Volailles fermières : voyage au coeur de la filière auvergnate

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Avec près de 10 millions de poulets certifiés vendus en 2022, la filière Volailles fermières d’Auvergne pèse sur le marché des produits haut de gamme. Une réussite qui repose sur la mobilisation des quatre piliers du Syvofa : la production d’œufs, l’alimentation, l’élevage et l’abattage.

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Un poulet à croissance longue, élevé en liberté. Crédit : Jérôme Chabanne

Sous une faible lumière bleue nappée de vapeurs ambiantes, les cageots de poulets vivants défilent à un rythme soutenu sur un convoyeur qui les entraîne vers un tunnel de 30 m. Durant le passage dans ce sas tout en longueur, la teneur en CO2 va progressivement monter au-delà de 50 %, ce qui entraîne le volatile dans une profonde léthargie. L’animal pourra ainsi être mis à mort par saignée sans douleur. Ce nouveau dispositif découle d’un investissement de 4 M€ dans l’abattoir Arrivé Auvergne, propriété du groupe LDC.

Cet effort financier permet aussi de simplifier le travail. Auparavant, les volailles étaient positionnées sur la chaîne d’abattage vivantes et se débattaient avant de recevoir un choc électrique anesthésiant. Cette action devait se réaliser dans la pénombre pour limiter le stress. Désormais, cette manœuvre est effectuée en pleine lumière et les volailles inertes se révèlent beaucoup plus faciles à accrocher, ce qui représente une réelle amélioration des conditions de travail pour les opérateurs chargés de cette manipulation.

« Nous sommes très attentifs aux possibilités d’amélioration de l’ergonomie, indique Jérôme Morandat, directeur du site. Dans un marché de l’emploi très tendu comme celui de notre bassin de travail, c’est un atout pour le recrutement et la limitation du turn-over ». Cet abattoir constitue un rouage final essentiel de la filière des volailles d’Auvergne, puisqu’il abat, découpe et met sur le marché 90 % des volailles sous signe de qualité (IGP, Label rouge et AOC Bourbonnais) de la région. Le site est en mesure de traiter 300 000 volailles par semaine. Cette capacité respectable est certes en deçà de celles de certains outils industriels français, capables d’abattre plus d’un million de volatiles par semaine.

Mais pour un abattoir travaillant sous signe de qualité, ce niveau de productivité est remarquable. En effet, en matière d’abattage, de découpe et de logistique avec emballages différenciés, les manœuvres sont plus pointues. Ainsi, pour lever les filets des poulets Label rouge, une équipe de 18 ouvriers est positionnée pour effectuer le travail à la main. « Lorsque nous traitons des poulets d’entrée de gamme, l’opération est automatisée. Six personnes suffisent pour assurer l’opération », assure Jérôme Morandat.

Montée en puissance

Ce jeune dirigeant souhaite donner une orientation qualitative à son abattoir en abandonnant le traitement des poulets d’entrée de gamme, qui représentent encore 23 % de l’activité. L’installation devrait accroître sa spécialisation sur les poulets fermiers (54 % des volumes) et sur les poulets produits selon les normes ECC (European Chicken Commitment). L’exemple d’Arrivé Auvergne illustre parfaitement la montée en gamme de la filière Volailles fermières d’Auvergne. La région s’affirme aujourd’hui comme le 3e bassin volailler français exerçant sous signe de qualité. Cette montée en puissance résulte de plus d’un demi-siècle autour du Label rouge et de 27 ans autour de l’IGP.

Des efforts aussi couronnés par la récente obtention de l’AOC poulet du Bourbonnais, qui sera convertie au début 2024 en AOP. Jusqu’à présent, en France, seule la volaille de Bresse jouissait de ce privilège. La volaille auvergnate joue désormais pour la cour des grands. Mais pour y parvenir, il ne suffit pas d’un abattoir performant. Les trois autres piliers de cette filière, représentée par le Syndicat de défense des volailles fermières d’Auvergne (Syvofa), ont dû placer haut la barre de leurs exigences, à commencer par les fournisseurs d’alimentation. Ainsi, le site détenu par Axereal, à Saint-Germain-de-Salles (Allier), fournit 80 % de l’alimentation destinée aux volailles d’Auvergne. Il est à la fois collecteur de céréales et producteur d’aliments.

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À peine nés dans le couvoir, les poussins sont dirigés vers les élevages. Crédit : Jean-Michel Déhais / Au coeur du CHR

En fonction de la demande, cette alimentation est automatiquement produite en puisant les mélanges des ingrédients contenus dans les 48 silos de la structure. Ces produits peuvent être soit locaux, soit acquis dans différents bâtiments de production. Mais les céréales sont garanties d’origine française, conformément au cahier des charges de l’IGP. Seuls quelques éléments comme les vitamines peuvent faire l’objet d’importation.

En outre, Axereal dispose d’une filiale, Force Centre, un des trois organismes qui assurent l’accompagnement de la filière. L’activité requiert en effet une importante planification. D’abord, il s’agit d’estimer le plus précisément possible les besoins des metteurs en marché, à commencer par le principal d’entre eux, Arrivé Auvergne. Puis il faut effectuer une prévision des ventes à un horizon de quatre mois, période qui va de la ponte d’un œuf à la livraison d’un poulet de 81 jours. L’exercice reste incertain, en raison notamment des aléas économiques qui peuvent réserver des surprises. Par exemple, à la fin septembre, les Français, confrontés aux problèmes inflationnistes ont légèrement diminué leur consommation de volailles sous signe de qualité pour se reporter vers des catégories inférieures.

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L’abattoir Arrivé Auvergne peut traiter un demi million de poulets/semaine. Crédit : Jean-Michel Déhais / Au coeur du CHR

De ce fait, Arrivé Auvergne a dû ralentir ses abattages en différant de quelques jours les livraisons des producteurs. Ces derniers en sont pénalisés, car ils doivent continuer à nourrir leur volaille. Ces embouteillages en aval de la filière représentent un casse-tête à gérer pour Victor Belin, directeur d’Auvergne Poussins Accouvage, à Saint-Germain-de-Salles (03), qui officie en amont. Cette structure fait partie des sept couvoirs liés à la filière et s’affirme comme le plus important d’entre eux. Elle est aussi directement liée à Axereal, via Force Centre. Disposant d’une capacité de couvage de 1,8 million d’œufs, ce couvoir peut assurer un demi-million d’éclosions par semaine. Le rythme de production de poussins de souche à croissance longue dépend des besoins du marché dans quatre mois.

S’il peut tabler sur un taux d’éclosion de 82 à 85 %, et des naissances au bout de 21 jours, il doit éviter toute maladie qui pourrait contaminer les poussins et occasionner leur mortalité. Des mesures d’hygiène draconiennes sont donc mises en place. Les œufs sont nettoyés à l’expédition chez les neuf éleveurs qui travaillent avec le couvoir, mais aussi à l’arrivée sur le site. Les désinfections sont régulières et les employés respectent un protocole pointilleux.

Les couvoirs, où règnent une température de 37 °C et une hygrométrie de 80 %, s’avèrent en effet propices au développement bactérien. Pour Victor Belin, l’équation est simple. Il doit entrer dans ces couvoirs la quantité d’œufs nécessaires pour répondre à la demande en volailles estimée par l’abattoir 120 jours plus tard. Il convient donc de rester dans les normes du taux d’éclosion. Mais ensuite, la balle est dans le camp des éleveurs qui doivent eux aussi amener les quantités de volailles prévues au sein de l’abattoir. Dans cette filière qui mobilise un millier d’emplois directs, chaque maillon est hautement responsabilisé.

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