Y a t-il plus de contaminations au restaurant ?
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Les restaurants sont-ils des lieux plus à risque pour la transmission de la covid-19 ? La question, plus que légitime dans le contexte actuel, divise fortement. Si les études actuelles semblent affirmer son caractère propagateur, elles comportent des biais qui invitent à prendre les résultats avec prudence.
Les études scientifiques sur les bars et restaurants ont été menées tardivement. Pendant de nombreuses semaines, une seule enquête réalisée par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies américain (CDC) appuyait les mesures de fermeture mises en place par le gouvernement. Réalisée aux États-Unis et publiée début septembre, elle ne prenait pas en compte les habitudes de sorties et l’instauration des gestes barrières dans l’Hexagone. Les professionnels de la restauration avaient alors déconsidéré les résultats du CDC. Quelques mois plus tard, une nouvelle étude américaine avait accrédité la fermeture des restaurants. La revue scientifique, Nature, a en effet publié en novembre une vaste enquête. Les chercheurs de l’Université de Stanford ont analysé les déplacements de 98 millions de personnes à partir des données de leurs téléphones au sein de dix grandes villes américaines. Selon l’étude, les hôtels ainsi que les salles de sport et les restaurants sont les lieux recevant du public où le risque de contamination est le plus important.
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D’après les chercheurs américains, les restaurants présentent un risque quatre fois supérieur que les salles de sport ou encore les cafés. Les auteurs constatent que c’est avant tout le taux et le temps passé dans ces établissements qui augmentent le risque d’infection. Et, lorsque la ville de Chicago a rouvert ses restaurants après le premier confinement sans mesures restrictives, la métropole aurait enregistré 600 000 nouveaux cas selon les calculs des auteurs de l’étude américaine. « Bien sûr qu’on se contamine dans les restaurants, on enlève les masques, on parle, on augmente les risques, c’est évident, il n’y a même pas de discussion », estime l’épidémiologiste et biostatisticienne Catherine Hill au journal Le Monde. Mais là aussi, la revue scientifique ne prend pas en compte le protocole sanitaire français puisque l’étude se déroule aux États-Unis.
Des lieux à haut risque de contamination
Il a fallu attendre décembre pour que la première étude française réalisée par l’institut Pasteur sur les lieux de contamination soit publiée. La fondation française, en étroite collaboration avec l’Assurance maladie et son contact tracing, a identifié les principaux endroits où ont été infectés plus de 25 000 personnes à la fin octobre. L’enquête souligne le risque élevé d’infection à la covid-19 dans les bars et restaurants. Cette dernière insiste également sur le rôle des contaminations au sein des foyers. Selon elle, les réunions privées et la fréquentation des bars et des restaurants ont été responsables de la plus grande part des infections : 19 % et 12 % respectivement. Le retrait du masque, consécutif à la prise de repas, ainsi que le brassage important de populations font des restaurants des lieux à haut risque de contamination. « On voit dans cette étude une augmentation du risque associée à la fréquentation des bars et restaurants », explique le directeur de ces travaux à l’AFP, Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur et membre du conseil scientifique.
Plus largement, ce sont les repas qui « jouent un rôle central dans ces contaminations, que ce soit en milieu familial, amical ou à moindre degré professionnel » selon l’étude. « L’ensemble montre que c’est un lieu (les restaurants) à risques, en revanche, l’ampleur du risque doit être réévaluée dans des conditions d’ouverture beaucoup plus classiques » nuance le directeur des travaux. L’étude a en effet été conduite pendant « la période de couvre-feu et de confinement ». Il rappelle que les résultats doivent être interprétés avec prudence car il est difficile de savoir « quelle est la part réelle des restaurants et des bars » dans la transmission du virus, selon Arnaud Fontanet. L’étude a été menée pendant une période où les établissements ont été partiellement ou totalement fermés.
Les résultats de l’Institut Pasteur ont été fustigés par les organisations professionnelles. Le GNC, le GNI, l’Umih et le SNRTC ont dénoncé, dans un communiqué de presse commun, « l’absence de preuves scientifiques justifiant la fermeture des restaurants et des bars ». Par ailleurs, une analyse des chiffres de l’Institut néerlandais de la santé publique et de l’environnement (RIVM), réalisée par le ministère de l’Économie et du Climat néerlandais, suggère que l’ouverture des CHR réduirait plutôt que n’augmenterait le nombre de contaminations à la Covid-19. L’étude s’est appuyée sur le taux de reproduction du virus aux Pays-Bas, légèrement plus élevé pendant la période de fermeture des CHR, pointant du doigt les réunions amicales et familiales au domicile. L’institut préconise « la réouverture de l’environnement contrôlé des établissements horeca [CHR] » estimant que cela « réduira considérablement les visites à domicile à risque ». Selon elle, la maîtrise des gestes barrières et des règles sanitaires jouent en faveur de ces établissements.