Décision business
Entretien avec Virginie Bartholin, responsable des achats agricoles de Pernod Ricard
Pernod Ricard France a participé, cette année, à deux tables rondes au Salon international de l’agriculture. L’occasion pour Virginie Bartholin, responsable des achats agricoles de l’entreprise (alcools, sucres, plantes aromatiques, arômes, etc.) d’évoquer pour Décision Boissons l’importance méconnue des matières premières agricoles dans l’économie du groupe et la politique d’approvisionnement durable engagée avec ses fournisseurs agriculteurs.
« Nous voulons certifier tous nos terroirs stratégiques d'ici 2030 »
Pour quelle raison avoir participé, cette année, au Salon de l’agriculture ?
L’association Agridemain, qui rassemble les principales organisations professionnelles agricoles, nous a offert l’opportunité de rappeler le lien de nos spiritueux avec les terroirs et de présenter notre politique d’approvisionnement. Dans le cadre du volet agricole de notre feuille de route sociale et environnementale, nous souhaitons certifier, d’ici 2030, l’ensemble de nos filières stratégiques, soit une dizaine de « terroirs » . C’était l’occasion de mettre en avant les agriculteurs et associations avec lesquels nous travaillons pour faire aboutir ensemble cette politique d’approvisionnement durable.
Quel est le poids des achats agricoles de Pernod Ricard ?
La principale matière première que nous achetons, c’est l’alcool, produit à partir de betterave et de blé. On estime à plus de 150 000 tonnes le volume de matières premières mis en œuvre pour la production d’alcool et de sucre, soit plus de 15 000 hectares de blé et betterave. Notre politique consiste à sécuriser nos approvisionnements en travaillant avec différents fournisseurs. Mais aussi à limiter la logistique et le bilan carbone en privilégiant la proximité avec nos quatre usines.
L’autre matière première à gros volume est le raisin, pour produire le vin utilisé dans nos apéritifs. C’est un poste en croissance notamment en raison de l’augmentation des ventes de Lillet. On trouve ensuite des productions plus modestes en volume comme la réglisse, la badiane, le fenouil et la gentiane, mais qui sont stratégiques pour nous car elles façonnent les profils du Ricard ou de la Suze. Nous leur consacrons beaucoup d’attention pour nous assurer de leur impact favorable sur la biodiversité mais aussi pour nous prémunir de tout risque de rupture d’approvisionnement.
Quels types de partenariats « durables » avez-vous mis en place ?
Il n’y a pas de démarche de certification unique, mais des démarches différentes en fonction des terroirs et des productions. En betterave, nous nous sommes engagés depuis 2018 auprès de l’association Pour une agriculture du vivant (PADV) qui compte environ 600 adhérents agriculteurs et une centaine d’entreprises partenaires. Nous développons avec eux un projet de « culture d’industrie sur sol vivant » dans le domaine de la betterave. L’objectif est de cultiver de manière plus agroécologique, d’éviter une mécanisation excessive, de s’affranchir des substances comme les néonicotinoïdes, etc.
Nous travaillons notamment sur un modèle de contrat qui fasse sens pour nous et pour nos fournisseurs et permette aux betteraviers de gagner leur vie correctement. Cette démarche est plus aisée dans le secteur de la betterave où nos interlocuteurs sont des coopératives, qui sont à la fois producteurs et transformateurs, que dans la filière blé où nos fournisseurs d’alcool s’approvisionnent aussi auprès de traders. Mais nous sommes en train d’identifier les coopératives céréalières avec lesquelles nos fournisseurs travaillent pour développer les mêmes principes d’agroécologie.
Qu’en est-il des autres filières ?
Dans le secteur du vin, nous avons pour objectif d’ici 2030 d’avoir toute notre production en HVE, ce qui n’est pas encore le cas, faute de surfaces suffisantes. Pour ce qui concerne le fenouil, nous avons lancé, il y a plus de 20 ans, un important programme de relocalisation de la culture. La vingtaine de producteurs est engagée dans des certifications comme Censo, une démarche de développement durable pour la filière des huiles, ou même en bio, pour approvisionner notre référence Ricard bio. En matière de gentiane, nous accompagnons une association pour nous assurer de pouvoir disposer d’une gentiane sauvage issue de conditions durables.
Craignez-vous l’impact de la guerre Russie-Ukraine sur vos approvisionnements ?
Bien que la majorité de nos fournisseurs s’approvisionnent en France ou en Europe, il risque d’y avoir un impact sur notre activité car nous ne sommes pas à l’abri qu’une partie de la matière première provienne de cette zone. L’effet le plus à craindre est la hausse des coûts, qui augmentent de tous côtés actuellement, sur l’alimentaire, le packaging et la logistique. Dans le contexte actuel, il existe une concurrence entre le bioéthanol, qui a le vent en poupe et est plus simple à produire, et l’alcool de bouche industriel. Il y a de quoi être inquiet pour la disponibilité. D’où la nécessité aussi d’avoir des projets de long terme avec ses fournisseurs.
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