quelque 6,6Md$. Selon les indicateurs, elle devrait croître de 15% par an pour atteindre 74Md en 2030, soit 5% du marché de la viande.

Les industriels rivalisent d’inventivité pour trouver des solutions toujours plus proches de la viande. « Pour notre recette de burger, nous utilisons un jus de betterave et un de grenade concentré, qui vont apporter ce côté rouge de la viande », indique Charlotte Ponti, directrice marketing de UFC pro food Garden Gourmet. La marque, qui commercialise de nombreuses alternatives végétales, a par ailleurs lancé une innovation unique en France : le vuna, un substitut aux boîtes de thon classiques. Pour HappyVore, qui dispose de 12 références de similis carnés (steaks, nuggets, aiguillettes, merguez, etc.), la clé de la réussite reste le goût. « Neuf fois dix, une fois que les personnes ont goûté nos produits, les a priori sont levés », assure Clothilde Beaume, responsable restauration hors domicile de la marque. « Si vous servez nos nuggets végétaux en apéritif, cela va mettre tout le monde d’accord », ajoute-t-elle.

L’avantage de ces produits, qui peuvent toujours porter des dénominations bouchères, est qu’ils sont connus des clients, comme des cuisiniers. « Ils se préparent et se cuisent de la même façon que la viande, le chef n’a pas besoin de réinventer toute sa carte, il peut juste remplacer la protéine animale par un de nos produits et les clients sont rassurés, car ils connaissent ces appellations », commente Charlotte Ponti de Garden Gourmet. Même son de cloche du côté de La Vie. « Nos lardons et notre bacon végétal se préparent exactement de la même façon que ceux d’origine animale, sauf qu’ils contiennent cinq fois moins de graisse saturée que le porc et 33% moins de calories », souligne Thomas Hug de Larauze. Dans un contexte de manque de personnel, les restaurateurs ont également besoin de solutions faciles à remettre en oeuvre. « L’idée est de proposer des produits qui sont bons, mais qui ne demandent pas forcément une grande technicité et peu de temps d’exécution, un côté aide culinaire prête à l’emploi », note Vincent Wattelamne, responsable des conseillers culinaires d’Unilever Food Solutions, qui a acheté la marque Le Boucher végétarien.

En outre, les marques proposent également d’accompagner les cuisiniers. À l’instar de la start-up Heura, qui collabore avec le chef Clément Werbrouck pour mettre au point des recettes gourmandes et originales. « L’idée est de sortir du burger et d’aller plus loin, avec une recette de tikka masala végétal par exemple », dévoile Lola Simonnet, porte-parole d’Heura en France. Les marques, notamment HappyVore et La Vie, misent également sur d’importantes campagnes de publicité afin d’être bien connues du grand public. « Nous pouvons donc communiquer sur nos produits dans les établissements, comme nous l’avons déjà fait, les gens nous connaissent bien et d’ailleurs nous référençons sur notre site les restaurants qui utilisent La Vie », détaille Thomas Hug de Larauze.

Un véritable marché

Le temps où les produits sans protéines animales ne concernaient que les quelques personnes végétariennes (environ 3% de la population) est révolu. Dorénavant, même les non-végétariens tendent vers une consommation limitée à la viande et au poisson. En effet, près d’un Français sur deux se déclare flexitarien, ce qui signifie qu’il désire réduire les protéines animales dans son alimentation. Les raisons sont parfois environnementales, puisque l’élevage serait responsable de 14,5% des émissions de gaz à effet de serre, ou parfois cela concerne le bien-être animal. Mais c’est la santé qui serait le principal moteur de la réduction de la consommation de viande. « La viande divise également pour des raisons religieuses, donc notre but est de rassembler tout le monde à la même table », mentionne Thomas Hug de Larauze.

Opter pour des similis carnés permet de répondre à de nombreux régimes alimentaires, et donc de ne pas perdre une réservation pour une famille de huit personnes, si l’une d’entre elles ne souhaite pas manger de viande ou de poisson. Pour continuer à séduire les consommateurs, les restaurateurs ont donc tout intérêt à proposer un ou plusieurs plats végétariens à la carte. « Cela va rapporter du chiffre d’affaires supplémentaire et sur les plateformes de livraison, les restaurants proposant au moins un plat végétarien », note Clothilde Beaume d’HappyVore. Le jeu peut en effectivement valoir la chandelle, puisque la croissance des réservations des restaurants est multipliée par 10 quand ils ont un plat végétarien à la carte, selon The Fork. « Je suis moi-même un grand amateur de viande rouge, mais je dois avouer que j’en mange de moins en moins », commente Vincent Wattelamne d’Unilever.

Reste l’argument des coûts, car pour le moment ces alternatives restent plus onéreuses que la viande et le poisson. « Oui, c’est un peu plus cher, mais pas forcément beaucoup plus cher, et à moyen terme, cela sera moins cher », assure Thomas Hug de Larauze. Il s’agit pour la filière de faire quelques économies d’échelle pour rendre ces substituts plus accessibles.
C’est d’ailleurs pour cette raison que HappyVore a repris une ancienne usine de Labeyrie Fine Food à Chevilly (45). D’une superficie de 4 500m² et avec une production de 10.000 tonnes, l’usine prévoit d’embaucher jusqu’à 100 personnes d’ici à la fin de 2024. « Avec cette production, nous souhaitons réduire les coûts », confie Clothilde Beaume. Pour Vincent Wattelamne, la différence de prix tend actuellement à se réduire, au vu de la conjoncture. « Aujourd’hui avec les hausses, le prix de la viande a explosé, donc financièrement c’est intéressant et parfois moins cher d’utiliser les substituts végétaux », conclut-il.

PARTAGER