Restaurants de viande, l’offre monte en gamme

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Si certaines enseignes n’ont pas su se renouveler, de nouveaux acteurs de la restauration à thème s’imposent en adoptant, notamment, la tradition américaine de la viande fumée. Certains chefs étoilés ont eux aussi pris le pas avec quelques établissements présentant principalement de la viande.

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Poulet au grill de Nonos. Crédits : Victor Bellot.

Le concept n’est pas nouveau. Les restaurants axés sur la viande ou présentant une carte composée principalement de produits carnés (préparés au grill, au barbecue ou à la planche) existent depuis de nombreuses années dans notre pays. Des enseignes chaînées, comme Hippopotamus ou Buffalo grill, se sont appuyées sur une offre de viandes pour être identifiables auprès de leur clientèle.

Si la plupart des personnes réduisent aujourd’hui leur consommation de viande, sans pour autant se tourner vers une alimentation exclusivement végétale, cette tendance se révèle moins évidente concernant le hors-domicile. « En restauration, la consommation de viande reste robuste. Notamment avec le développement de la consommation de burgers, qui est toujours très dynamique, remarque François Blouin, président de Food Service Vision, cabinet d’études spécialisé en restauration. En 2022, les chaînes de burgers ont créé entre 150 et 200 nouveaux points de vente en France. » La vague des burgers gourmets, portée par des restaurants engagés sur l’origine et la qualité de la viande, a supplanté des enseignes vieillissantes. À l’image de Courtepaille, qui a vu la fermeture de plus de 50 restaurants (franchisés et en propre), depuis le rachat en septembre 2020 par Napaqaro.

Le groupe, également propriétaire de Buffalo grill, a d’ailleurs annoncé à la fin de février dernier vouloir revendre Courtepaille. Désormais, de plus en plus de restaurants à thème s’appuient sur le sourcing de leurs viandes. « Dans la plupart des cas, on valorise une origine particulière. Que ce soit une race de viande française ou, très souvent, d’origine étrangère : argentine, wagyu [boeuf japonais, NDLR] ou irlandaise », ajoute François Blouin. Par ailleurs, les restaurants de viande qui connaissent un succès aujourd’hui s’appuient sur un nouveau positionnement. Des enseignes telles que La Brigade, dès 2013, ou Melt par la suite ont opéré une « réaccélération » du concept, bien que cela « reste un phénomène de niche sur l’ensemble du marché français », tempère le président de Food Service Vision, car « le coût de la viande bovine limite l’accessibilité à une certaine clientèle ».

Le barbecue texan fait recette

C’est de l’autre côté de l’Atlantique que leur inspiration est née. Jean Ganizate et Paul Loiseleur, alors étudiants à l’école hôtelière de Glion (Suisse), partent faire un stage à New York, en 2012, et se trouvent conquis par le barbecue à la texane. Cette façon de cuire et de fumer la viande est une révélation pour les deux amis. Ils décident rapidement d’importer le concept du smoked barbecue en France et entreprennent, l’année suivante, un nouveau voyage dans le sud des États-Unis.

En restauration, la consommation de viande reste robuste
François Bloin, Président de Food Service Vision

« Nous sommes partis au Texas pour découvrir les barbecues les plus connus à l’époque. Nous avons rencontré Jeffrey Howard, un pitmaster (expert en barbecue), avec qui nous avons appris à fumer la viande. On ne voulait pas faire une pâle copie du concept, il est donc venu en France durant deux ans. C’est grâce à lui que nous avons lancé le restaurant », témoigne Paul Loiseleur, cofondateur de Melt. Le premier établissement de l’enseigne voit le jour, en 2016, rue de la Folie-Méricourt (Paris 11e), avant de s’installer dans l’ouest parisien, aux Batignolles (Paris 17e) en fin 2017, puis rue Cambronne (Paris 15e) en janvier 2022. Leur offre de barbecue à l’américaine commence à s’implanter, grâce à un style bien affirmé. « Nous reprenons les traditions du Texas, toutes les viandes sont fumées et non grillées. Nous cuisons les viandes, autour de 110°C ou 115°C, en même temps que nous les fumons. Nous avons voulu reproduire ce qu’il y a aux États-Unis : les clients passent leur commande au comptoir, pour garder l’atmosphère texane. Mais nous nous sommes adaptés à la France avec un service en salle. Nous essayons d’avoir un service à l’américaine, très accueillant », explique Paul Loiseleur.

Au menu chez Melt, on retrouve tous les classiques du genre : Brisket, pulled pork, poulet ou encore travers de porc. La spécificité de ces viandes fumées est leur longue cuisson. Environ 1h30 pour les saucisses, jusqu’à 12h pour le brisket (poitrine) et les épaules de boeuf. Fort de son succès, Melt travaille actuellement sur un concept de corner consacré à la street food, orienté uniquement sur les sandwichs. « À terme, nous voulons avoir une cuisine centrale pour faire de l’événementiel et alimenter plusieurs petits corners », ajoute le cofondateur de l’enseigne. Depuis quelques mois, le restaurant Lazy Suzy (Paris 5e) offre lui aussi des sandwichs de viandes fumées à la texane, à partir de viandes « 100% françaises ». Après une ouverture en 2019, à Lille (Nord), l’établissement a investi la capitale pour offrir des burgers de pulled beef ou pulled pork, ainsi que des hot dogs (Lazy dogs), des ribs et des pilons de poulet. Encore une fois, « l’authentique méthode de fumage de la viande […] à basse température » est mise en avant par cette enseigne. « Il y a toujours une touche de fumée chez nous, nous sommes dans le barbecue à l’américaine », précise Benjamin Dilly, l’un des associés de Lazy Suzy. Affichant « des racines lilloises », la petite table n’oublie pas de mentionner son savoir-faire pour les frites qu’elle propose en accompagnement.

Les grands chefs passent au grill

Cette nouvelle restauration, mettant en avant le travail de la viande, n’a pas échappé au monde de la gastronomie. « Du côté des indépendants, on voit l’apparition d’une offre haut de gamme qui se positionne sur les viandes grillées, comme le Panoramic à Tignes [une étoile au Michelin, NDLR] et Clover Grill [Paris 1er, NDLR] de Jean-François Piège. Des enseignes comme Gueuleton illustrent aussi ce phénomène qui valorise l’offre de viande rouge, avec différentes cuisines et du maturage », expose Jean-François Blouin.

Aux exemples cités par le directeur de Food Service Vision s’ajoute le restaurant Nonos, ouvert depuis le 25 janvier dernier à l’Hôtel de Crillon (Paris 8e), et imaginé par le chef Paul Pairet, triplement étoilé à Shanghai. « Nous voulions démocratiser et capter toutes sortes de clientèles, avec des prix abordables (28 € le steak frites) mais aussi une côte de boeuf “ Tomahawk ” [black angus Creekstone, États-Unis, NDLR] à 250 € pour deux personnes. Le mot d’ordre du chef est la simplicité d’un produit bien préparé, confie Valentin Langlois, directeur de Nonos. Toutes les viandes sont choisies en amont avec les chefs. Nous les achetons maturées et elles finissent leur maturation chez nous. » Parmi les viandes à la carte, la côte de boeuf Angus-Aberdeen, en provenance d’Écosse, est présentée à toutes les tables. « C’est notre produit phare. Il nous permet de fluidifier le service du midi et d’être servi 15 minutes après avoir été proposé », poursuit Valentin Langlois. Cette viande d’exception, l’une des spécialités du chef, observe une cuisson spécifique : une heure à 120°C, avant de redescendre à 60°C durant 4 à 5h, puis d’être reprogrammée à 120°C. Cette nouvelle offre de restauration permet au palace parisien de se diversifier, alors qu’il abrite déjà un restaurant étoilé et bientôt une table en service continu avec Comestibles, à partir du mois d’avril. Si « la viande est assez mal vue en ce moment », reconnaît le directeur de Nonos, « nous savons que c’est un concept qui répond à une demande ».