
Décision business
La filière des spiritueux est en récession. C’est le moins que l’on puisse dire, comme le rapporte Guillaume Girard-Reydet, président de la Fédération française des spiritueux (FFS). « Notre image à l’extérieur est très positive. D’aucuns pensent que nous vivons très bien. Il n’en est rien. Notre filière se dégrade. »
Et de rappeler que les coûts de revient sont toujours à la hausse. A titre d’exemple, la tonne de verre a flambé en quelques années, le prix progressant entre 30 et 40 % depuis le Covid. A cela s’ajoutent la revalorisation des salaires et la hausse du prix des matières premières agricoles. Sans parler de la forte progression des tarifs de l’électricité. Les chiffres fournis par l’enquête de la FFS, en partenariat avec la CPME, sont révélateurs du malaise ambiant. 69 % des entreprises de spiritueux ont observé en 2024 une augmentation des coûts à hauteur de 10 %. De plus, 97% d’entre-elles ne parviennent pas à répercuter l’ensemble des hausses de coûts de production. Résultat, les marges ont diminué pour 54 % des sociétés.
Notre secteur est fortement sous-tension. Dans le même temps, nous sommes confrontés à une hausse des coûts et à une baisse du pouvoir d’achat
Alcool vs sans alcool

La France boit de moins en moins d’alcool. De 1960 à aujourd’hui, la consommation a diminué de 60%. « Nous avons gagné le combat de la modération, constate avec une certaine satisfaction Thomas Gauthier. Faire préférer la qualité plutôt que la quantité.» La part des non-acheteurs d’alcool à domicile progresse de 50% chez les 18-34 ans, entre 2020 et 2024. Et 41 % des Français en consomment uniquement lors de moments festifs. Autrement dit, la part de nos compatriotes buvant des boissons alcoolisées chaque semaine a fortement diminué. Elle est passée de 78% en 2000 à 51 % en 2021 (source NielsenIQ). Autre chiffre à connaître : 15% de la population ne consomme pas d’alcool, ni en privé, ni en société.
Les spiritueux en CHR
En 2024, le CHR a écoulé 20,8 millions de litres, en recul de 2 % par rapport à 2023. En valeur, le repli est de 1,8 % (-2,6 % pour l’ensemble du segment alcool).
CHR: les trois premières boissons en baisse (volume)
pour les alcools blancs (23,9 % de parts de marché)
pour les rhums (17,3 % de parts de marché)
pour les liqueurs et crème de fruits (23,4 % de parts de marché)
Au-delà du trio de tête, toutes les autres boissons reculent également, toujours en volume. Une exception : les apéritifs sans alcool. Ils progressent légèrement (+0,7%, pour une part de marché identique). Parallèlement, la FFS note que « la mixologie confirme sa bonne forme (…) à base d’agave, de vodka, de liqueurs, seules catégories en hausse en valeur ».
Les spiritueux en GMS
En 2024, la GMS a écoulé 247 millions de litres, en recul de 3,8 % par rapport à 2023. Repli quasi identique cette fois en valeur : -3,60 %, à 4,9 milliards d’euros, et cela pour la première fois depuis 2018. Conséquence, cette déconsommation d’alcool entraîne une hausse des achats des soft drinks.
GMS : les trois premières boissons en baisse (volume)
pour les whiskies (37,8 % part de marché)
pour les anisés (19,3 % parts de marché)
pour les rhums (14,2 % de parts de marché)
Les ventes des trois premières boissons du marchés se rétractent, comme pour l’ensemble des autres produits, à une exception : les amers, à +0,4 (5,3 % de parts de marché).
Cela dit, cette tendance ne profite pas aux spiritueux sans alcool. Leur taux de pénétration est de 7,7 %, soit un repli de 1,2 % en 2024 par rapport à 2023. A titre de comparaison, celui des bières est de 21,3 %.
Et l’export ?
« Le marché à l’international demeure tendu », constate sans surprise Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs des vins et spiritueux de France (FEVS). Une situation d’autant plus compliquée que la France est le premier exportateur mondial avec l’Ecosse. Actuellement, la Chine et les Etats-Unis représentent les deux principaux débouchés.
Pour les brandys européens, dont le cognac et l’armagnac sont les principales victimes, la Chine applique des droits supplémentaires entre +30,6% et +39%, soit une moyenne à +34,8%. Les ventes dans les duty free sont à l’arrêt et le gouvernement chinois a retiré des repas officiels le cognac et l’armagnac. Mais Pékin devrait rendre d’ici au 5 juillet prochain les résultats de son enquête antidumping sur les brandys européens. La France est actuellement en négociations bilatérales avec la Chine. Selon toute vraisemblance, un accord pourrait être trouvé. Les taxes appliquées oscilleraient alors entre 12% et 16% au lieu de 36%… Un moindre mal pour les producteurs de cognac et d’armagnac dont les ventes ont chuté de 60 % en Chine.
Quant aux Etats-Unis, Gabriel Picard reconnaît qu’il est difficile d’anticiper les décisions de Donald Trump. « En revanche, il est fort vraisemblable que la hausse de 10% perdurera.» Cela dit, il est possible que d’ici au 9 juillet prochain, des droits « réciproques » de 20% soient appliqués entre l’Union européenne et le pays de l’Oncle Sam.
Quoi qu’il en soit, la filière doit rebondir et partir à la recherche de nouveaux débouchés, notamment en Afrique, au Canada, et en Inde. Un travail, certes de longue haleine, mais qui, au final, s’avérera payant.

Non à une hausse de la fiscalité !
Trop d’impôt tue l’impôt. Pour la Maison des Vins et Spiritueux, le gouvernement ne doit pas augmenter les taxes et autres impôts. Au contraire, il doit alléger les charges. Et cela au nom du maintien de la compétitivité de la filière. Le prix de vente intègre 72% de taxes, soit 13 € pour un article à 18 €. « Il n’est plus possible de continuer à voir la fiscalité augmenter sous peine d’accélérer la déconsommation de vins et de spiritueux », prévient Gabriel Picard, président de la FEVS. Le droit d’accise a progressé de +25.5% en 15 ans.
La Maison des Vins et Spiritueux regroupe quatre organisations : Fédération française des spiritueux (FFS), la Fédération des exportateurs des vins et spiritueux de France (FEVS), la Fédération française des vins d’apéritif (FFVA) et l’Union des maisons et marques de vins (UMVIN).
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