
Décision business
« La situation économique se dégrade », a d’emblée lancé Jean-Pierre Cointreau, président de la Fédération française des spiritueux (FFS), le 20 juin 2023, à l’occasion d’une conférence de presse sur le bilan de l’année passée. Et pour cause, « un tiers des entreprises du secteur ont obtenu un résultat négatif en 2022 », s’alarme-t-il. Et la situation ne se dirige pas vers une amélioration.
Pour le premier semestre 2023, 60% des entreprises ont connu une dégradation de leur trésorerie, contre 45% pour le second semestre 2022. De plus, 43% d’entre elles ont noté un recul de leur chiffre d’affaires, contre 24% lors du second semestre 2022.
Des hausses de prix non répercutées
Cette situation s’explique par le contexte conjoncturel lié à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a eu pour conséquence des pénuries de matières sèches et de hausse du prix de celles-ci. « Les coûts de production ont fortement augmenté », a ainsi noté Thomas Gauthier, directeur général de la FFS.
D’après une étude réalisée par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et la FFS en avril 2023, 32% des entreprises estiment la hausse du prix de revient entre 5 et 10%, quand 63% l’estiment entre 10 et 50%.
De plus, les producteurs français de spiritueux n’ont pas forcément pu répercuter ces hausses. En effet, tandis que 11% des entreprises ont répercuté sur leurs prix de vente la totalité des hausses, ils sont 72% à ne les avoir répercutées que partiellement, et même 17% à ne pas les avoir répercutées du tout. En outre, pour essayer de limiter l’impact de la hausse des prix de l’énergie, près de 50% des entreprises prévoient des investissements pour réduire leur consommation.
Baisse des ventes en GMS
Ce contexte particulier explique une légère baisse des ventes de spiritueux en GMS, aussi bien en valeur qu’en volume. Elles ont ainsi représenté 5 milliards d’euros en 2022, en baisse de 4,38% par rapport à l’année précédente. En volume, elles atteignent 263 millions de litres, en recul de 5,08% par rapport à 2021. Les volumes descendent en outre à un niveau presque équivalent à celui de 2019 (-0,8% par rapport à 2019). « À partir de septembre 2022, les gens ont fait un arbitrage en termes d’achat », a confirmé Thomas Gauthier.
Le quintette de tête, aussi bien en valeur qu’en volume, correspond aux whiskies (43% de la valeur ; 37,9% des volumes), anisés (19,5% de la valeur ; 19,9% des volumes), alcools blancs (10,8% de la valeur ; 10,8% des volumes), rhums (14,3% de la valeur ; 14,3% des volumes) ; liqueurs et crèmes de fruits (7,4% de la valeur ; 8,9% des volumes). « Il est à noter la grande forme des liqueurs et crèmes de fruits par rapport aux cocktails », indique Jean-Pierre Cointreau. Celles-ci ont en effet connu des hausses de 6,39% en valeur et 1,16% en volume.
L’embellie des spiritueux dans les CHR
De plus, l’embellie des CHR se confirme avec une belle augmentation des ventes en volume (+ 51,8%), pour atteindre 20,1 millions de litres. L’augmentation est même de 5% par rapport à 2019. Les alcools blancs (23%), liqueurs et crèmes de fruits (21,7%) et rhums (19,2%) forment le trio de tête, là encore valorisés par la mixologie. « Les moments de consommation ont tendance à se transférer de la nuit vers le jour », indique en outre Thomas Gauthier.
Sur ce segment enfin, plus de la moitié des consommateurs estiment pouvoir maintenir ou augmenter leurs dépenses sur les 12 prochains mois. « Le consommateur ne voit pas de la même manière les CHR que la GMS. Les CHR correspondent à l’exploration, à la convivialité et au plaisir », précise le directeur général.
Belle hausse de l’export
S’agissant de l’export, ce marché a connu une belle dynamique en 2022, pour atteindre 5,4 milliards d’euros (+ 11,7% par rapport à 2021), et 468 millions de litres (+ 2,3%). Le cognac représente la majorité des exportations. L’alcool atteint ainsi 72,1% de la valeur, en augmentation de 9,3%, et 31,6% des volumes, en baisse de 3,7%.
« Il existe une prépondérance du marché américain et particulièrement des États-Unis », constate Jean-Pierre Cointreau. En effet, l’Amérique du Nord représente 45% en valeur des exportations, suivie de l’Asie (26%), de l’Union européenne (5%) et enfin du reste du monde (14%). Les États-Unis, (+13% sur un an), la Chine et Singapour forment « le trio qui devance tous les marchés européens ». À noter que l’Europe a connu une belle augmentation des expéditions : +14% en volume.
Cependant, le début d’année 2023 se révèle plus compliqué pour l’export des spiritueux français. Ses volumes ont ainsi baissé de 20% en moyenne sur les deux premiers mois. En cause notamment, le ralentissement du cognac sur le marché américain. Mais l’inflation permet de compenser en partie cette chute des volumes, avec une valeur qui ne baisse que de 11%.
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