Fromages : une place de choix

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Si le fromage a tendance à quitter la fin de repas, il occupe toujours une place particulière dans l’alimentation des Français. Au petit déjeuner, en planche apéritive ou en plat principal, désormais il s’adapte à toutes les envies et à tous les moments de la journée.

Camembert
Le camembert n'est plus le fromage le plus vendu en France. Crédits : Adana Eisagholian / Unslaph.

Les Français aiment le fromage et y sont attachés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: 50% affirment en manger régulièrement et 89% en consomment au moins une fois par semaine tel quel. La population française est d’ailleurs un amateur averti de ce produit de terroir, puisque chaque personne connaît spontanément en moyenne 6,4 fromages. « Le geste de consommer du fromage est toujours fort, l’habitude reste« , assure Romain Le Texier, directeur des études du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel). Il précise toutefois qu’il s’agit d’un geste très générationnel, puisque les plus de 60 ans sont des consommateurs journaliers plus fréquents (23%) que les 18-25 ans (2%). « Nous constatons également un changement d’habitude dans les modes de consommation« , précise-t-il.

Alors qu’il s’agit historiquement de son moment de référence, le fromage tend à perdre sa place en fin de repas. En cause, la réduction du temps pour manger, notamment le midi, mais aussi de nouvelles envies de la part des consommateurs. « Nous observons un déplacement vers plus de culinarité, en témoignent les ventes de mozzarella en boule, qui est actuellement le fromage le plus vendu, avec les râpés« , ajoute-t-il. Le camembert, autrefois le fromage le plus vendu, est donc détrôné par la mozzarella. En 2020, les ventes de ce fromage typiquement normand ont en effet chuté de 11% par rapport à 2015, quand celles de la mozzarella ont bondi de 62%.

Depuis 2020, les pâtes fraîches salées et les fromages à consommer chaud sont les deux seules catégories à encore gagner des volumes, selon le Cniel. « La tendance peut encore évoluer, on observe maintenant que le camembert peut être servi rôti au four, en apéritif par exemple, cela plaît aux jeunes générations qui pourraient ainsi être poussées à le consommer cru plus tard« , pense Romain Le Texier. En restauration, la dynamique fast food et l’engouement pour des plats comme le burger permettent par ailleurs au fromage d’être encore très présent sur les cartes. D’ailleurs, les pizzérias, fast foods et sandwicheries, utilisent 60% plus de fromage (notamment fondu et frais fondu) que la restauration traditionnelle.

Nouvelles habitudes

Laëtitia Gaborit, Meilleur Ouvrier de France fromager, regrette de voir disparaître les plateaux de fromages dans la restauration traditionnelle. « Il est malheureusement trop peu servi, on ne le voit plus que dans des établissements haut de gamme« , glisse-t-elle. Pourtant, elle sait que l’intérêt pour le fromage existe toujours en France: « Pendant les buffets, par exemple, je vois que les gens se tournent très vite vers le fromage, et que jusqu’à la fin ils vont continuer à en manger. » Elle a toutefois pleinement conscience qu’il faut s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation, d’autant plus si elles permettent au fromage de tenir une place importante dans le quotidien des Français. « Les jeunes ont envie d’aller au restaurant pour des apéritifs ou des brunchs, et le fromage y a toute sa place, c’est la convivialité et le partage« , observe la MOF fromager.

Les planches, servies pendant le temps de l’afterwork sont d’ailleurs idéales pour les restaurateurs, puisqu’elles sont faciles à remettre en œuvre. Laëtitia Gaborit note en outre que le fromage peut être mieux apprécié à ce moment-là ou en début de repas, alors que le palais n’est pas saturé. « C’est aussi un moment idéal pour proposer des accords mets et boissons, avec des vins certes, mais aussi de la bière, ou du champagne, on dynamise ainsi les moments de dégustation du fromage« , assure-t-elle. Le produit lacté peut également se retrouver au cœur du repas, en entrée ou en plat principal: « Les chefs peuvent s’en approprier, proposer des plats cuisinés avec du fromage, en le réinterprétant, cela plaît beaucoup aux convives.« 

En fin de repas

Malgré cette dynamique de consommation au cours du repas, Laëtitia Gaborit invite les restaurateurs à continuer à le présenter en fin de repas, sa place traditionnelle. Bien consciente que le plateau de fromages représente une gestion et un coût pour les établissements, elle souligne que le servir comporte aussi des avantages. « Le plateau de fromages, c’est aussi mettre en avant le terroir, les producteurs locaux et leur savoir-faire, cela fait partie de notre patrimoine culturel« , souligne-t-elle. C’est également l’occasion de mettre en avant les métiers de salle, qui peuvent assurer la découpe devant les clients. « Il faut que les professionnels de la salle sachent bien le vendre, ils doivent connaître la provenance et valoriser les producteurs« , ajoute-t-elle.

Si la gestion d’un trop grand plateau de fromages n’est pas adaptée à l’établissement, Laëtitia Gaborit conseille de le proposer en assiette, afin de faciliter la gestion. « Après son plat principal et avant le dessert, le client peut l’oublier, donc il faut bien penser à lui proposer, en mettant en avant la sélection de fromages du chef« , avertit-elle. En ce qui concerne le contenu du plateau ou de l’assiette, la MOF conseille avant tout de respecter les saisons et de mélanger les types de fromages, pour plaire aux différents palais. En hiver, les longs affinages sont recherchés, quand en été c’est plutôt la fraîcheur, et donc des fromages plus jeunes. Présenter à la fois des produits « valeur sûre« , comme le comté, et des fromages plus atypiques, est aussi une bonne stratégie: « Les clients sont là pour découvrir, ils veulent manger des aliments qu’ils ne connaissent pas, mais en même temps il faut une valeur refuge qui les poussera à commander. »

Soumettre des accords avec de la confiture ou le servir avec une salade peut également plaire aux consommateurs. Le plateau n’a d’ailleurs pas à être immense, si la sélection est bien faite. De même pour l’assiette, quelques pièces suffisent à provoquer le plaisir gustatif. Elle estime que pour finir le repas, une portion de 70g est adaptée, donc trois morceaux d’une vingtaine de grammes permettent de terminer le repas en beauté. D’ailleurs rien ne se perd: les fromages non servis en fin de repas pourront être retravaillés et servis en plat principal.

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