Boissons chaudes : une tendance pérenne

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Grâce à l’essor des coffee shops en France, les boissons gourmandes sont devenues familières des consommateurs.

Boissons chaudes. Crédit photos : Cafés Folliet
Boissons chaudes. Crédit photos : Cafés Folliet

Grâce à l’essor des coffee shops en France depuis plusieurs années, les boissons gourmandes sont devenues familières des consommateurs et sont plébiscitées par les jeunes générations. Peu à peu, les restaurateurs s’ouvrent à cette offre, qui leur permet de réaliser des marges intéressantes. L’image d’une personne se promenant dans la rue avec un gobelet de boisson chaude à la main n’est plus seulement liée aux films américains. Les coffee shops – en tête desquels l’enseigne Starbucks – se sont installés en France depuis quelques années déjà, apportant dans leurs bagages les boissons gourmandes. Celles-ci correspondent aux cafés, chocolats chauds et thés revisités, souvent aromatisés. « L’idée est de ramener de la gourmandise et de l’originalité à des boissons qui sont un peu plus conventionnelles », spécifie Antoine Benoist, responsable marketing chez Cafés Folliet, torréfacteur fondé en 1880 à Chambéry (73).

Il donne l’exemple de l’ajout de sirops, d’aromatiques ou encore de topping. « Nous sortons finalement du chocolat chaud classique pour travailler une recette plus gourmande et agréable », ajoute-t-il. Nicolas Nouchi, responsable des études chez CHD Expert, estime à un peu plus de 500 le nombre de coffee shops en France. « Ils représentent des volumes d’activité assez forts. Ils sont complétés avec tous les corners de boissons chaudes qui se sont développés au fil du temps, comme les McCafé, et par tous les espaces café qui ont insisté sur la boisson chaude et les recettes gourmandes », souligne-t-il, afin de montrer le développement de ce produit de consommation. « Une tendance mondiale boostée par la génération Z et les millénials », tient à préciser le représentant de l’entreprise spécialisée dans les données. En effet, les jeunes générations, souvent adeptes du sucre, élément caractéristique des boissons gourmandes, sont une cible principale. L’aspect plaisir qui y est associé attire également, tout comme la diversification possible, aussi bien en matière de personnalisation des boissons gourmandes qu’en accompagnement avec des parts de cake, des pâtisseries telles que des cookies ou des muffins. « Ce n’est pas la consommation de demain, il s’agit bel et bien de celle d’aujourd’hui », observe enfin Nicolas Nouchi.

De son côté, Antoine Benoist constate l’évolution aux Cafés Folliet en à peine une année : « Nos ventes augmentent sur les gammes de sirop et de topping depuis un an. Ce sont des produits que nous ne vendions pas il y a cinq ans. » Même son de cloche aux Cafés Richard, pour lesquels les éléments pour boissons gourmandes sont devenus des incontournables. « Jusqu’à présent, les meilleures ventes correspondaient aux cafés et aux thés à infusion. Depuis l’année dernière, la deuxième catégorie est celle des boissons gourmandes », livre Claire David, cheffe de produit marketing chez le torréfacteur créé en 1892.

Pas une révolution

Néanmoins, cette offre ne représente pas dans l’Hexagone un raz de marée. Bernard Boutboul, président de Gira Conseil, spécialisé dans les études de marché pour la restauration hors domicile, tient à relativiser le phénomène. « Ce n’est pas non plus une révolution ni un boom parce que c’est très sectorisé. Nous ne pouvons pas dire que la majorité des Français se rue sur les boissons gourmandes », estime-t-il ainsi, avant d’établir un constat : « Aujourd’hui, le café espresso est largement majoritaire par rapport aux boissons gourmandes. » Il est en effet important de rappeler que la cible, bien que jeune, englobe avant tout une population urbaine, issue des principales agglomérations françaises.

Une pensée partagée par Antoine Benoist pour qui le marché français reste naissant par rapport à celui anglo-saxon, et ce d’autant plus s’agissant des CHR hors coffee shops. « Dans les bars et les brasseries, nous essuyons un retard pour répondre à ces nouvelles tendances de consommation », commente-t-il, saluant toutefois une évolution et une ouverture vers la nouvelle offre : « Ce sont des éléments que le CHR traditionnel ne proposait pas jusqu’à maintenant. Cela tend à bouger parce que la demande existe. »

Plus de créneaux de consommation

La tendance des boissons gourmandes, bien qu’à ce jour encore émergente, tend à se pérenniser sur le marché français. « Il s’agit d’une demande naissante, mais qui va grimper de plus en plus parce que la notion de plaisir en hors domicile y tient une bonne place », confirme Bernard Boutboul. Nicolas Nouchi annonce quant à lui une démocratisation accrue de ces boissons qui peuvent se retrouver dans plusieurs typologies de points de vente, notamment les CHR traditionnels ou encore les boulangeries. « Évidemment, le coffee shop restera le lieu emblématique, mais il ne sera plus seul », note ce dernier. De plus, la cible même des boissons gourmandes plaide pour une tendance qui va s’inscrire dans la durée, au-delà de la simple mode passagère. Le fondateur de Gira Conseil propose une logique implacable et mathématique : « 90 % des consommateurs de boissons gourmandes ont un âge inférieur à 30-35 ans. Un quadragénaire ou quinquagénaire ne sait pas forcément que ce type de boisson existe, et si jamais il le sait, il n’en constitue pas un fidèle consommateur. Ce sont les moins de 30 ans qui en sont très accros. Nous parlons des moins de 30 ans mais la génération qui est derrière, la génération Z, ceux nés après 1995, est encore plus fan de boissons gourmandes. Donc c’est évident, cela va augmenter avec eux. »

Il n’y aura donc plus de séparation générationnelle mais une simple dichotomie fondée sur le goût,
preuve de l’entrée du produit dans les habitudes alimentaires des Français. « Nous ne serons plus dans une dynamique de mœurs qui fait qu’il y a une génération qui a été éduquée avec et une généra-
tion sans. Nous croiserons toutes les générations. Nous entrerons ainsi dans une dynamique qui consistera à dire qu’il y a des gens qui aiment et d’autres qui n’aiment pas
», avance Nicolas Nouchi. Il est donc judicieux, et même indispensable, pour un professionnel des CHR de miser dessus et de proposer à sa carte quelques références pour rajeunir sa clientèle.

Un choix d’autant plus crucial que les CHR traditionnels peinent à attirer les jeunes générations. « Ils souffrent de la disparition progressive de leur clientèle traditionnelle. Faire venir ce type de public est donc intéressant », estime Jean Aymes, directeur marketing et communication de Monbana, spécialisé dans le chocolat en poudre. Toutefois, il ne s’agit pas du seul argument en faveur de l’adoption des boissons gourmandes sur sa carte. En effet, elles permettent aussi de développer de nouveaux moments de consommation, propres à ces produits. Des instants qui correspondent à la fin de matinée et surtout dans l’après-midi à l’heure du goûter. Ainsi, les plages horaires de « non activité » peuvent être comblées, ce qui offrira une meilleure rentabilité à l’établissement.

Cependant, le choix de présenter des boissons gourmandes doit être effectué en adéquation avec l’offre générale du CHR. « C’est évident que si mon fer de lance est de pousser sur une offre qui va de l’happy hour à la nuit, les boissons gourmandes n’ont aucune pertinence. En revanche, si j’ai envie de me positionner sur les autres instants avant l’happy hour, cela semble indispensable », rappelle par ailleurs Nicolas Nouchi. Celui-ci envisage aussi cette nouvelle offre comme une « opportunité de se spécialiser, tout comme les restaurants assis ont compris qu’il fallait avoir au moins un Spritz, un mojito et un moscow mule à la carte », et donc de développer des activités complémentaires.

Une possibilité que le responsable des études chez CHD Expert met en corrélation avec le gain financier : « Cela semble une obligation puisque quand on est dans une activité qui est celle de la restauration et de la boisson en même temps, nous savons très bien que les coefficients de marge se situent au niveau de la boisson. »

Des produits rentables

Une situation d’autant plus vraie que les boissons gourmandes permettent une marge plus importante qu’avec des boissons classiques comme un café, grâce à leur prix de vente bien plus élevé, et offrent in fine un chiffre d’affaires plus conséquent. « Un café est vendu autour de 2 €, tandis qu’une boisson gourmande, comme un cappuccino aromatisé, peut être vendue jusqu’à 5,50 €. Cela permet vraiment de générer de la valeur et d’augmenter la rentabilité au niveau de leurs boissons chaudes », confirme Claire David des Cafés Richard, en indiquant que par cette nouvelle proposition, les CHR traditionnels peuvent s’aligner sur leurs concurrents que sont les coffee shops. Une manière de ne pas leur laisser la main sur un marché en plein essor. Tout comme ces derniers, les CHR traditionnels peuvent en outre opter pour la diversification et les ventes additionnelles.

Une pâtisserie ou une préparation salée en complément d’une boisson gourmande augmente ainsi le ticket moyen. Enfin, opter pour des références de boisson gourmande permet de miser sur les réseaux sociaux, via les plus jeunes. Propices à être pris en photo, ces produits peuvent également valoriser l’établissement. Les fournisseurs ne s’y trompent d’ailleurs pas. Raison pour laquelle ils encouragent leurs clients CHR à opter pour ce type d’offre. « Les CHR traditionnels se mettent aux boissons gourmandes parce que les torréfacteurs, qui sont leurs fournisseurs, les forment et les encouragent de plus en plus à s’intégrer dans cette dynamique », abonde Nicolas Nouchi.

Cet accompagnement se matérialise par la fourniture de recettes et de cartes mentionnant l’offre en boissons gourmandes. Les Cafés Folliet vendent par exemple le kit latte, contenant notamment des bouteilles de sirop et de toppings, des brocs en inox, des cartes pour les tables ainsi qu’un livret d’accompagnement (95,65 € HT). L’objectif est « de montrer aux CHR qu’une boisson gourmande est facile à réaliser », explique Antoine Benoist, qui ajoute que leurs équipes commerciales ont été formées à ce type de boissons. Monbana, qui a choisi de ne pas disposer d’une offre trop large de chocolats en poudre, préfère être dans la « suggestion d’utilisation de [leurs] produits ». Il les vend et donne quelques
conseils pour les utiliser. Les Cafés Richard, quant à eux, forment leurs clients dans leur académie et mettent à leur disposition des publicités « pour valoriser le fait qu’ils font des boissons gourmandes dans leur établissement ».

Segafredo, pour sa part, dispose d’une équipe de baristas présents dans toute la France et capables de suggérer des boissons adaptées à l’établissement en question. « Nous avons également une demande de personnalisation, ainsi que des baristas qui peuvent aider l’établissement à créer sa propre recette en utilisant les ingrédients qu’il possède », détaille Luca Casadei, double champion de France barista et brand ambassador de Segafredo. Les fournisseurs essaient enfin de répondre aux tendances existantes au sein des boissons gourmandes.

Les Cafés Richard ont ainsi lancé en septembre 2022 un chocolat chaud bio équitable, pour correspondre à l’engouement pour les produit labellisés. Claire David cite par ailleurs le végétal comme une tendance forte en ce moment : « Nous cherchons donc des pistes de boissons gourmandes végétales pour répondre à ce besoin du marché qui est de plus en plus croissant. » Mais quid du bio qui est particulièrement sollicité par les jeunes générations, sensibilisées au développement durable et au respect de la planète ? « Elle ne fait pas l’objet d’une demande régulière côté boissons gourmandes. Nous sommes sur deux aspects différents. Ils ne se combinent pas encore très bien », répond Antoine Benoist, des Cafés Folliet.

De son côté, Luca Casadei, brand ambassador de Segafredo, pense que le marché des boissons gourmandes n’est pas prêt pour le bio : « Le bio est plus présent dans la boisson pure, style espresso et café filtre. » Une réalité qui résume finalement bien l’attrait du produit : une boisson gourmande dégustée pour le plaisir et le réconfort qu’elle procure.

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