Calculer son bilan carbone

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Combien de tonnes de Co2 rejette un restaurant chaque année ? Pour obtenir ce chiffre, différents outils sont mis à disposition des restaurateurs. Grâce à cette donnée, ils peuvent ensuite mettre en place des leviers d’action pour des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Explication.

assiette en cuisine
Dans le bilan carbone, l'approvisionnement des produits alimentaires pèse lourd. Crédit : DR.

Ce n’est pas une surprise, l’alimentation joue un rôle majeur dans notre empreinte carbone. Alors que chaque Français rejette en moyenne 8,9 tonnes équivalent CO2 par an, 2,1 tonnes correspondent à ce que nous mangeons. Sur cette dernière donnée, la restauration hors domicile pèse pour 14,6 % [voir schéma page suivante]. En outre, l’alimentation représente 22 % de l’empreinte carbone de notre consommation totale, ce qui en fait le troisième poste le plus émetteur de gaz à effet de serre, après les transports (30 %) et le logement (23 %).

De plus, le secteur touristique est une industrie particulièrement énergivore, qui concentre à elle seule 11 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) total, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe). Elle précise également que les hébergements et les restaurants en France représentent 13 % des émissions des GES. Si ces taux sont connus, c’est grâce à un calcul élaboré par l’Ademe : le bilan carbone (voir encadré de la page suivante).

Celui-ci permet de comprendre et analyser l’activité des particuliers, des entreprises, des collectivités et des administrations, en faisant un état des lieux des émissions de gaz à effet de serre. Encore peu de restaurants font le calcul de leur empreinte carbone, cela peut représenter un atout intéressant dans une logique d’écoresponsabilité. « En calculant ce chiffre, les restaurants comprennent mieux ce qu’ils consomment et pourront donc agir en conséquence », abonde Ludovic Poyau, président commission développement durable de l’Umih et gérant de l’Auberge du Cheval Blanc, à Selles-Saint-Denis (41).

Marquer son engagement

Actuellement, seules les grandes entreprises (plus de 500 salariés) sont concernées par une obligation du calcul. Mais ce chiffre va baisser à 250 dès 2024. « Ce n’est bien sûr pas obligatoire, mais mon rôle est de donner des outils à nos adhérents pour faciliter la connaissance de son empreinte carbone », mentionne Ludovic Poyau. Ainsi, l’Umih a mis en place des partenariats avec le label Écotable, ainsi que Clorofil. Ce dernier, avec son calculateur intégré, propose aux professionnels de l’hôtellerie et de la restauration de mesurer gratuitement leurs émissions de GES.

La plateforme a été développée en partenariat avec ClimateSeed, expert de la mesure et de la réduction de CO2, selon la méthode bilan carbone de l’Ademe. Elle permet de comptabiliser l’ensemble des émissions — directes et indirectes — émises par l’établissement sur cinq grandes catégories : l’énergie, les achats, les déchets, les prestations liées à l’hôtellerie-restauration, la mobilité. Une fois l’empreinte carbone mesurée, l’utilisateur peut souscrire une offre (à partir de 75 € HT/mois ou 800 € HT/an) pour piloter ses émissions de GES depuis son espace client.

D’autres solutions existent, à l’instar de Greenly, qui propose un calcul annuel à partir de 1 950 € par an. « C’est aussi intéressant pour les restaurateurs d’engager ses fournisseurs à faire le calcul, car 90 % des émissions viennent d’eux », mentionne Nathan Gouin, chargé de clientèle et des partenariats de la start-up. Pour lui, faire ce calcul permet à la fois de valoriser son engagement auprès des clients, avoir des chiffres permettant de lever des fonds, mais aussi et surtout, mettre en place un plan d’actions pour tenter de la réduire.

Une démarche globale

Il y a trois ans, l’association Slow Food, qui défend des pratiques alimentaires vertueuses, notamment dans la restauration, a calculé l’empreinte carbone des Résistants. Ce restaurant du 10e arrondissement parisien est particulièrement engagé en faveur de l’environnement. Avec un cabinet spécialisé, l’association a fait la comparaison de cet établissement avec des restaurants classiques ayant une fréquentation équivalente. Résultat : Les Résistants rejettent annuellement 67,34 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions d’une voiture parcourant 187 064 km. Cela représente 2,24 kg de CO2.

À fréquentation égale (30 000 repas/an), un restaurant traditionnel qui proposerait un menu identique unique, mais aurait recours à des distributeurs conventionnels, rejette deux fois plus d’émissions carbone (134 tonnes de CO2). Enfin, un restaurant se fournissant de manière classique qui ne fait pas d’efforts en matière de gestion des déchets et de la nourriture, qui propose des menus différents essentiellement basés sur la viande et les produits laitiers, présente quant à lui un impact carbone 4,5 fois supérieur aux Résistants (301 tonnes de CO2). « Nous étions étonnés du résultat, car même un restaurant très engagé a un bilan carbone important », souligne toutefois Armelle de Saint-Sauveur, coprésidente de Slow Food Paris Terroirs du Monde.

Pour Florent Piard, fondateur et dirigeant du lieu, si ce chiffre est intéressant, il ne reflète pas assez la réalité de son engagement. « La conclusion était éloquente, mais pas assez, finalement nous nous rendons compte qu’acheter local, mais de mauvaises qualités a plus d’impact carbone que d’acheter bio venant de l’autre bout de la planète », indique-t-il. Il estime que le bilan carbone ne suffit pas. Les engagements sociaux du restaurant, notamment en termes de salaires et de gestion des équipes, ne sont pas pris en compte. « C’est quand même intéressant de réaliser à quel point toutes nos actions ont un impact sur l’environnement », glisse-t-il. Il enjoint ainsi tous les restaurateurs, ainsi que les fournisseurs à s’y pencher, afin que l’ensemble du secteur marque son engagement.

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