Recrutement CHR : des pistes pour recruter

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La situation reste très tendue en matière de recrutement dans l’hôtellerie et la restauration. Pour donner envie aux demandeurs d’emploi d’intégrer le secteur, il faut mieux communiquer, identifier les freins à l’embauche et, pourquoi pas, imaginer de nouvelles motivations.

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L’initiative restaurant éphémère. Crédit DR.

La question du recrutement se profile de plus en plus comme la préoccupation majeure des entrepreneurs du CHR. Le secteur a toujours fait partie des métiers en tension. Mais depuis la période postcrise sanitaire, le malaise s’est amplifié. On estime désormais que 250 000 emplois seraient non pourvus dans cette activité. Les équipes sont rarement au complet et les dirigeants doivent jongler avec de maigres troupes pour assurer les coups de feu. Certains sont contraints de sacrifier des services, et de moins en moins de restaurants ouvrent le dimanche, notamment en province.

Ce manque de bras est d’autant plus préoccupant que la profession estime devoir recruter 60 000 employés supplémentaires pour faire face à l’afflux de visiteurs durant la période des JOP. « En salle, nous aurons essentiellement recours à des étudiants, estime Pascal Mousset, président du GHR Paris Île-de-France. Ils présentent un bon savoir-être, parlent anglais et sont doués pour les métiers de l’hospitalité. » La situation s’annonce beaucoup plus tendue pour pourvoir les emplois en cuisine pendant cette période.

Depuis des années, les syndicats professionnels tirent la sonnette d’alarme. Ils s’efforcent de créer de nouvelles formations, dynamisent l’apprentissage et surtout communiquent pour vanter l’intérêt de ces métiers qui offrent des perspectives d’ascenseur social. L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) vient ainsi d’organiser des Restaurants éphémères. Dans le cadre de cette opération menée avec l’aide de France Travail et de Promocash, le syndicat de la rue d’Anjou a voulu favoriser une rencontre entre l’offre et la demande au cours d’un repas. De nombreuses initiatives ont ainsi été mises sur pied depuis le mois de mars par les fédérations départementales du syndicat dans les lycées hôteliers, les centres de formation et même parfois des restaurants locaux.

Une fuite de la main-d’œuvre

À Aurillac, Thierry Perbet, le président de l’Umih du Cantal, a ainsi mis sur pied le 18 mars un Restaurant éphémère au sein de l’Institut de formation professionnelle et permanente (IFPP) qu’il préside. « Les professionnels du Cantal connaissent des problèmes de recrutement. Nous manquons de stagiaires et d’apprentis », indique-t-il. Thierry Perbet regrette aussi que le personnel, une fois formé, quitte le Cantal. L’attirance de la capitale n’est pas nouvelle mais, de surcroît, les saisons touristiques d’hiver de plus en plus courtes dans ce département, amènent certains salariés à préférer travailler dans les destinations plus prestigieuses des Alpes ou de la Côte d’Azur. Il déplore également que la majorité des professionnels abandonnent le métier après quelques années de carrière : « Dans ma promotion de 1984, nous étions 13, et 12 exercent toujours ce métier aujourd’hui, même si seulement trois d’entre eux sont restés dans le Cantal. »

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À Aurillac, Thierry Perbet avait convié à l’IFPP le maire d’Aurillac, Pierre Mathonier, le président du conseil départemental du Cantal, Bruno Faure, et le fondateur de l’EFBPA, Christian Vabret. Crédit DR.

Dans un département qui présente un des taux de chômage les plus bas de France (5 %), Thierry Perbet a répondu favorablement à l’initiative des Restaurants éphémères en organisant un repas préparé par 22 demandeurs d’emploi (de 18 à 40 ans), sélectionnés par France Travail. N’ayant pour la plupart aucune expérience dans le métier, ils étaient encadrés par des chefs ou des restaurateurs. D’autres chefs d’entreprise se sont joints au repas propice à un « job dating » convivial. Au total, 17 restaurants ou traiteurs étaient représentés. Thierry Perbet se déclare satisfait de l’opération : « D’emblée, j’ai été agréablement surpris. Sur 26 demandeurs d’emploi pressentis, 22 sont venus et tous se sont présentés ponctuellement. » Concrètement, l’aventure devrait se poursuivre pour huit personnes, qui ont accepté de s’engager dans une formation courte de trois semaines de type Bilan Orientation Compétences (BOC). L’une d’entre elles aurait déjà pris un emploi de plongeur.

Comprendre les problématiques

Au-delà de ces résultats positifs, Thierry Perbet se félicite de l’effet médiatique de l’opération. Le maire d’Aurillac, Pierre Mathonier, comme le président du conseil départemental du Cantal, Bruno Faure, ont fait le déplacement pour soutenir l’initiative qui a bénéficié de larges retombées dans la presse locale. « Ainsi, nous montrons que dans le Cantal, les restaurants forment et embauchent », se réjouit le président de l’Umih 15, qui entend bien remettre en place à la rentrée une opération de ce type, même en dehors du cadre de l’Umih nationale. Il est convaincu que les restaurateurs doivent reprendre l’initiative, même si certains collègues lui ont confié qu’ils manquaient de temps disponible. « C’est aussi l’occasion pour les entrepreneurs de se rendre compte à quel point les problèmes de mobilité ou les cas de parents isolés constituent de sérieux freins à l’embauche », explique-t-il.

Comme beaucoup de ses confrères, Thierry Perbet se montre favorable au durcissement des conditions de l’assurance chômage, qui pourrait selon lui constituer un effet incitatif pour le retour au travail. En revanche, il est très inquiet de la menace brandie par le Gouvernement de supprimer la prime de 6.000€ au maximum pour toute embauche en contrat de professionnalisation des jeunes de moins de 30 ans. Constatant qu’il devenait très difficile de recruter, certains patrons ont préféré fidéliser. C’est le cas de Pascal Ranger. En rouvrant le Cardinal (Paris 5e), il a choisi de rémunérer son personnel de salle en lui accordant 8 % du chiffre d’affaires HT. Ainsi un serveur qui réalise 1 500€ de CA HT gagne 120 €. « J’ai commencé comme cela en 1981 en travaillant au portefeuille, se souvient-il. C’était très motivant. »

Une méthode qui refait surface

Cette forme de rémunération, autrefois assez courante à Paris, a été ensuite progressivement abandonnée à partir du moment où les charges sociales ont concerné la totalité des sommes versées. Six mois après la mise en place de ce système au Cardinal ainsi qu’à L’Étoile (Paris 8e), Pascal Ranger en est très satisfait : « Automatiquement, le personnel est plus attentif et développe le CA. Il sait que plus il travaille, plus il gagne d’argent. Il y a moins d’absentéisme, moins de turn-over et je pense que, sachant cela, davantage de candidats viennent vers nous. Cela nous permet de sélectionner les employés performants. »

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Le Cardinal a subi une rénovation complète. Crédit : L'Auvergnat de Paris / Au cœur du CHR.

Il offre aussi des garanties en proposant des contrats hôteliers de 169 h. Et en cas de chute brutale d’activité, le salarié a l’assurance de ne jamais tomber au-dessous du Smic hôtelier. Certes, le personnel de cuisine n’est pas concerné par le dispositif, « mais, explique Pascal Ranger, il y a un esprit d’équipe avec un partage des pourboires ». Ce patron est bien décidé à étendre la rémunération au service à d’autres établissements. Il estime ainsi que, sur les grandes brasseries, il est nécessaire de motiver le personnel et que cette rémunération ne fait pas forcément gonfler la masse salariale, car il affirme qu’au Cardinal, « il y a désormais moins de salariés pour davantage de recettes ».