Covid : vers une levée des mesures sanitaires
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Malgré la flambée des contaminations, le Gouvernement a décidé d’assouplir rapidement les règles sanitaires en deux temps : le 2 et le 16 février. Le télétravail contraint vit ses derniers jours ; dans moins de trois semaines, les discothèques rouvriront leurs portes et il sera de nouveau possible de consommer debout dans les bars.
Le 20 janvier, le Premier ministre, Jean Castex, a créé la surprise en annonçant un allègement des mesures sanitaires Covid. D’abord, dès le 2 février, les jauges disparaîtront dans les lieux recevant du public. Autrement dit, les événements, salons, rencontres sportives pourront se dérouler presque normalement. Ensuite, le port du masque ne sera plus obligatoire dans les villes comme Paris où un arrêté préfectoral a instauré cette obligation. Mais surtout, le télétravail ne sera plus imposé. Il sera laissé à l’appréciation des entreprises.
Cette décision gouvernementale prise le 3 janvier a largement contribué à vider les bars et les restaurants de leurs clients. Les mesures sanitaires ont engendré pour les professionnels des pertes supérieures aux baisses de chiffre d’affaires de 30 %, annoncées par les syndicats patronaux sur la fin de 2021. Récemment, un restaurateur du 2e arrondissement déplorait une division par trois du nombre de clients en janvier. Il estimait qu’il allait voir flamber 25.000 € de trésorerie dans le mois. Même si de nouvelles aides Covid ont été décrétées, elles ne compenseront pas ce creux historique ressenti en début d’année.
Discothèques rouvertes, mesures sanitaires en baisse
Dès le 16 février, une nouvelle vague d’assouplissements entrera en vigueur. Ainsi, les discothèques pourront à nouveau ouvrir leurs portes après les avoir fermées plus de deux mois. Même si on ne sait pas dans quelles conditions cette réouverture s’exercera, c’est une bonne nouvelle pour la profession. Cette dernière aura été profondément déstabilisée par cette crise sanitaire. À la mi-février, après 23 mois de pandémie, elle aura connu 18 mois de fermeture forcée.
D’ailleurs, dans une déclaration à l’AFP, Thierry Fontaine, président de la branche nuit de l’Umih a déclaré : « La profession est hypersoulagée… Enfin, des mesures qui tiennent la route : il y a une cohérence, nous nous sentons enfin respectés, écoutés. »
Le 16 février, la consommation dans les transports, les cinémas et les stades sera à nouveau permise. Debout, dans la salle ou au comptoir, elle deviendra à nouveau possible dans les bars et brasseries. On reviendrait alors à des conditions comparables à celles qui prévalaient au début de décembre 2021.
Cette réouverture est assez inattendue au regard de l’évolution de la pandémie. Le 19 janvier, la veille de la déclaration de Jean Castex, le nombre de contaminations quotidiennes battait un record en franchissant la barre des 400.000. Mais visiblement, le Gouvernement estime que la donne a changé avec l’émergence d’Omicron.
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Même si le virus se propage rapidement, il est moins nocif que ceux qui l’avaient précédé et surtout la stratégie vaccinale permet de contenir l’engorgement des services hospitaliers. Dans ces conditions, l’exécutif souhaite accélérer le retour à la normale pour des raisons économiques, mais aussi pour permettre le bon déroulement de la campagne électorale, avec un premier tour de la présidentielle fixé au 10 avril. Il était temps, comme l’a souligné Jean Castex, de donner de « la visibilité ».
Rien n’est encore gagné face au Covid
La confirmation de la tenue du Salon de l’agriculture fin février, annoncée le 18 janvier, avait donné le ton. Était affichée la volonté de ne pas prolonger le blocage partiel de l’économie. Le Gouvernement s’est ainsi passé des recommandations du Conseil scientifique. La veille encore, il préconisait une prolongation des mesures en ces termes :
« Les projections suggèrent que le retentissement sur le système de soins pourrait être géré si et seulement si la réduction des contacts et la conservation des gestes barrières se poursuivaient durant les semaines qui viennent. »
Dans le même message, le Conseil sanitaire ne prévoyait pas d’accalmie avant la mi-mars. Le discours du Premier ministre laisse apparaître aux professionnels de l’hôtellerie des perspectives moins morose. Le constat est vrai également pour le secteur des sports d’hiver, très touché par une terrible année 2021, s. Il leur assure tout au moins un sauvetage des vacances de février. Pour autant, rien n’est gagné. Le virus nous a réservé depuis deux ans bien des surprises avec des retours et des mutations inattendues.
L’épouvantail du passe vaccinal
En outre, même si la situation s’éclaircit, il reste à redonner au public l’envie de se rendre dans les CHR. Le redémarrage des flux touristiques est aussi attendu avec impatience. La prise de mesures d’assouplissement des règles sanitaires encore plus spectaculaires en Grande-Bretagne, ainsi qu’en Espagne, laisse augurer un retour à la normale rapide du trafic international. Dans ce contexte, le passe vaccinal qui remplace le passe sanitaire depuis le 24 janvier va compliquer la vie des exploitants.
Mais les effets devraient toutefois rester marginaux sur la fréquentation, selon de nombreux professionnels. La nouvelle règle du jeu devrait tout au plus écarter ceux qui se contentaient de produire un test négatif récent. En réalité, le passe sanitaire avait déjà dissuadé une grande partie des non-vaccinés de fréquenter les bars et les restaurants.
Des effets bien réels sur la fréquentation
Contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit, l’entrée en vigueur de ce sésame le 21 juillet a eu des effets néfastes sur la fréquentation. Une récente enquête réalisée au sein de l’Association française des Maîtres restaurateurs (AFMR), menée auprès de 478 dirigeants de restaurants, révèle l’ampleur du malaise. En effet, 93,1 % de ses patrons estiment que le passe sanitaire a eu une incidence sur la baisse de fréquentation qu’ils fixent en moyenne à 46 % de perte d’activité par rapport à la période comparable de 2020.
Dans ces conditions, plus des deux tiers des sondés n’ont pas l’intention d’embaucher dans les prochains mois. Cette proportion a augmenté de 10 % en quatre mois, comme l’affirme Alain Fontaine président de l’AFMR : « C’est un signal d’alarme sur la confiance des professionnels dans leurs perspectives. Le sentiment dominant est que les conditions de travail de la restauration se dégradent et que le recrutement est un défi de plus en plus difficile à relever. L’augmentation du coût du travail ne peut pas être la seule solution aux difficultés des professionnels. »
« Enfin des mesures qui tiennent la route, nous nous sentons enfin respectés, écoutés. »
Le 16 février, c’est-à-dire dans trois semaines, le monde de l’hôtellerie-restauration entrera sans doute dans l’après-crise sanitaire. Ce sera un instant de soulagement intense pour les exploitants comme pour les clients. Mais c’est aussi le moment où sonnera l’heure de la confrontation avec la réalité. Il sera alors temps d’apprécier les séquelles économiques laissées aux entreprises et de voir si la reprise est bien au rendez-vous.
Aller plus loin
Le Gouvernement annonce de nouvelles aides
Depuis le Café de l’Opéra à Paris, propriété de la famille Taurinya, Jean Castex, accompagné d’Élisabeth Borne, ministre du Travail, et de Jean-Baptiste Lemoyne, ministre chargé du Tourisme, a annoncé des aides aux paiements des cotisations et des exonérations de charges pour certaines entreprises. Il est d’abord revenu sur les restrictions sanitaires en vigueur, qui ont un impact fort pour tous les CHR. « Ils ont été très fortement impactés par les mesures sanitaires […] Il continue d’être de notre responsabilité de prendre des mesures de protection pour nos concitoyens […] », a-t-il déclaré. Il a ainsi annoncé une aide aux paiements des cotisations salariales « pour les entreprises de moins de 250 salariés affectées par ces mesures qui ont perdu plus de 30 % de leur chiffre d’affaires en janvier et février » . Celle-ci sera allouée à hauteur de 20 % de la masse salariale. Des exonérations de charges patronales sont également prévues pour les établissements ayant enregistré une « perte de plus de 65 % de chiffre d’affaires en décembre et janvier ». Les traiteurs, l’événementiel et les agences de voyages sont également concernés par ces mesures. « C’est une question parfois de survie pour les entreprises », a affirmé le Premier ministre.