Sirops, la multiplicité des alliances

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Traditionnellement dilué à l’eau, le sirop ne se limite plus à cette seule consommation en France. L’univers de la mixologie et du barista s’est emparé du produit pour en multiplier les usages. Les fabricants offrent ainsi des gammes élargies et se sont adaptés à la recherche de naturalité et de produits locaux.

sirops
Le sirop s'est ouvert à la mixologie. Crédits : France Boissons

Le sirop renvoie instantanément à des moments de plaisir en plein air, durant la saison estivale. Rafraîchissante, facile d’utilisation et à diluer simplement avec de l’eau, la boisson convient finalement à tous les âges. Ainsi, le facteur météorologique joue un rôle non négligeable dans sa consommation. « Avec l’été qui arrive, les ventes ont bien redémarré depuis le printemps. Nous affichons une très belle dynamique », indique en effet Julie Pouquet, marketing manager chez Britvic France propriétaire de la marque Mathieu Teisseire. Cette dernière confirme la traditionnelle bonne santé du secteur, qui affiche une croissance de 1 à 3% chaque année.

Après le Covid 19 et la période de fermeture des CHR, « le marché a enfin retrouvé son rythme de croisière et nous sommes revenus à un niveau précovid, boosté en saison estivale par les grosses chaleurs », analyse Julie Pouquet. Une excellente dynamique pour un produit qui est loin d’être jeune. En effet, son existence remonte au XVIIIe siècle. L’appellation sirop français a en outre été protégée par un décret de 1908, qui prévoit la présence d’au moins 55% de matière sucrante. « Le sirop fait partie de cette excellence française », complète Loïc Couilloud, président du Syndicat français du sirop, composé de 17 siropiers représentant environ 97% des volumes. Celui qui est également P-DG du groupe Routin, situé en Savoie, établit le fort développement du secteur au moment de l’après-guerre, période durant laquelle « tout un tas de liquoristes, qui étaient en pénurie d’alcool, se sont tournés vers le sirop ».

Mixologie et barista

L’utilisation du sirop comme boisson à diluer avec de l’eau se révèle finalement très francofrançaise. En effet, dans le reste du monde, le sirop est destiné aux univers de la mixologie et du barista. Deux tendances qui sont apparues dans l’Hexagone il y a quelques années déjà, avec un plébiscite des Français pour le cocktail alcoolisé ou non – mais également avec l’arrivée des coffee-shops en France. « Nous sommes passés d’un sirop à l’eau à des sirops qui possèdent des usages multiples et variés », confirme Emmanuelle Lecointe, directrice des achats et des catégories chez France Boissons. Le distributeur a d’ailleurs sa propre marque de sirops, avec Frigolet. « Pour moi, le sirop constitue un ingrédient comme l’est par exemple un très bon beurre. Il s’agit d’un produit de recette », lance même Loïc Couilloud. Raison pour laquelle 1883, marque du groupe Routin, a participé au lancement du mouvement Drink Design, visant à proposer une nouvelle vision de la mixologie mêlant différentes disciplines. Ces tendances jouent sur les gammes des fabricants.

Si le top 5 des parfums correspond aux classiques grenadine, menthe, pêche, citron et fraise, les autres types de références progressent petit à petit et ne sont pas des références à négliger. « Aujourd’hui, la gamme est plus large avec les fruits, les plantes qui sont davantage adaptées au monde du cocktail, mais également les fleurs, comme la fleur de sureau », détaille Sophie Canon, responsable marketing et communication de Vedrenne. « Grâce à l’univers du cocktail, nous avons des parfums qui rebondissent en fonction des tendances. En ce moment, il s’agit par exemple de la mangue », poursuit-elle. De plus, « l’offre barista arrive doucement sur le marché français », précise cette dernière. « Parmi nos 130 références de sirop, une trentaine est dédiée aux coffee-shops », annonce d’ailleurs Hadrien Descamps, chef de marques CHD France chez Monin. Il mentionne ainsi le café, le caramel, le spéculoos ou encore le tiramisu comme des parfums à retrouver dans leur gamme pour barista.

Davantage de produits locaux et naturels

Outre les références, la question de la composition du sirop se pose au regard de la demande actuelle pour des produits locaux, plus sains et moins caloriques. S’agissant du sucre, un sirop en est, par sa nature, majoritairement composé. Néanmoins, le niveau de dilution avec l’eau est à prendre en compte. « Si le dosage est correct, la boisson est moins sucrée qu’un verre de jus de fruits », assure Élisabeth Poisson, directrice commerciale et marketing de Bigallet, siropier isérois. « Historiquement, c’est un volume de sirop pour sept volumes d’eau. Mais maintenant, nous sommes plutôt sur un volume de sirop pour 12 ou 13 volumes d’eau », précise ainsi Loïc Couilloud. En outre, la dilution constitue un argument économique. Et pour cause, « vous pouvez réaliser 12 litres de boisson avec une seule bouteille de sirop », poursuit le président du Syndicat français du sirop.

Avec l'été qui arrive, les ventes ont bien redémarré depuis le printemps. Nous affichons une très belle dynamique.
Julie Pouvet, Marketing manager chez Britvic France

Monin a, quant à lui, choisi de développer une offre complémentaire. « Le Concentré de Monin est moins sucré qu’un sirop, tandis que Pure by Monin n’est pas sucré. Cette dernière gamme apporte de la puissance aromatique sans le côté sucré », explique Hadrien Descamps. De plus, Monin propose une gamme entièrement composée d’arômes naturels et sans conservateurs ajoutés, dans « une volonté de transparence », précise-t-il. Car, au-delà du sucre, d’autres composants du sirop sont remis en question. « Nous voulons des choses naturelles, donc nous avons enlevé les colorants azoïques [des colorants de synthèse, NDLR]. Nous sommes davantage dans le sourcing et la qualité du fruit », explique ainsi Sophie Canon, de Vedrenne. Par ailleurs, le sourcing des matières premières constitue aussi un enjeu. « La qualité de tous les ingrédients est importante. La qualité de l’eau française permet de fabriquer de bons sirops. L’activité de betteraves permet de bons sucres et nous sommes un pays de fruits et de jus », détaille Loïc Couilloud, vantant le savoir-faire français.

Chez Bigallet, le local est plébiscité au maximum. « Avant, nous nous fournissions en sucre de canne bio du Brésil. Aujourd’hui, il s’agit du sucre de betterave bio originaire du nord de la France. La myrtille vient par exemple de l’Ardèche et le citron de Sicile », développe Élisabeth Poisson, de Bigallet. Frigolet, la marque de France Boissons, a choisi le même chemin en retravaillant ses recettes en 2020. Depuis lors, le sucre est issu de la betterave cultivée en France en agriculture raisonnée, et non plus à partir de canne cultivée à l’étranger. Par ailleurs, cette évolution du sirop va de pair avec la demande croissante envers les marques locales. « Il y a de grandes maisons, comme Monin et Routin, qui ont participé au développement du bar. Mais aujourd’hui, il existe également des micromarques locales qui se développent, comme la Maison du sureau [installée en Mayenne, NDLR] », confirme Matthias Giroud, bartender cofondateur de l’Alchimiste, entreprise spécialisée dans le conseil en mixologie. Dans cette logique, Sophie Canon, de Vedrenne, note « des années assez positives pour les marques locales et françaises ». La responsable marketing du groupe français avance ainsi une croissance de 8% en volume sur les CHR et les grossistes, pour la marque située à Nuits-Saint-Georges (Côte d’Or). Enfin, il ne faut pas oublier que le sirop reste une boisson plaisir. Il s’agit même de la première motivation de consommation en hors-domicile d’après une étude Kantar réalisée le premier trimestre 2023. Raison pour laquelle ce produit pourrait connaître encore de belles perspectives de développement.

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