Accessibilité : une restauration pour tous

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Le Gouvernement met en place le Fonds territorial d’accessibilité (FTA) dans le but d’inciter les Établissements recevant du public (ERP) à rendre leurs locaux accessibles aux personnes en situation de handicap. Certains restaurateurs sont déjà aux normes, tandis que d’autres retardent leurs travaux ou n’en ont même pas envisagé.

Accessibilité restaurant
L’handicap n’est pas un obstacle à l’amusement. Crédit : Elevate

Le 2 octobre dernier, Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, et Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées de France, ont annoncé un fonds territorial d’accessibilité (FTA). Ce fonds a pour but d’aider à financer les aménagements destinés aux personnes souffrant de handicap pour les Établissements recevant du public (ERP). La priorité est donnée aux établissements de catégorie 5, situés dans les zones où se tiendront les Jeux olympiques de Paris 2024. L’État prendra en charge 50% du montant des travaux à hauteur de 20.000€ au maximum.

Depuis le 2 novembre 2023, les entreprises ont la possibilité de déposer leurs dossiers sur une plateforme dédiée (voir l’interview d’Olivia Grégoire), mais seules les TPE, PME et micro-entreprises peuvent en effectuer la demande. La loi 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées obligeait déjà les ERP à adapter leurs locaux pour les personnes souffrant de handicap. Cependant, de nombreux restaurateurs et hôteliers n’ont pas réalisé toutes les installations nécessaires.

Les syndicats patronaux rassurés

Actuellement, il n’existe pas de chiffres ni d’études concernant l’accessibilité des lieux de CHR pour les personnes souffrant de handicap. Les deux syndicats patronaux majoritaires du secteur, Umih et GHR, soulignent néanmoins l’effort des restaurateurs. « Nos professionnels ont fait le maximum pour rendre leurs établissements accessibles dans le cadre de la loi de 2005 et ils continuent à œuvrer dans ce sens », affirme Émilie Bono, directrice du département économique juridique et fiscal du GHR.

Par le passé, les deux syndicats ont reçu des témoignages de professionnels dans l’incapacité d’établir ces installations. « Pour ceux qui ne l’ont pas fait, c’est qu’ils avaient des contraintes techniques ou une dérogation financière, explique Nathalie Baudoin, vice-présidente de l’Umih Vaucluse et trésorière générale. Le problème de la dérogation financière c’est quand ces établissements ont été vendus, la dérogation est tombée systématiquement. Donc le repreneur avait l’obligation de se mettre en conformité et ils ne l’ont pas fait. »

« Le montant est plus que correct pour les restaurants. Mais trop peu pour les hôtels. »
Nathalie Baudoin, Vice-présidente de l'Umih Vaucluse et trésorière générale

Pour obtenir cette dérogation financière, il existe quatre motifs différents : impossibilité technique avérée, conservation du patrimoine architectural, disproportion manifeste entre les améliorations apportées par certains travaux et leur coût ou bien leurs effets sur l’usage du local et de ses abords, ou enfin le refus d’une AG de copropriétaires. L’Umih et le GHR se disent satisfaits de la mise en place de cette aide. « Des établissements titulaires d’une dérogation vont être tentés de réaliser des travaux afin d’améliorer l’accessibilité de leur établissement…C’est plus qu’un coup de pouce », se réjouit Émilie Bono, du GHR.

Et l’hôtellerie ?

Mais le grand perdant de cette initiative est l’hôtellerie : « Mettre aux normes PMR deux chambres et d’autres installations, comme c’est demandé, c’est plus de 40.000€. Donc 20.000€ d’aide, ce n’est pas assez pour l’hôtellerie », déplore la vice-présidente de l’Umih Vaucluse. Depuis la pandémie de la Covid, ce secteur peine à remonter la pente. « Aujourd’hui, il y a déjà les PGE [prêts garantis par l’État, NDLR] à
rembourser. Pour l’hôtellerie indépendante, c’est compliqué, regrette-t-elle, je faisais partie de tous les groupes de discussion et je représentais l’hôtellerie. Nous n’avons pas été entendus. Je suis déçue.
»

Handicap physique

La plupart des établissements de CHR ont déjà entrepris certains aménagements pour les handicaps physiques. « Notre restaurant est sans marches et totalement accessible pour les personnes à mobilité réduite », témoigne Bertrand Marques, gérant du restaurant Le Charmy, à Lisses (Essonne). Du côté des Sables d’Olonne (Vendée), la crêperie Kreisker a également fait des travaux pour être plus accessible : « On a la rampe accessible sur la terrasse, et à l’intérieur pour les fauteuils et les déambulateurs. Nos WC sont aux normes PMR. »

Pourtant, nombre de restaurateurs ne peuvent faire ces aménagements pour des raisons financières et architecturales. Si un établissement a reçu une dérogation, il est alors considéré comme « aux normes ». C’est le cas du Juving, restaurant situé à Herbitzheim (Bas-Rhin), qui a obtenu une dérogation : « On a installé une rampe d’accessibilité à l’avant. Mais on a une dérogation pour l’accès aux toilettes PMR. Le bâtiment ne nous permet pas de faire les travaux. » L’idée des travaux est venue naturellement pour les deux premiers restaurants. « C’est une question de bon sens », justifie le gérant du Charmy. « On est au service du client et dans la compréhension. Donc on doit tout faire pour qu’il passe un bon moment », commente Aymeric Dian, responsable de site du restaurant sablais.

…et mental

Un point noir reste au tableau : les aménagements pour les handicaps mentaux. Selon Nathalie Baudoin : « Pour les personnes souffrant de handicap mental, si elles ne sont pas accompagnées, c’est très compliqué. Mais elles le sont généralement. » Quand on aborde l’accessibilité, on pense tout de suite aux rampes, aux toilettes PMR. Mais d’autres aménagements pour les handicapés non visibles et/ou non physiques sont souvent oubliés et négligés.

Le groupement GHR propose, par exemple, de mettre en place des menus en braille. Toutefois, les restaurateurs ne sont pas fermés à s’adapter pour les personnes concernées : « On n’a pas mis en place des aménagements pour les personnes souffrant de handicap mental, parce qu’on n’en reçoit pas. Mais si un jour, une personne handicapée vient, on peut s’arranger », explique Bertrand Marques. Au Kreisker, « on a la possibilité d’isoler dans une salle, de baisser la musique ou la lumière. Ça ne gêne pas les autres clients et ce n’est pas quelque chose de difficile à mettre en place », estime le responsable.

Mais certains restaurateurs ne pensent pas de la même manière, comme Éric Juving, gérant du Juving : « Je ne vais pas imprimer des menus en braille. Déjà, parce qu’aujourd’hui, 1 €, c’est 1 €. Et honnêtement, je ne pense pas qu’il sera beaucoup utilisé. Encore dans les grandes villes, je comprends, car il y a plus de probabilité qu’une personne souffrant de handicap s’y rende. Mais pour nous, petit restaurant de campagne, je ne suis pas certain. »

Les restaurateurs sont-ils au courant ?

Le plus surprenant, lors des discussions avec les restaurateurs, c’est qu’aucun d’entre eux n’avait entendu parler du Fonds territorial d’accessibilité. Il y a un manque d’information criant auprès des professionnels du secteur.

« On est au service du client et dans la compréhension. Donc on doit tout faire pour qu’il passe un bon moment. »
Aymeric Dian, Responsable de site du restaurant Kreisker aux Sables d'Olonne

Sur la même thématique, le GHR a lancé une mission handicap, en partenariat avec l’Agefiph, visant à favoriser l’accueil et le maintien en emploi des personnes en situation de handicap, ainsi que l’accueil des clients handicapés. Bien que la majorité des restaurateurs ait effectué certains travaux pour faciliter l’accessibilité pour les handicaps physiques, il reste encore une perspective d’amélioration pour les aménagements consacrés aux handicaps invisibles ou mentaux.

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