Cuisine responsable : la restauration s’engage pour la planète
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Réduction des déchets, cuisine végétale, produits locaux…De plus en plus de restaurants œuvrent pour une restauration vertueuse, sans altérer qualité et créativité. Pour valoriser cette initiative responsable, le concours La Cuisine durable est organisé pour la deuxième année.

Preuve que la cuisine durable s’inscrit dans une tendance, elle a son propre concours. Pour la deuxième année, la fondation éponyme organise en fin d’année (la finale se tiendra le 14 octobre) le concours La Cuisine durable. Lancée par Olivier Ginon et le chef étoilé Christian Têtedoie, cette compétition culinaire entièrement conçue autour d’une vision responsable de la cuisine vise à promouvoir les bonnes pratiques, à remettre le producteur à l’honneur et à sensibiliser le client. Récompensé d’une étoile verte Michelin (attribuée aux acteurs les plus engagés de la gastronomie écoresponsable), Christian Têtedoie privilégie les produits de saison.
À l’instar de son mentor Paul Bocuse, précurseur des circuits courts, le président du concours se sert des produits de son propre potager et se fournit chez les producteurs locaux. De plus, les recettes du chef lyonnais valorisent le produit dans son entièreté : les déchets organiques sont utilisés en compost et les graisses usagées retraitées.
Du sourcing aux produits d’hygiène
« C’est valorisant pour le producteur de travailler pour un restaurant responsable et le chef cherche constamment de nouvelles saveurs, de nouvelles variétés, souligne Marie-Odile Fondeur, déléguée générale de la fondation pour la cuisine durable. Le premier levier d’impact de la durabilité est le sourcing. » L’ex-directrice générale du Sirha estime que la clé d’une cuisine responsable est le lien entre les producteurs et les restaurateurs. Ouvert à tous les cuisiniers professionnels entre 21 et 45 ans, le concours balaye des critères variés allant du sourcing au matériel, en passant par les économies d’énergie, les contenants, la qualité des produits d’hygiène ou encore le management humain. Cette année comporte une innovation, un concours pour la pâtisserie est aussi organisé. « Il y a du travail, on ne veut plus voir de fraisiers en hiver, dénonce Marie-Odile Fondeur. On a besoin de choses plus simples, moins sucrées avec moins d’additifs et de conservateurs. »
Écoresponsabilité
Écotable attribue, comme Yuka pour les produits alimentaires ou Clear Fashion pour les vêtements, une note aux restaurants (le tout récent Resto-Score) en fonction de la santé environnementale, humaine et animale. L’entreprise accompagne le secteur de la restauration dans sa transition écologique et propose notamment des formations. Sur le site d’Écotable, le restaurant parisien Maslow (déjà titulaire de trois macarons « Écotable ») obtient la note B grâce aux circuits courts, à la réduction des déchets et à l’absence de viande et de poisson. Au cœur du 1er arrondissement, il s’impose comme le plus vaste sanctuaire végétarien de la capitale, bien que la communication ne soit pas axée sur ce point. À chaque service, Maslow enregistre jusqu’à 600 couverts et compte bien exploser ce record cet été pour son premier anniversaire.
« Si on se revendique végétarien, on ne va toucher qu’une infime partie de la population, précise la cofondatrice Julia Chican. Si on arrive à faire aimer notre cuisine à un public non averti, le pari est gagné. » Avoir un faible impact environnemental avec des gros volumes est un vrai challenge. « Notre objectif, c’est de démontrer qu’on peut factuellement changer les choses, même à une grosse échelle », assure Julia Chican. Pour environ 4kg d’émissions de CO2 en moyenne par couvert dans la restauration classique, Maslow a évalué son impact à 1,6kg de CO2 rejeté par repas. Pour atteindre ce chiffre, les trois associés ont listé près de 200 éléments comme les pailles, l’électricité, le sucre ou encore les tenues des salariés, pour essayer d’améliorer chaque point, un par un.
L’accumulation de détails
Les pailles recyclées uniquement sur demande, les tenues fabriquées en Europe, les sucriers pour remplacer les dosettes et l’absence de climatisation sont autant de petites actions, qui, mises bout à bout, font de Maslow un restaurant à faible impact environnemental. Les équipes de Maslow sont parfois confrontées à des dilemmes : faut-il garder le Coca-Cola (seul soft industriel du restaurant) à la carte ? Pour Mehdi Favri, c’est un non catégorique, alors que pour Julia Chican et Marine Ricklin, la réponse n’est pas si simple. « C’est un des plus gros pollueurs au monde, ça ne correspond pas à notre image mais on préfère le supprimer que proposer un substitut. Il ne va probablement pas rester longtemps à la carte. »

« On ne sert pas d’avocat ni de fruits exotiques, mais si on voulait être totalement parfaits, on supprimerait le café et le chocolat de notre carte. Mais on estime que ce sont de trop gros sacrifices pour le moment et qu’on perdrait des clients, avoue Julia Chican. On a essayé de supprimer le film plastique en le remplaçant par des couvercles en silicone mais on n’y arrive pas encore. Alors on a divisé par deux son utilisation, on évolue continuellement. Ce qu’on veut montrer surtout, c’est que rentabilité et écoresponsabilité sont compatibles. »
Cela demande des efforts de la part des équipes. Le chef doit passer par plusieurs fournisseurs, s’adapter à des légumes aux calibres différents ou encore aux récoltes en cours. « Avec envie et intelligence, on y arrive, soutient la directrice de l’établissement. Nos équipes sont très impliquées dans le projet et c’est parfois même elles qui nous sollicitent pour améliorer des choses. » Ouvert il y a tout juste un an, le succès de Maslow prouve que le plaisir de la table peut rimer avec respect de l’environnement.
Le végétal se développe
Dans le petit village basque de Sare (Pyrénées-Atlantiques), parmi les restaurants traditionnels souvent à base de viande, le restaurant vegan Éphémeride a ouvert il y a près de deux ans. Mais Marion Boidin préfère qualifier sa cuisine de végétale. « Vegan sonne plus sectaire et plus militant, alors que le végétal offre une diversité, un nouveau panel de saveurs à découvrir. Je ne cherche pas à reproduire de la viande, je propose une cuisine très créative, colorée, en fonction des saisons et si on écoute la nature, elle nous offre ce dont notre corps a besoin à la bonne période. Par exemple l’été, on a besoin de s’hydrater : on a des légumes gorgés d’eau comme les tomates et les concombres. À l’arrivée du froid, on a des courges réconfortantes, ce n’est pas plus compliqué », détaille-t-elle.


Plus de 50% des Français souhaitent augmenter leur consommation de produits végétaux dans les années à venir, selon l’Ifop. Florence Lappen, directrice de l’école de cuisine végétale Vert la table, estime qu’il y a seulement 1 à 2% de vegans et 5% de végétariens en France. Elle regrette pourtant que la viande et le poisson restent très souvent les seuls à l’honneur dans les assiettes.
« L’alimentation c’est la santé, c’est dommage qu’il n’y ait pas d’alternatives végétales rassasiantes, parce qu’avec des frites et de la salade, on a encore faim », fustige-t-elle. « Je vais essayer de prendre des éléments déjà présents dans la cuisine pour ne pas tout refaire. Par exemple, retirer le beurre d’un plat et le remplacer par de l’huile d’olive, ou réfléchir à ce qui est déjà végétal dans notre cuisine et qu’on peut ajouter ou supprimer sans refaire toute une préparation. Les restaurateurs se font tout un monde de la complexité de cette cuisine, alors qu’elle est très accessible. »