Décision business
Une réforme des Titres-restaurant peu favorable aux restaurateurs
Comme elle s’y est engagée devant le Sénat, peu après sa nomination au poste de ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des PME, Véronique Louwagie vient de rendre public son projet d’évolution des dispositions qui encadrent les Titres-restaurant. Elle a notamment annoncé la pérennisation du dispositif dérogatoire, reconduit d’année en année depuis 2022, qui permet aux détenteurs de titres de les utiliser pour acheter des aliments non directement consommables dans le commerce.
Cette mesure pénalise les restaurateurs qui voient ainsi détournés des parts de marché qui leur étaient jusqu’à présent réservées. Dans de précédentes discussions, Véronique Louwagie avait laissé peu d’espoir aux restaurateurs en estimant que cette latitude « répond à une demande de 96% des salariés, et que 6 salariés sur 10 apportent leurs plats faits maison sur leur lieu de travail ». Toutefois, les représentants des syndicats avaient réclamé en compensation l’instauration d’un double plafond qui fixerait à 15€ le seuil de dépense maximum quotidienne dans la grande distribution et à 25€ dans la restauration.
La ministre n’a pas souhaité retenir cette proposition qui aboutirait à création d’une « usine à gaz » dans le fonctionnement du système en raison des différences de taux de TVA. « C’est prendre les gens pour des imbéciles, s’étrangle Romain Vidal, représentant du GHR. Cette disposition peut être mise en place sans problème. » Véronique Louwagie a par ailleurs étendu à la journée du dimanche la possibilité d’utiliser les titres. Elle a affirmé son intention de revenir à un validité d’un an des titres et de purger les sommes en déshérence sur les comptes des titulaires en fléchant les sommes concernés vers le fonds d’aide alimentaire « Mieux manger pour tous ».
Fin du papier en mars 2027
Parmi les annonces marquantes, il faut noter celle de la dématérialisation totale du système au 1er mars 2027. Passé cette date, les titres papier qui représentent encore 25% du marché seront obsolètes. Véronique Louwagie a par ailleurs annoncé la disparition à terme de la CNTR (Commission Nationale des Titres-Restaurant), qui délivre les agréments, contrôle le fonctionnement et favorise le dialogue entre les différentes parties.
A l’avenir, la procédure sera simplifiée au niveau des commerçants qui pourront désormais obtenir un agrément à l’issue d’un simple enregistrement en ligne. La ministre a également évoqué les commissions exigées par les émetteurs qui ont « augmenté de 0,5%, alors qu’elles auraient dû baisser à la faveur de la dématérialisation ». Si les employeurs versent environ 1 % de commission, les restaurateurs doivent rétrocéder en moyenne 4% de la valeur des titres. De conviction libérale, Véronique Louwagie, n’a pas souhaité imposer de taux plafond aux émetteurs. En revanche, elle entend imposer de la transparence dans le dispositif et favoriser la concurrence.
Désormais les émetteurs devront disposer d’une habilitation formelle délivrée par l’Etat et adhérer obligatoirement à un GIE, dont ils assureront le financement. Cette structure assurera le contrôle du fonctionnement du système et la transparence réclamée aux émetteurs sur les coûts réels de fonctionnement. Enfin, il leur sera interdit de procéder à leurs habituelles promotions de fin d’année. Cette pratique commerciale qui avantage les grands comptes, déséquilibrerait la concurrence, selon la ministre, qui espère que ces mesures seront à même de faire baisser les commissions payées par les commerçants.
Dans le cas où elle ne constaterait aucun effet, elle s’est laissé la possibilité de légiférer. Romain Vidal reste dubitatif face à cette attitude : « On espère que commerçants et émetteurs vont s’entendre en l’espace de trois mois, alors que depuis deux ans les émetteurs n’ont émis aucune proposition. »
Un débat en perspective
Ce projet de réforme devra au préalable être débattu devant le Parlement sous la forme d’une proposition de loi ou d’un projet de loi. Chez les syndicats de restaurateurs, au GHR comme à l’Umih, les responsables ont déjà fait connaître leur intention de profiter de cette fenêtre de tir pour faire évoluer la législation d’une manière plus favorable. « Nous allons discuter avec la ministre durant les trois mois de concertation qui viennent, assure Romain Vidal. Ensuite, nous irons voir les députés et les sénateurs qui connaissent la réalité du territoire. Nous leur expliquerons que ce projet, c’est deux milliards d’euros fléchés vers la grande distribution et l’industrie, et non plus vers les artisans et commerçants. Cela va encore contribuer à détruire les centres-villes. »
Le représentant du GHR souhaite aussi faire comprendre aux parlementaires que ce fléchage du titre vers la grande distribution représente une perte fiscale non négligeable pour l’Etat en raison des disparités des taux de TVA. Pour lui, l’enjeu est important, notamment en raison du succès de cet avantage social. Selon lui, en effet, le montant annuel des titres restaurants émis pourrait atteindre les 11 milliards d’euros fin 2026.
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