Saint-Sylvestre : Un nouvel an au restaurant

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La soirée du 31 décembre est synonyme d’un ticket moyen rehaussé et d’une bonne rentabilité pour la plupart des restaurateurs et des hôteliers. Alors que l’inflation s’installe durablement, les professionnels pratiquent des tarifs de plus en plus élevés, qui pourraient avoir une incidence sur la clientèle française.

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Les prix des soirées du Nouvel an de cette année atteignent des sommets. Crédit : DR

L’année 2024 sera marquée par un événement exceptionnel dans la capitale : les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Bien que ce rassemblement sportif international nécessite une importante organisation en amont et qu’il occupera intensément les hôteliers et les restaurateurs durant plusieurs semaines (du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre), de nombreux professionnels du secteur s’affairent dans l’immédiat à la préparation du réveillon du nouvel an.

Des soirées que les établissements parisiens conçoivent différemment, selon leur profil (chaîne de restauration, luxueux, festif) et leur clientèle principale (domestique ou touristique). « Historiquement, on passe ce réveillon à l’extérieur, celui de Noël se fait plus en famille. Mais il y a quelque chose qui a changé avec le réveillon de Noël : les restaurants font plus de chiffres, cela est probablement dû à la montée des familles monoparentales. Et les réveillons du jour de l’an font de plus en plus un carton. En principe, ces deux réveillons sont de très bonnes opérations pour les restaurateurs », analyse Bernard Boutboul, fondateur de l’agence de conseil Gira.

Cette année, notamment en raison du contexte inflationniste, les prestations et les dîners de la Saint-Sylvestre proposés par les restaurants atteignent souvent des montants très onéreux. Les enseignes du groupe Paris Society invitent sa clientèle à célébrer cette soirée dans la plupart de ses prestigieuses adresses. Mais les menus offerts (hors boisson) à cette occasion ne sont effectivement pas accessibles à toutes les bourses. Un menu complet avec coupe de champagne à l’apéritif est facturé 180€ à la Villa M (Paris, 15e), il grimpe à 200€ (sans champagne cette fois) chez Bonnie (Paris, 14e) mais sera plus accessible (100€) chez Dar Mima.

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En cette fin d'année, les repas de fêtes approchent et certains entendent se faire plaisir dans les restaurants. Crédit : Vrai Studio Camille Gabarra

Pour les menus en cinq temps hors boisson de chez Maxim’s ou Mondaine (Paris, 8e), il faudra débourser 300€, et compter même 350€ pour ceux de chez Laurent (Paris, 8e) et La Suite (Paris, 16e), respectivement en cinq et sept temps. « C’était hyper rentable hier et ça va l’être encore plus cette année. Mais nous sommes entrés dans des sphères de prix qui sont particulièrement élevées. J’ai peur qu’il y ait une baisse de réservations, même si les Français ne font jamais d’arbitrage à Noël et au jour de l’an, note Bernard Boutboul. J’espère qu’il ne va pas se passer ce qu’on a connu sur la côte méditerranéenne cet été, notamment à Cannes et à Nice (Alpes-Maritimes). Il y a eu des abus qui ont créé de la rupture de fréquentation, et les restaurateurs de la côte le regrettent aujourd’hui. »

Le président de Gira redoute que les professionnels sous-estiment la fragilité du pouvoir d’achat des Français, préférant regarder le retour à Paris des touristes comme une aubaine. « Les hautes catégories sociales ne sortent pas au restaurant [pour le jour de l’an], ils se reçoivent chez les uns et les autres. À la limite, ils font appel à un traiteur. Concernant les catégories médianes, j’ai peur que les prix les refroidissent et leur paraissent déraisonnables », ajoute-t-il. Si le prix des cartes augmente tous les ans d’environ 5% dans les restaurants et les établissements hôteliers lors du réveillon, cette augmentation semble frôler les 15% ou 20% cette année.

Avec ou sans animation

La multiplicité de l’offre à Paris permet de passer une soirée enivrée et très animée, tout comme un repas plus calme à l’atmosphère gastronomique. Chez Figuig (Paris, 17e), restaurant mettant à l’honneur la cuisine traditionnelle marocaine, le moment sera plutôt à la fête lors du prochain réveillon. Dans cet établissement proche de l’Arc de Triomphe, le menu préparé par Najette Rabhi et sa brigade se dégustera dans le partage, pour un minimum de 190€. « Il y a une partie de la soirée avec un orchestre, où des hommes en tenue traditionnelle joueront des instruments orientaux. Nous avons aussi une danseuse russe – de l’école Belly Dance – qui sera avec nous le jour de l’an », explique Fouzia El Figagui, propriétaire du lieu depuis quatre ans.

Les clients seront accueillis avec un cocktail « Virgin Figuig » – composé de purée de kiwi, de citron et de Ginger Ale – ou sa version champagne. Plusieurs salades marocaines (méchouia, salade de fèves, zaalouk d’aubergines), ainsi que des mini-pastillas et des doigts de la mariée (feuilles de brick roulées) seront partagées entre les convives. Différents tajines – au poulet, aux légumes, à la souris d’agneau – et du couscous Fassi (amandes et oignons) seront ensuite servis, avant une « douceur » au choix. Durant la dégustation des différents plats, un animateur sera chargé de l’ambiance. La musique devrait monter crescendo « selon le rythme des clients », poursuit Fouzia El Figagui.

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Chez Figuig, restaurant marocain (Paris 17e), le menu du nouvel an se déguste dans le partage, pour un minimum de 190 €. Crédit : DR

« À minuit, les gars arrivent en derbouka. Et là, il ne faut pas avoir mal aux oreilles […] J’ai hâte d’y être, ce sont de belles soirées pour nous. C’est un coût, mais il y a des prestations et du personnel en plus. Le client s’attend à une prestation au top, on est habitué, ajoute la propriétaire du Figuig. Durant le Ramadan, c’est pire : les gens veulent manger, il faut donc mettre un double effectif. » À la mi-décembre, ce restaurant de 60 couverts affichait un taux de 50% de réservations, principalement faites par des touristes étrangers : Belges, Anglais, Américains ou encore Coréens. La clientèle s’avère ici cosmopolite et les Parisiens pourraient être les derniers à se manifester, selon le retour d’expérience de la patronne : « L’année dernière, tout le monde a réservé au dernier moment. »

Situé entre le musée du Louvre et l’Opéra, le Roch Hôtel & Spa (Paris, 1er) célébrera aussi le nouvel an au sein de son restaurant, Maison 28. Le menu de la Saint-Sylvestre s’articule autour de trois amuse-bouches puis de quatre temps. Des Saint- Jacques (en deux cuissons) ou une poularde au genièvre seront notamment servies en plat principal, avant un choix de deux fromages et deux desserts. « On offre un apéritif à tous nos clients de l’hôtel et de l’extérieur de 19h à 20h30, présente Ludovic Le Baud, directeur général de l’établissement. Proches de l’esprit de Maison 28 très orienté sur la bistronomie française, nous travaillons avec des fournisseurs situés à moins de 300 kilomètres : la criée est en Normandie et la poularde vient d’Île-de-France. Nous essayons de respecter la saisonnalité et une certaine distance parcourue des produits. »

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Au Roch Hôtel & Spa (Paris, 1er), pour la Saint-Sylvestre, l’apéritif est offert à tous les clients entre 19h et 20h30. Crédit: VraiStudio_CamilleGabarra

Par ailleurs, si la bande-son sera différente qu’habituellement, les murs de cet hôtel cinq étoiles ne devraient pas trembler pour autant. « Ça sera une animation passive, il n’y a pas d’orchestre ou d’animation particulière. On essaie de rester dans cet esprit-là, afin de maîtriser les coûts, que ce ne soit pas trop cher, abordable », poursuit le directeur général. Ce choix « de la sobriété » s’accorde avec le fait que cette soirée est davantage « une figure de style obligée », à l’instar de « la Saint Valentin », ajoute Ludovic Baud. Alors que les réservations représentaient 40% des couverts disponibles trois semaines avant le 31 décembre, cette soirée semble participer avant tout « au rayonnement de l’hôtel ».

La soirée du nouvel an et la période des fêtes sont des bons moyens de communication pour les restaurants, quel qu’il soit. La chaîne Au Bureau a par exemple lancé son opération Frozen Christmas, durant tout le mois de décembre. Ses 190 établissements ont été transformés en igloo, et la magie des fêtes est aussi dans l’assiette (avec un burger d’effiloché de bœuf et une sauce au foie gras) et dans les verres (via un cocktail givré). Les restaurants auraient tort de se priver d’une période si rentable, à condition toutefois de rester cohérent dans leur identité et leurs tarifs.

Des réservations en hausse

Selon les derniers chiffres de The Fork, le nombre de réservations dans les restaurants est en augmentation de 39% par rapport à 2019, en ce qui concerne la période des fêtes. Les trois villes qui enregistrent aujourd’hui le plus de réservations sont Paris, Strasbourg (Bas-Rhin) et Lyon (Rhône). Les cinq restaurants les plus sollicités sont Le Train Bleu (Paris, 12e), le Ciel de Paris (Paris, 15e), Les Deux Magots (Paris, 6e), Le Tire-Bouchon (Strasbourg) et Le Violon d’Ingres* (Paris, 7e). À noter que Strasbourg a vu ses réservations croître de 95% en moins de cinq ans, tandis que Megève (Haute-Savoie) est la septième ville de ce classement cette année.