Snacking : une offre décomplexée

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L’évolution du marché du snacking contribue à changer en profondeur les habitudes de consommation. L’offre s’étend, gagne en qualité, et flirte même avec les domaines voisins que sont la boulangerie et la restauration traditionnelle. Chacun dans leur domaine, les acteurs se mettent en rang pour proposer une réflexion de plus en plus poussée à la fois sur les goûts, mais aussi sur l’expérience client. Les consommateurs sont désormais prêts à délaisser le plat du jour pour des temps de repas moins convenus.

snacking
Plusieurs plats de snacking. Crédit Frederick Medina UnSplash.

À travers son top 100 mondial des plats les plus commandés, la plateforme Deliveroo laisse entrevoir l’orientation des goûts actuels. Ainsi, les bols à composer, à base d’ingrédients colorés, frais et sains, ressortent parmi les plats favoris en France, mais aussi dans de nombreux autres pays, notamment en Italie, au Royaume-Uni ou aux Émirats arabes unis, représentant 40% du top 10 mondial. Une tendance de fond, donc.

Les favoris de longue date, à savoir les pizzas et les burgers, continuent de dominer, représentant respectivement 7% et 19% des plats vendus en livraison. Mais de nouveaux plats de la street food internationale concurrencent progressivement les « classiques » de la livraison : la popularité des wraps et des bols burrito mexicains, par exemple, a presque doublé par rapport à 2022. En France, on assiste également à la renaissance d’un grand classique de la cuisine de rue, le kebab.

Restaurer l’image du kebab

Depuis trois ans, plusieurs enseignes, à l’instar de Sürpriz à Paris, Mont Berliner à Lyon ou la chaîne Berliner Das Original, ont entrepris de restaurer l’image du sandwich turc. Ce dernier figure d’ailleurs parmi les plats les plus commandés dans plusieurs régions françaises, selon le dernier baromètre Datalicious de Just Eat. « C’est un marché particulier car très atomisé, il n’y avait pas de leaders jusque-là, alors que, paradoxalement, les clients ont besoin d’être rassurés, explique Timothée Tronet, président de Brand Baker, le groupe à l’origine de la franchise Berliner DO. Notre enseigne souhaite proposer un produit de qualité, ce qui n’est pas la qualité propre de ce secteur. »

Pour cela, l’entreprise a adopté tous les codes du fast casual, qui détermine désormais les contours du snacking en France : bon, sain, réfléchi et impliqué. Les sandwichs intègrent donc un pain boulanger et le groupe a sourcé des broches de viande plus qualitatives que les standards (sans ajout d’eau, sans additifs). Une stratégie de réassurance qui paye puisque le groupe observe une modification de la clientèle, à moitié féminine sur un marché plutôt masculin jusqu’alors. Et un gain de valeur. « On est plus cher de 1 ou 2€, ce qui n’est pas un problème dans les grandes villes. »

La thématisation structure le secteur

En quelques années, le snacking a pris de l’envergure. Alors que l’offre était encore essentiellement condensée autour des sandwichs, burgers, pizzas et salades en 2019, on assiste désormais à une réelle thématisation, aussi bien en matière de variété d’enseignes qu’au sein même des points de vente. Les baos, les tacos, la pâtisserie américaine ou encore les tourtes – à l’image du concept Groot lancé par les anciens de Top Chef, Hugo Riboulet et Albane Auvray à Paris – tentent de se tailler la part du lion.

Bao family, image d'illustration. Crédit Bao family.

Pakata, image d'illustration. Crédit Pakata.

Image d'illustration de kebab. Crédit Yoad Shejtman UnSplash.

Timothée Tronet estime que les gens recherchent des produits spéciaux pour le fast casual. « Des thématiques se démarquent, mais je pense qu’il ne faut pas s’aventurer sur des concepts trop confidentiels. Il faut quand même arriver à créer des habitudes de consommation autour du produit. » L’animation de marque prend alors tout son sens, entre produits éphémères et déclinaisons.

Ne plus se limiter à un seul produit

C’est d’ailleurs le virage qu’a opéré l’enseigne Bagel Corner avec son nouveau concept, déployé depuis l’année dernière. « On était monoproduit il y a 12 ans. Aujourd’hui on est un coffee-shop à bagels », précise Michaël Cohen, cofondateur de l’enseigne. La chaîne a considérablement repositionné son offre, misant sur le donut et le freakshake pour asseoir sa proposition. Mais surtout, ce nouveau positionnement s’est accompagné d’un lifting complet des points de vente, entièrement tourné vers un parcours client digitalisé qui laisse beaucoup de place à la personnalisation des commandes.

Donut de Bagel Corner
Donut de Bagel Corner. Crédit Bagel Corner.
Bagel de Bagel Corner
Bagel de Bagel Corner. Crédit Bagel Corner.

« Cette démarche était devenue impérative pour répondre aux attentes de développement de nos franchisés. On faisait 80% du CA entre 12h et 14h. Il nous fallait étendre les horaires d’ouverture et cela passait par une offre plus complète. La France, c’est différent des pays anglo-saxons où on peut vendre des bagels toute la journée », précise le dirigeant de Bagel Corner. Du côté de la restauration traditionnelle également, le rapprochement s’est enclenché. À l’image de la nouvelle version des restaurants Del Arte, désormais organisée en trois espaces distincts dont un exclusivement dédié au snacking à emporter. L’offre aperitivo surfe entre deux vagues, proposant un nouveau temps de consommation avec une offre légère, mais servie à table.

Le boom de la restauration boulangère

De son côté, la boulangerie a aussi largement accentué sa mue, entamée durant la période de pandémie. Et s’intéresse désormais à des concepts qui vont bien au-delà du pain. « Désormais, 50% du chiffre d’affaires du snacking en France est réalisé par les boulangeries en réseau », commente Béatrice Gravier, directrice générale du salon Sandwich & Snack Show. Les entrepreneurs de la food l’ont bien compris et de nombreux concepts hybrides trouvent désormais leur place aussi bien en boulangerie qu’en restauration traditionnelle ou dans l’hôtellerie.

C’est le cas de Pakata, une marque de crêpes prêtes à garnir, imaginée par l’entreprise Le Monde des crêpes, leader de la crêpe surgelée en foodservice. « L’idée est partie du constat sur le manque de variété de l’offre de snacking en boulangerie, souligne Régis Jegou, directeur commercial du Monde des crêpes. Nous avons donc imaginé une recette de crêpe qui soit adaptée à une consommation nomade, donc avec suffisamment de tenue, mais aussi qui permette de composer un repas qui amène de la satiété pour le consommateur. »

Au final, une épaisse crêpe bretonne dont le grammage se rapproche des standards observés pour les pains à sandwichs. Le produit se positionne d’ailleurs sur la même gamme de prix de vente. Si la marque préconise des idées de garnitures,au chaque point de vente est libre de composer ses propres recettes. « L’avantage, c’est que les bases utilisées pour les sandwichs peuvent être aussi utilisées. Les professionnels peuvent garder leurs habitudes de coefficients. »

Les nouveaux équipements

Les préceptes du fast casual y trouvent aussi leur compte avec un sourcing local. D’abord développée en version froide, Pakata peut désormais également être servie chaude. Le kit comprend d’ailleurs papiers d’emballage et cartonnettes de transport logotées ou en marque blanche. De plus, la marque a aussi mis au point des supports de présentation pour les vitrines. Ce qui peut paraître un détail ne l’est pas en réalité. Car l’évolution du matériel fait beaucoup dans l’élévation en gamme du snacking.

iMinifou Augusto
L’évolution du matériel permet la montée en gamme du snacking. Avec son minifour à pizza, capable d’atteindre les 320°C, Augusto Pizza propose un concept clés en main. Les pizzas surgelées vendues par l’enseigne sont cuites de la meilleure façon. Crédit Augusto Pizza.

« L’offre de tout petit matériel adapté à de tout petits espaces, 15 à 20m2, s’améliore énormément, constate en effet la directrice du salon Sandwichs & Snack Show. Sur la pizza notamment, on voit de plus en plus de minifours qui ont la capacité de monter en degrés pour proposer une belle qualité de dégustation. Cette notion de compact est très importante pour cette montée en gamme, notamment sur les boulangeries qui resteraient sinon sur un principe de réchau age moins qualitatif. » Le snacking, au-delà de s’imposer, se forge dorénavant une identité à la française, décomplexée et inventive.