Bib Gourmand, un titre bistronomique

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Bénéficiant d’une plus faible notoriété que l’étoile, le Bib Gourmand est une distinction du Guide Michelin récompensant une cuisine précise, au meilleur rapport qualité-prix. Moins guindés que les étoilés, de nombreux lauréats du Bib ont un profil bistronomique plus accessible.

Bib Gourmand
Visuel Bib Gourmand. Crédit DR.

C’est une distinction plutôt récente à l’échelle de l’histoire du Guide Michelin, mais le Bib Gourmand s’est installé, depuis sa création en 1997, comme un véritable titre honorifique du secteur de la restauration. Les établissements récompensés par un « Bib » sont plus faciles d’accès. À leur façon, ils ouvrent l’offre gastronomique à un public élargi. Ce titre, réactualisé chaque année par le Guide rouge à l’instar de l’étoile, récompense en effet des restaurants « offrant le meilleur rapport qualité-prix ».

En France, lorsqu’on déguste un repas complet – sans boisson – au sein d’une table honorée d’un Bib Gourmand, la facture ne dépasse généralement pas 40€ en province, et 45€ dans la capitale. Cette distinction apposée à l’entrée des restaurants primés – et dont le logo représente un bibendum se léchant les babines – n’est pas attribuée à une « formule établie », assure le Michelin.

À Paris, en Bourgogne, en Corse ou ailleurs dans le monde, plusieurs types de restaurants peuvent se voir attribuer un Bib Gourmand. « Au Restaurant ñ de La Haye, on trouve parmi les délicieuses options à la carte des fruits de mer frais pimentés et des préparations accompagnées de sauces fraîches et recherchées, ainsi qu’une excellente sélection de fromages et charcuteries, détaille le Guide. Au Edosoba Hosokawa, à Tokyo, on se régale de fines soba préparées al dente. Tandis que Chez les Anges à Paris (7e), on cultive une gourmandise de bon aloi, entre tradition et modernité. »

56 nouveaux lauréats français

Le 26 février dernier, trois semaines avant la cérémonie du Guide Michelin France 2024 – qui s’est tenu ce 18 mars à Tours (Indre-et-Loire) -, les 56 nouveaux lauréats français du Bib Gourmand ont été dévoilés. La Bretagne s’est démarquée dans ce palmarès : elle regroupe dix nouveaux Bib Gourmand, répartis dans les départements du Morbihan (La Chebaudière, Granit et Maison Cachée), du Finistère (Le 21e Commis et Éclosion), des Côtes-d’Armor (Rolland et Vivace) et de l’Ille-et-Vilaine (Imayoko, Doma et Entre Nous). Cette région de l’ouest de la France est talonnée par la Nouvelle Aquitaine et l’Auvergne-Rhône-Alpes, qui réunissent chacune neuf lauréats. Comme l’an dernier, cinq adresses franciliennes se voient attribuer un Bib.

Rosette, Clichy
Le restaurant Rosette, à Clichy (Hauts-de-Seine), est l’un des nouveaux lauréats 2024 du Bib Gourmand. Crédit DR.
Rosette, Clichy
Autre visuel du restaurant Rosette à Clichy. Crédit DR.

Alors que la cuisine coréenne était bien représentée en 2023, avec La Table de Mee (Paris, 6e) et Kwon (Paris, 14e), les lauréats 2024 de la région parisienne incarnent presque tous une cuisine française, bistrotière, tendant vers la gastronomie. Mais la « bistronomie » n’est pas une offre réservée uniquement à la capitale. Elle se propage désormais dans tout l’Hexagone. « Parmi les tendances notables de cette nouvelle sélection, l’essor de la cuisine bistronomique, confectionnée à partir de produits de terroir et de saison, continue de se développer », note justement le Michelin.

Pour autant, la célébration des différentes cultures culinaires n’est pas abandonnée, précise le Guide rouge : « La cuisine fusion est également à l’honneur avec des tables qui élaborent des plats issus de la cuisine du monde. Chez Manat, à Perpignan [Pyrénées-Orientales], le menu est à l’image du couple franco-japonais qui dirige l’établissement, tout comme chez Imayoko, à Rennes [Ille-et-Vilaine], où les recettes d’inspiration française sont savamment revisitées avec des touches nippones. »

Un positionnement adapté

Le nombre de nouveaux Bib Gourmand ne fait que progresser depuis trois éditions. Notre Guide Michelin en répertoriait 33 en 2022, puis 49 l’an dernier et désormais 56 cette année. Les établissements lauréats proposent des cuisines de qualité supérieure à la moyenne, pour des repas aux tarifs relativement abordables. Une offre qui permet de s’adapter à l’arbitrage de clients, plus regardant actuellement sur la gestion de leurs porte-monnaie. « Dans un contexte économique marqué par l’inflation et la hausse des prix des denrées alimentaires, il convient de souligner cet effort », a justement mentionné Gwendal Poullennec, directeur international des Guides Michelin.

« C’est une fierté, une reconnaissance. On attend que ça fasse venir des gens différents », lance Nina Cadeau, du restaurant Rosemarie (Paris, 7e). « Ça représente une qualité de travail, de rigueur. Par rapport à notre parcours professionnel, rentrer dans le Guide Michelin, c’est une fierté », ajoute son mari, le chef Philippe Cadeau, longtemps associé à Christian Constant dans les cuisines des Cocottes, puis au Crillon (Paris, 8e).

Le Bib Gourmand ferait de l’ombre aux étoiles ?

« Je crois au positionnement du Bib Gourmand pour attirer les clients et pour parler à 85% des gens, ajoute Émile Cotte, chef du restaurant Baca’v (Paris, 5e), récompensé à nouveau d’un Bib pour sa nouvelle adresse éponyme à Boulogne (Hauts-de-Seine). Je trouve ça beaucoup plus actuel d’aller vers un positionnement de Bib Gourmand et se battre pour un très bon rapport qualité-prix, en tant que chef d’entreprise, plutôt qu’aller vers une étoile. Cela est beaucoup plus risqué s’il n’y a pas de maison de financement derrière. »

iÉmile Cotte, chef du restaurant Baca’v (Paris, 5e)
Émile Cotte, chef du restaurant Baca’v (Paris, 5e). Crédit DR.

Proposant un menu complet (entrée-plat-dessert) à 41€ dans le 5e arrondissement de Paris, et à 39€ à Boulogne-Billancourt, Baca’v s’appuie notamment sur des produits issus du terroir Limousin, dont est originaire Émile Cotte. « Peu importe que ce soit un bistrot de chef, de sommelier, un bistrot japonais ou un salon de thé, estime le cuisinier de cette “valeur sûre de la bistronomie parisienne”, comme se décrit lui-même Baca’v. Le positionnement très bon rapport qualité-prix, je crois vraiment à ça ».

La gastronomie… pas hors de prix

Le Guide Michelin s’est intéressé à l’univers gastronomique, plusieurs décennies après sa création. En 1900, alors tiré à 35.000 exemplaires, il est « offert gracieusement » pour faciliter la vie des voyageurs grâce à une liste de garagistes et de médecins, des cartes routières et des plans de villes (évidemment), mais aussi des informations touristiques et des conseils pratiques. Devenu payant, il décerne sa première étoile en 1926 pour distinguer une « bonne table ».

Son modèle étoilé se complète, en 1931, par l’attribution de la deuxième et la troisième étoile. Mais, ce n’est qu’avec la création du métier d’inspecteur, en 1933, que « le Guide Michelin se spécialise vraiment dans l’expertise du milieu de l’hôtellerie-restauration ». Ces inspecteurs sillonnent alors « les routes du monde entier à la recherche des meilleures adresses ». S’appuyant sur cinq critères (qualité des produits, harmonie des saveurs, maîtrise des techniques, personnalité du chef, régularité et cohérence de la carte), les étoiles Michelin sont décernées aux restaurants proposant « une cuisine exceptionnelle ».

Le rapport qualité-prix au centre de la distinction

Depuis 1997, avec le Bib Gourmand, le Guide rouge récompense aussi « les restaurants offrant le meilleur rapport qualité-prix ». Une maison distinguée d’un Bib Gourmand propose donc un repas complet (hors boisson) autour de 40€. Plusieurs types d’établissement sont primés par cette distinction : restaurants de luxe, pubs de village, bistrots tendance, cuisine de rue…

Ainsi, « contrairement aux idées reçues, les adresses recommandées par le Guide Michelin ne sont pas toutes des tables gastronomiques hors de prix », note le Michelin. Les restaurants honorés d’un Bib Gourmand sont majoritairement, aujourd’hui, ceux que l’on définit comme des tables bistronomiques, c’est-à-dire proposant une cuisine raffinée (de type gastronomique donc) mais dans un restaurant simple. Si la notoriété des Bib est moins importante que les étoilés du Michelin, « ils sont pourtant très appréciés de nos lecteurs, et nos inspecteurs consacrent tout autant de temps à leur recherche », précise le Guide. « La bonne cuisine n’est pas forcément inaccessible ! »

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