Didier Desert : se réinventer pour avancer

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Didier Desert a apprivoisé la restauration à L’Ambassade d’Auvergne (Paris 3e). Dix ans après sa reconversion dans la cuisine et avoir repris l’établissement, l’ancien consultant en finances s’apprête à ouvrir une nouvelle page de sa carrière, toujours au service de la gastronomie mais sur le MIN de Rungis. Un homme pétri de passions et de convictions, qui ne craint pas de se réinventer pour mieux se réaliser.

Didier Desert intervient comme conseiller gastronomie du Marché d'intérêt national (MIN) de Rungis. Crédit : DR.
Didier Desert intervient comme conseiller gastronomie du Marché d'intérêt national (MIN) de Rungis. Crédit : DR.

À quelques jours de laisser les clés de L’Ambassade d’Auvergne, vénérable institution du 3e arrondissement de Paris, Didier Desert n’a pas la main qui tremble. Dix ans après avoir embrassé le monde de la restauration pour vivre de l’intérieur sa fascination pour la convivialité de la table et l’univers du vin, il s’apprête à enclencher sa quatrième vie professionnelle. Sa nomination, au printemps dernier, en tant que conseiller gastronomie auprès de Stéphane Layani, le président-directeur général du MIN de Rungis, a peut-être un peu précipité sa séparation d’avec son restaurant auvergnat. Mais Didier Desert est convaincu que le moment était venu pour lui de servir ailleurs, et de laisser à d’autres le soin de donner un nouveau souffle à l’établissement.

« J’ai remis beaucoup de choses à plat il y a dix ans, entre les travaux et les efforts pour endosser au mieux ce costume de représentant de l’Auvergne à Paris. Mais les choses ont évolué, le Covid est passé par là. Le restaurant a besoin d’un dépoussiérage, et je ne pense pas être celui qui doive lancer cette réflexion stratégique. C’était ma première affaire et ce sera la dernière. »

Le défenseur d’une restauration honnête et de goût

Lorsqu’il a démarré sa reconversion à l’école Ferrandi, l’ancien associé du cabinet de consulting EY (ex-Ernst & Young) n’imaginait pas le rôle qu’il allait jouer auprès de la profession pendant la décennie suivante. Fervent défenseur d’une restauration honnête et de goût, il a défendu les intérêts de la profession en tant que vice-président de l’Association française des maîtres restaurateurs, mais aussi en s’impliquant au sein du Collège culinaire de France. L’homme n’aime pas la demi-mesure et, sans prétention, a voulu conjuguer son aisance relationnelle – héritée de ses anciennes fonctions – et son milieu d’adoption.

« En arrivant dans la restauration à l’âge de 50 ans, je voulais déployer ce côté militant. C’était une manière de prendre ma place, car je suis clairement arrivé comme un OVNI. Pour autant, je n’ai jamais senti de jugement chez mes pairs, que ce soit de la part des restaurateurs ou des chefs, et j’ai toujours beaucoup d’émotion lorsque j’endosse la veste blanche. »

Je voulais être un restaurateur militant.
Didier Desert, conseiller gastronomie du Marché d’intérêt national (MIN) de Rungis.

Entrer en restauration, un acte de résistance aussi pour faire barrage aux regrets. « J’ai voulu exaucer mon envie de vivre de ma passion pour le vin et la cuisine, qui me suit depuis mes études à l’ESSEC. » Il n’a pas choisi la facilité en s’attaquant à L’Ambassade d’Auvergne, institution familiale fondée en 1966, pour laquelle « pas grand monde était prêt à reprendre le flambeau ». « Je n’avais jamais mis les pieds en Auvergne, mais j’ai mis tout ce que j’avais dans ce projet. Et pour que ça marche, j’ai vraiment pris le nom du restaurant au pied de la lettre. Il devait devenir la vitrine de tout ce qu’il se fait de bien en Auvergne, quitte à travailler des produits plus chers et à élever le standing. »

Une attention pour les vins d’Auvergne

Il a pris son bâton de pèlerin pour sourcer produits et producteurs qui incarnent les terroirs de ces départements. Avec une attention toute particulière pour les vins d’Auvergne, que l’inconditionnel des quilles de tous horizons a voulu valoriser, quitte à faire déborder sa cave. « J’avais une telle obsession à faire grandir ma cave que j’ai atteint 10.000 bouteilles. Ce qui est complètement aberrant pour un restaurant de la taille de L’Ambassade », reconnaît-il, pas peu fier que sa carte des vins a été adoubée à plusieurs reprises par le Trophée du Tour des cartes, sélection des 100 meilleures propositions de vins en France. Un succès qu’il préfère garder modeste.

« J’ai découvert un terroir, des gens, mais je ne me revendique absolument pas Auvergnat. Je suis devenu un défenseur de l’Auvergne par exigence et cohérence : je me suis simplement mis au service de mon enseigne. » Désormais, l’histoire s’écrira différemment, sous la houlette de nouveaux patrons. Alexandre et Jonathan Cohen, déjà propriétaires du Petit Pontoise (Paris 5e), impulseront bientôt une nouvelle énergie au lieu.

Un nouveau départ

« J’ai désormais plus de 60 ans et, soyons honnêtes, je ne me voyais pas tenir ce rythme 7 j/7 et la pénibilité qui va avec dans les prochaines années, souligne le restaurateur. Embaucher à tour de bras n’a jamais été ma façon de faire. J’ai toujours préféré travailler avec une petite équipe, être présent souvent et pallier les absences en mettant la main à la pâte. »

Et de poursuivre : « Je n’ai pas de regrets et je n’ai pas peur non plus que la vie de restaurateur me manque, parce que j’ai l’espoir d’aller vers d’autres choses qui m’apporteront de la satisfaction. Évidemment, j’ai un pincement au cœur à l’idée de baisser le rideau, mais j’ai envie d’avancer, il y a un temps pour tout. Mes activités à venir à Rungis me permettent de garder un pied, et même bien plus, dans ce secteur que j’affectionne. Je vais continuer à travailler avec les associations de chefs et encourager l’intérêt de mes confrères pour le MIN. Ce sera une synthèse des compétences de toutes mes vies professionnelles. »

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