Congrès de l’Umih : une édition sous haute tension

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Le 70e congrès de l’Umih se déroulait à Brest du 22 au 24 novembre dernier. Il s’agissait là du premier rendez-vous majeur pour le nouveau président Thierry Marx. L’homme a dû batailler, mais a su s’imposer et gagner la confiance de la majorité des présidents de fédérations. Le congrès a par ailleurs donné lieu à des échanges musclés entre différents présidents de branches.

Roland Héguy et Hervé Becam ont transmis le flambeau à Thierry Marx et Eric Abihssira.
Roland Héguy et Hervé Becam ont transmis le flambeau à Thierry Marx et Eric Abihssira. Crédits : Au Coeur du CHR / Mickaël Rolland.

De mémoire d’homme, il faut remonter de longues années en arrière dans l’histoire de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) pour retrouver la trace d’un congrès aussi riche en débats constructifs qu’en échanges houleux. Du 22 au 24 novembre 2022, Brest accueillait le 70e congrès de cette organisation professionnelle de premier plan. La grisaille brestoise, entrecoupée de brefs rayons de soleil, était parfois à l’image de ce rendez-vous annuel qui a marqué la fin d’une ère et ouvert un nouveau chapitre. Alors que Roland Héguy et Hervé Becam ont régné pendant 12 ans sur le syndicat de la rue d’Anjou (Paris 8e), un nouveau tandem s’est imposé lors des élections d’octobre. Constitué de Thierry Marx et d’Eric Abihssira, le duo prend ses marques dans un contexte particulièrement difficile pour la profession : inflation, hausse des coûts de l’énergie, pénurie de personnel et remboursement des PGE. Autant d’éléments qui n’ont pas manqué d’électriser les échanges et qui constituent une crainte sérieuse pour des professionnels qui voient leurs entreprises malmenées et leurs trésoreries menacées.

C’est dans ce climat que, lors du premier jour le 22 novembre 2022, les congressistes ont interpellé le président Thierry Marx et son vice-président Eric Abihssira. Plutôt que de s’en tenir au planning des tables rondes prévues, les présidents des fédérations départementales ont préféré rentrer dans le vif du sujet. « Au moment de l’élection de notre nouveau trésorier, un dialogue urgent a émergé avec Thierry Marx au sujet du remboursement des PGE et de la crise énergétique. La nouvelle présidence a immédiatement réagi en proposant d’établir une feuille de route. Thierry Marx a accepté le débat avec la salle », raconte Thierry Perbet, président du Cantal. Le nouveau président s’est montré à la hauteur de sa réputation de fédérateur et a su imprimer sa marque avec l’aplomb qu’on lui connaît. Gageons que les congressistes qui n’étaient pas convaincus par leur nouveau président ont fait évoluer leur position face à un Thierry Marx qui ne s’est pas démonté et s’est révélé force de propositions.

« Naviguer malgré les avis de tempêtes »

Des caractéristiques qu’on a pu retrouver dans les propos de la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme Olivia Grégoire. Face à des congressistes pétris d’incertitudes, elle était attendue au tournant, le 24 novembre 2022, notamment sur la question de la crise de l’énergie. Après avoir salué l’élection de Thierry Marx, Olivia Grégoire s’est montrée particulièrement attentive aux problématiques rencontrées par la profession. « Cher Thierry Marx, vous arrivez à un moment charnière pour l’hôtellerie-restauration. Nous sommes à Brest et je pense d’ailleurs que la profession a voulu élire un capitaine solide capable de naviguer par gros vent », a-t-elle lancé. Et d’ajouter : « Le secteur des CHR doit aujourd’hui naviguer malgré les avis de tempête avec les PGE, l’inflation des matières premières qui rend vos équations économiques plus compliquées. » Entre autres mesures annoncées, Olivia Grégoire s’est félicitée d’être parvenue à simplifier drastiquement le dispositif d’aides mis en place pour lutter contre l’explosion des coûts de l’énergie. Auparavant, et selon l’aveu de tous, peu de professionnels parvenaient à venir à bout du formulaire nécessaire à l’obtention des aides de l’Etat. « Depuis le 19 novembre 2022, il ne faut que trois choses pour pouvoir bénéficier des aides : les dernières factures d’énergie, un RIB et une déclaration sur l’honneur », a-t-elle expliqué. La ministre déléguée s’est ensuite attelée à rappeler la nécessaire transition énergétique que devront connaître les entreprises du secteur.

Si Olivia Grégoire a reconnu que les PGE constituaient une charge lourde pour les entreprises, l’Umih n’est pas parvenu à infléchir le discours du gouvernement en la matière. A priori, il n’y aura pas d’étalement, sur dix ans, du délai de remboursement de ces fameux prêts garantis par l’Etat, et ce malgré l’effet de ciseau que représentent le remboursement des PGE et la hausse des coûts de l’énergie. « Vous avez passé le Covid, vous surmonterez la crise de l’énergie. Je suis davantage inquiète sur les enjeux de main d’œuvre. 200 000 salariés manquent à l’appel», a-t-elle déploré, rappelant qu’il « faudra trouver des solutions au-delà des salaires ».

Le GNC bousculé

Outre la visite de la ministre déléguée, le dernier jour du congrès était consacré aux comptes rendus des différentes branches du syndicat de la rue d’Anjou : Hôtellerie française, Saisonniers, Cafés, brasseries et établissements de nuit, et Restauration. Le Groupement national des chaînes (GNC), syndicat associé à l’Umih et présidé par Jean-Virgile Crance, était également de la partie. Laurent Duc, président d’Umih Hôtellerie française, a pris la parole en premier pour dénoncer une situation intenable pour la trésorerie des hôteliers français, surtout ceux dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 M€ et qui ne peuvent prétendre à certaines aides de l’Etat. Il appelle ainsi les adhérents à augmenter les prix de leurs chambres pour faire face à la situation. De son côté, Laurent Lutse, président d’Umih Cafés, brasseries et établissements de nuit, a annoncé un chantier important en 2023 : la refonte du code des débits de boissons. Par ailleurs, il a rappelé le rôle déterminant de l’Umih durant la crise sanitaire et la fermeture des établissements puis résumé l’année écoulée en trois mots : patience, persévérance et combativité. Après avoir évoqué la situation des saisonniers dans l’Hexagone (logement, assurance chômage, etc.), Thierry Grégoire, président d’Umih Saisonniers a adressé une première saillie à l’égard du GNC, faisant ainsi craquer le vernis d’une collaboration saine entre Umih et GNC.

Voilà plusieurs mois que la crise couvait entre les deux syndicats associés. A Brest, elle a explosé au grand jour. « On ne peut pas être dans la maison Umih ou être à l’extérieur quand cela ne sert pas les intérêts des indépendants que nous défendons. (…) Je pense qu’aujourd’hui il y a une organisation associée qui n’a plus sa place à l’intérieur de l’Umih », a tonné Thierry Grégoire. Des attaques qui n’ont pas manqué de faire bondir Jean-Virgile Crance. « Je rappelle que notre association date de 1994, a-t-il rétorqué. Si l’Umih ne veut plus du GNC, votons et prenons les dispositions nécessaires. Ce que je ne comprends pas, c’est que les cinq candidats à la présidence sont tous venus chercher les voix du GNC. »

Laurent Duc a abondé dans le sens de Thierry Grégoire avant d’enfoncer le clou et d’adresser une diatribe d’une rare violence au président du GNC. « Je refuse catégoriquement que le GNC réponde de mes problèmes d’hôtellerie. Pendant 20 ans j’ai pensé qu’on avait des problèmes communs, j’ai pensé que c’était des frères. Le Covid a révélé qu’ils n’étaient pas des frères et qu’ils n’ont défendu que leurs entreprises », a asséné Laurent Duc, qui a annoncé qu’il ne renouvelle pas son mandat, à l’instar de Thierry Grégoire. En réponse d’un nouveau coup de boutoir de Laurent Duc, Jean-Virgile Crance a préféré quitter la scène devant une assemblée médusée.

« Je dois vous faire une confidence, j’appréhendais ce congrès »

Thierry Marx a finalement clôturé ce 70e congrès dans des conditions pour le moins mouvementées. Contenant son agacement et sa déception, le nouveau président a déploré les tumultes qui ont animé ses troupes. « Je dois vous faire une confidence, j’appréhendais ce congrès. Et puis, j’avais très envie de vous retrouver pour mieux vous connaître et vous comprendre. J’avoue que je ne suis pas déçu et je tiens à vous remercier. Des moments forts, intenses, justes et sincères, mais oublions l’épisode précédent. Vous êtes des entrepreneurs et des gens d’audace. Vous n’êtes pas des adeptes de la terre brûlée », a-t-il déroulé, demandant à l’Umih des « états de service » et non des « états d’âme ». Thierry Marx s’est tout de même félicité de la richesse des débats qui a permis de définir une feuille de route claire face aux PGE et à la crise énergétique notamment. « Nous serons au rendez-vous », a-t-il prévenu avant d’expliquer qu’il s’attellera, entre autres chantiers, à « restaurer la confiance entre l’Umih et tous les adhérents », mais aussi « d’ouvrir le directoire de l’Umih à une meilleure représentativité des territoires » à travers la nomination de huit nouveaux membres au sein du directoire, après les élections de branche, qui sera soumise à l’approbation des adhérents de l’Umih. Il a promis de dégager le temps nécessaire à l’exercice de sa fonction avant de conclure : « Je me sens bien dans la famille Umih ».

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